Loi Hadopi : le Conseil constitutionnel rejette la riposte graduée

Le Conseil constitutionnel censure les aspects répressifs de la loi Création et Internet tout en validant l’utilité de la Haute Autorité.

Le verdict vient de tomber. Le Conseil Constitutionnel sanctionne… la sanction prévue dans la loi Création et Internet* à savoir le phénomène de riposte graduée. Saisie par plus de 60 députés, le « gardien des droits et libertés constitutionnellement garantis » censure « toutes les dispositions relatives au pouvoir de sanction de la commission de protection des droits de la Hadopi », lit-on dans le communiqué.

Autrement dit, les fondements même de la loi. Plus qu’une claque, un KO pour le gouvernement et Christine Albanel, la ministre de la Culture qui a soutenu le texte à bout de bras. Une victoire pour ses opposants. Notamment le groupe socialiste de l’Assemblée nationale.

Sont particulièrement visés les articles 5 et 11. Le premier encadre la création de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) et le second définit cette obligation de surveillance.

Le Conseil appuie ses arguments sur la liberté de communication et d’expression, énoncée à l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, et objet d’une constante jurisprudence du côté des sages. « Cette liberté implique aujourd’hui, eu égard au développement généralisé d’internet et à son importance pour la participation à la vie démocratique et à l’expression des idées et des opinions, la liberté d’accéder à ces services de communication au public en ligne« , souligne le Conseil.

Une liberté de communication en contradiction avec les effets de la riposte graduée qui vise à couper l’accès Internet des récidivistes adeptes du téléchargement illégal. « Dans ces conditions, le législateur ne pouvait, quelles que soient les garanties encadrant le prononcé des sanctions, confier de tels pouvoirs à une autorité administrative dans le but de protéger les titulaires du droit d’auteur », insiste le Conseil dans son communiqué. « Ces pouvoirs ne peuvent incomber qu’au juge. » Autrement dit, il revient bien à la Justice de décider des sanctions applicables aux internautes pris en flagrant délit de téléchargement illégal… au risque que ces pratiques soient assimilées à de la contrefaçon qui renvoie au pénal.

Exit l’Hadopi? Pas tout à fait. Le Conseil reconnaît ses « pouvoirs d’avertissement », autrement dit sa capacité à faire envoyer email et courrier recommandés au titulaire de la ligne Internet incriminée. « A la suite de l’annulation [des pouvoirs de sanction de l’Hadopi], cette autorité ne dispose plus que d’un rôle préalable à une procédure judiciaire« , précise les sages. « Son intervention est justifiée par l’ampleur des contrefaçons commises au moyen d’internet et l’utilité, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, de limiter le nombre d’infractions dont l’autorité judiciaire sera saisie. »

A condition que « les traitements de données à caractère personnel s’inscrivent dans un processus de saisine de juridictions compétentes ». La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) aura donc son mot à dire « lorsqu’elle sera saisie de la demande d’autorisation de ces traitements de données à caractère personnel ». De belles pagailles juridiques en perspectives.

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(* « ) Loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet » dans son intitulé exact.