Loi DADVSI: le recadrage du gouvernement laisse froid

Les nouveaux amendements concoctés par la rue de Valois ne suscitent pas l’enthousiasme

Le très controversé projet de loi DADVSI (droits d’auteur et droits voisins pour la société de l’information) a donc été passé à la moulinette du ministère de la Culture pour plus d’équilibre.

Il s’agit de répondre à la fronde de nombreux députés et de rassurer les consommateurs qui estiment que ce texte est liberticide en mettant à mal le principe du droit à la copie privée. Sous l’impulsion du président Jacques Chirac, le ministre de la Culture, Renaud Donnedieu de Vabres a donc présenté quelques amendements censés calmer la tempête. Les amendements prévoient un régime de sanction graduée qui allège les sanctions des internautes qui téléchargent occasionnellement des fichiers à des fins personnelles. Ils modulent également les sanctions à l’égard de ceux qui contournent les mesures techniques de protection (MTP ou DRM) en distinguant le contournement ponctuel pour un usage personnel, le « hacker » ou pirate informatique et les fabricants de logiciels qui tirent profit de ces pratiques. Les premiers se verraient infliger une amende de 150 euros tandis que les seconds pourraient être condamnés à 7.500 euros d’amende Le ministère propose également de garantir l’« interopérabilité » et de « renforcer » le droit à la copie privée en confiant au « collège de médiateur » déjà prévu le soin de définir « un nombre suffisant » de copies « en fonction du type de supports ». Le droit à 5 copies personnelles serait inscrit dans la loi. Enfin, les amendements sur la licence légale et sur la légalisation du téléchargement en P2P seraient évidemment supprimés. En apparence plus mesuré, ce texte n’a pas suscité l’enthousiasme. Il apporte en effet peu de nouveautés. La Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes de la musique et de la danse (Spedidam), qui milite depuis longtemps pour la licence légale estime que le gouvernement fait fausse route. « Ces aménagements ignorent la véritable problématique des échanges sur internet, qui sont cryptés et anonymes, et ne résolvent en rien la gratuité et donc l’absence de rémunération des ayants droit sur internet », a déclaré à l’AFP Lionel Thoumyre, responsable des nouvelles techniques à la Spedidam. Pour appliquer les sanctions proposées, « on sera obligé d’aboutir à une surveillance généralisée », a-t-il mis en garde. « Seule la licence globale permettrait de rémunérer les échanges qu’on ne peut réguler », a-t-il encore insisté. Du côté du Parti Socialiste, on parle de texte « boiteux ». « Ce compromis ne devrait satisfaire personne », explique Christian Paul, député PS de la Nièvre, cité par Libération. « L’internaute sera encore sanctionné et l’artiste ne percevra pas un euro de plus car le gouvernement ne veut pas de la licence globale. Il y a eu certes un recul en bon ordre sur la réponse graduée, gommée dans ses aspects les plus contestables, comme la création d’une autorité administrative. Sur la copie privée, ce n’est pas franchement différent avec la notion d’un « nombre suffisant de copies » garanti, qui limite toujours son exercice. Les artistes perdent le beurre et l’argent du beurre. En renonçant à la voie de la licence globale, le gouvernement prive la création de formes nouvelles de revenus » Pour l’UFC Que Choisir, association de consommateurs, « les modifications apportées au projet de loi sont politiquement habiles mais ne changent pas grand-chose au fond. La répression va être graduée, certes, mais la surveillance générale des réseaux ne le sera pas. C’est contraire à la loi Informatique et Liberté, et même à la Constitution. La loi et ses modifications reviennent à priver les consommateurs des bénéfices d’une avancée technologique », explique au quotidien Julien Dourgnon, directeur des études et de la communication. De son côté, le Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP) a accueilli avec « prudence » les aménagements proposés par le ministère de la Culture. « L’idée d’une gradation des sanctions n’est pas injuste dans son principe, mais concernant les modalités, il faut être prudent », a déclaré à l’AFP Hervé Rony, directeur général du Snep. Mais « Ce que nous ne voulons pas, c’est qu’on aille vers une suppression de tout type de sanction à l’encontre de ceux qui téléchargent illégalement, même modestement », a-t-il ajouté. « Il faut que la réponse graduée ne soit pas vidée de son sens et nous restons vigilant pour qu’il n’y ait pas d’exonération de la responsabilité des internautes », a-t-il insisté. « Quant au nombre de copies possibles, il ne faut pas redécouvrir le fil à couper le beurre : sur les sites commerciaux comme i-tunes, il est déjà possible de faire plusieurs copies », a rappelé le directeur général. Le texte de loi devrait à nouveau être examiné par les députés à partir du mois de février.