La Loi de transition énergétique repeint les compteurs intelligents en vert

La Loi de transition énergétique, votée hier, officialise la généralisation des compteurs intelligents, comme Linky. Un mécanisme essentiel de réduction de la consommation d’énergie, selon le gouvernement. Reste à convaincre les consommateurs.

Après un passage devant les deux chambres, le projet de loi sur la transition énergétique revenait aujourd’hui à l’Assemblée Nationale, où il a été définitivement adopté. Dans son article 7, le texte donne au gouvernement les outils pour imposer le déploiement des compteurs dits intelligents (soit Linky pour l’électricité et Gazpar pour le gaz), via des sanctions qui frapperaient les gestionnaires de réseaux de distribution qui n’installeraient pas de compteurs communicants. Ces sanctions doivent être précisées via des ordonnances publiées dans « un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi ». Signalons que, de son côté, la Commission de régulation de l’énergie (la CRE) a établi, mi-2014, des mécanismes de régulation incitative visant à pousser les distributeurs d’électricité (ERDF) et de gaz (GRDF) à respecter le calendrier prévu par les projets Linky et Gazpar.

Pour Camille Loth, le directeur marketing de m2ocity, un opérateur spécialisé dans la télérelève fondé par Orange et Veolia en 2010, « la loi n’aura pas d’impact direct sur ces deux projets. Mais elle les touchera indirectement. Car la loi fixe un objectif chiffré de réduction de la consommation d’énergie (en 2050, 50 % de la consommation relevée en 2012, NDLR). Or, un des moyens de parvenir à cet objectif consiste à mieux comprendre nos consommations, via notamment les compteurs intelligents. En la matière, passer de l’échelle mensuelle à l’heure, voire moins, permet de mettre en évidence un certain nombre de phénomènes », reprend le responsable de cette société qui dit opérer aujourd’hui plus de 1,5 million d’objets connectés (dont plus de 500 000 compteurs d’eau en région parisienne).

Linky : entre 5 et 7 milliards… pour le moment

Voilà pour les promesses de compteurs communicants censés favoriser le contrôle de la factures d’énergie par les consommateurs, via un affichage en temps réel de la consommation ou encore un système d’alertes avertissant l’usager lors du dépassement de seuils. Reste que les principaux intéressés doivent encore être convaincus du bien-fondé de la démarche. Ce qui est loin d’être acquis étant données les polémiques et incompréhensions qui ont accompagné la naissance de Linky.

Après des expérimentations menées à Lyon et en Indre-et-Loire, la généralisation du compteur intelligent d’électricité s’amorce. En août dernier, ERDF (Electricité Réseau Distribution France), le gestionnaire du réseau public français de distribution d’électricité, a choisi 6 industriels pour produire 3 millions de compteurs qui commenceront à être installés à partir de l’automne. La Commission de contrôle de l’énergie (CRE) a fixé à ERDF l’objectif de déployer Linky dans 90 % des foyers français d’ici la fin de 2021. Selon le distributeur, la facture totale sera comprise entre 5 et 7 milliards d’euros (la CRE l’estimait encore à 4,7 milliards seulement il y a quelques mois). Sur la base des derniers calculs de la CRE – ne tenant pas compte des derniers dérapages -, Linky serait rentable… à condition de se montrer efficace, autrement dit de déboucher sur les économies promises en matière de coûts d’exploitation.

Pour l’heure, le projet reste largement contesté par les citoyens, qui vont indirectement régler la facture de l’installation des compteurs intelligents sans trop savoir à quels services ils auront droit. « Il n’y a pas une grande clarté sur les services qui seront effectivement disponibles pour les consommateurs », observe Camille Loth, de m2ocity. Et d’ajouter : « les décisions techniques relatives à Linky ont été prises il y a dix ans. Si on refaisait le projet aujourd’hui, on ne l’aborderait plus de la même manière. Or, il y a une certaine frilosité à remettre en cause les choix technologiques de l’époque. » Par exemple, le choix du CPL (courant porteur de ligne) entre le concentrateur et les compteurs, solution qui poserait des difficultés fonctionnelles sur les réseaux électriques anciens. Sans oublier les craintes que soulève ce choix auprès des personnes électrosensibles, un sujet soulevé lors des débats à l’Assemblée Nationale.

Les économies pour les ‘effaceurs’

Les conditions de réalisation des économies promises sont, elles aussi, discutées. La loi de transition énergétique prévoit en effet, dans son article 44, un mécanisme dit « d’effacement de consommation », visant à lisser les pics de consommation. Pour ce faire, des opérateurs dédiés seront chargés de solliciter les consommateurs afin que ces derniers leur accordent le droit de désactiver sur une période donnée leur chauffage ou chauffe-eau. Ces opérateurs seront rémunérés en fonction du nombre de MWh ainsi ‘effacés’ (16 euros le MWh en heures de pointe). Là encore, la pilule a du mal à passer du côté des associations de défense des consommateurs : car si ces derniers vont financer l’installation de Linky, via la contribution au service public de l’électricité (CSPE) intégrée à la facture d’électricité, pas sûr qu’ils soient les réels bénéficiaires des économies promises. Jugeant que le dispositif « sert avant tout les intérêts financiers des opérateurs d’effacement au détriment des consommateurs », l’UFC Que Choisir a déposé en mars dernier un recours devant le Conseil d’Etat contre ce dispositif.

De son côté, le projet Gazpar prévoit l’installation de 11 millions de compteurs communicants entre 2017 et la fin 2022, après un pilote attendu en 2016. Au total, le projet Gazpar devrait coûter 1,05 milliard d’euros (877 millions pour le déploiement des compteurs, modules radio et concentrateurs ; 138 millions pour les SI et l’adaptation des SI existants). Selon les calculs de la CRE, le projet ne devrait pas être rentable pour GRDF : les gains d’efficacité opérationnelle, notamment la diminution des opérations de relève manuelle, étant loin de compenser l’investissement. Mais, pour la CRE, Gazpar sera un gain pour la collectivité en raison des nouveaux services qu’amène la télérelève. Services qui permettront aux consommateurs de mieux maîtriser leurs dépenses. La CRE attend 1,15 milliard d’euros d’économies de ce seul poste.

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