Loi DADVSI: Matignon prend la main et atténue le texte

Dominique de Villepin gère désormais ce dossier hyper sensible. Il serait partisan de l’abandon du principe de riposte graduée et d’une limitation des sanctions. On progresse…

Renaud Donnedieu de Vabres, notre ministre de la Culture, peut aller se reposer. C’est désormais Dominique de Villepin, Premier ministre, qui va s’occuper en personne de l’épineux dossier de la loi DADVSI (droits d’auteur et droits voisins pour la société de l’information).

L’affaire semble suffisamment importante pour que le locataire de Matignon décide d’écarter le ministre de tutelle. Le texte, qui divise parlementaires, artistes, consommateurs et politiques, ne cesse d’être remanié. Jacques Chirac souhaitait un projet rééquilibré, Dominique de Villepin semble vouloir aller plus loin avec des propositions qui vont dans le sens de l’internaute. Après avoir reçu une délégation d’artistes, le Premier ministre aurait validé quelques principes. Selon le Figaro, le gouvernement renoncerait d’abord à la fameuse « riposte graduée« , système visant à limiter les abus du téléchargement illégal. Avertissement, lettres recommandées seraient donc mis aux oubliettes alors que cette disposition était au coeur du texte. En fait, après avoir enfin écouté toutes les parties, le gouvernement souhaite dissocier le téléchargement de fichiers, de la mise à disposition -laquelle est illégale dans le cas de partage de fichiers avec copyright. Riche idée, car selon plusieurs décisions de justice, le téléchargement est assimilé à de la copie privée (cf. nos articles). Pour autant, les sanctions ne sont pas oubliées. Selon le quotidien, Matignon serait partisan d’un système de contravention, dont le montant sera faible (38 euros). Une telle mesure pourrait contenter les internautes et les adeptes du P2P tout en rassurant les Majors. Autre point très sensible de la loi DADVSI, les verrous de protections des supports (DRM). Au départ, le texte visait à légaliser ces verrous tout en permettant une copie privée limitée. Dans le même temps, le texte voulait pénaliser le contournement de ces protections. Or, selon la justice, ces protections sont assimilées à des vices cachés qui brident l’exercice de la copie privée. Car ces DRM peuvent empêcher la lecture des supports sur certains matériels… Le gouvernement semble avoir tranché cette question. Le contournement des DRM serait autorisé pour pouvoir jouir d’oeuvres acquises légalement, quel que soit le support de diffusion. Cette mesure préserverait donc le droit à la copie privée et éviterait que les consommateurs soient empêchés d’écouter des disques où ils le veulent. Du coup, la mise à disposition de copies d’oeuvres légalement acquises serait donc aussi autorisée. Par contre, télécharger sur Internet des outils de contournement de DRM serait sanctionné par une contravention. Alors comment un consommateur pourra-t-il casser une protection d’un CD acheté pour le lire là où il le souhaite ? Réponse, les DRM devront autoriser un nombre limité de copies du support. Le nombre de ces copies devra être décidé par un collège de médiateurs Au total, cette nouvelle mouture de la loi DADVSI semble aller dans le sens de l’internaute et du consommateur. Les maisons de disque et les producteurs risquent de trouver que le Premier ministre va trop loin, notamment avec l’abandon de la riposte graduée qui ouvrirait plus grande la porte du piratage. En revanche, ils sont heureux d’apprendre que Dominique de Villepin rejette catégoriquement toute idée de licence globale (« elle n’a aucun sens », a-t-il dit) qui pourrait financer la légalisation du peer-to-peer. Pour mémoire, le principe de la licence avait été adopté, en catimini, par les députés en décembre dernier. Cet amendement sera évidemment annulé lors du prochain examen du texte. Un examen qui d’ailleurs cherche toujours un calendrier. Prévu pour février, il pourrait encore être reporté. C’est en tout cas la volonté du PS. Or, la Commission européenne s’impatiente et se dit prête à sanctionner la France en cas de nouveau retard. Rappelons que selon la dernière étude Gfk, plus d’un milliard de fichiers audio ont été téléchargés en France en 2005. Seulement 2 % du total était légal.