C’est dans un contexte un peu particulier que Syntec Numérique et Tech in France, deux des principales organisations représentant l’industrie du numérique en France ont commenté, pour Silicon.fr, l’élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République. Le 5 mai, soit deux jours avant le scrutin, une des principales conseillères du futur Président en matière de numérique, la députée Corinne Erhel est décédée brutalement, suite à un malaise cardiaque lors d’une réunion de soutien au candidat d’En Marche. Godefroy de Bentzmann, le président du Syntec Numérique, et Bertrand Diard, celui de Tech in France, ont tous deux rendu hommage à celle qui aurait pu être la voix du numérique dans le futur gouvernement. Le premier se disant « très touché par sa disparition », le second lui rendant un « hommage » appuyé pour avoir été très largement l’inspiratrice du programme du Président élu sur le numérique.
Nous nous sommes inquiétés de la volonté de renégocier le Privacy Shield, annoncée par Emmanuel Macron dans son programme. Mais, en discutant avec ses équipes, il semble qu’il s’agissait d’une erreur d’appréciation. Le Privacy Shield est, de toute façon, soumis à un réexamen annuel. Par ailleurs, nous attendons du président un peu plus de clarté sur le sujet de chiffrement.
Enfin, nous espérons beaucoup des ordonnances évoquées par Emmanuel Macron. Nous pensons qu’il faut retoucher le volet social, en faisant sauter les verrous à la création d’emploi ou au changement d’emploi. Comme les 11 heures de repos consécutifs qui constituent un problème dans bon nombre d’entreprises. Le droit du travail français s’inscrit toujours dans une logique de pointage, or celle-ci a explosé avec le numérique. D’autre part, il faut faire évoluer la formation professionnelle, pour permettre aux gens de changer plus facilement de job. Les 32 milliards d’euros dépensés aujourd’hui sur ce sujet servent à faire évoluer les compétences à l’intérieur d’un même secteur, alors que, dans les prochaines années, 35 millions de Français vont changer de métier. Nous avons donc besoin d’une réforme en profondeur, portée par exemple par un compte universel consolidant les droits de chaque Français, notamment en matière de formation, et accessible via une plate-forme. Concernant ces réformes, chaque heure nous est comptée. Si, dans cinq ans, nous n’avons pas réussi à sortir la France de l’ornière, nous aurons un président issu des extrêmes. »
Nous attendons deux efforts majeurs du futur gouvernement. D’abord des mesures permettant de favoriser le financement des sociétés de l’Internet. Notamment en réorientant l’épargne qui se dirige aujourd’hui massivement vers l’assurance-vie. La France fait partie des pays où les citoyens économisent le plus au monde, mais cette épargne est dirigée vers des supports non productifs au sens de la création d’emplois et de l’économie réelle. Ensuite, Tech in France milite pour un renforcement du système éducatif sur le numérique, pour initier les jeunes à nos métiers. Comme il y a le latin au collège, il serait souhaitable que les collégiens découvrent certains langages informatiques. Aujourd’hui, cette mesure n’est déployée que dans environ 5 % des établissements en France.
Enfin, nous pensons qu’un travail de fond doit être entamé pour mettre en place une réelle coordination à l’échelle de l’Europe. Faute de quoi bon nombre de mesures n’auront que peu d’impact. C’est vrai sur le Privacy Shield. Ça l’est aussi sur le chiffrement, en gardant à l’esprit qu’une attitude réglementaire non pragmatique sur ce sujet créerait des freins économiques. Cela l’est encore sur la fiscalité des Gafa. L’homogénéisation fiscale de ces entreprises doit se traiter au niveau de l’Union. Et nous pensons que l’Europe ferait une erreur majeure en n’associant pas directement les Gafa à cette discussion. Je pense qu’ils sont aujourd’hui ouverts à cela, mais ne peuvent pas négocier cette question pays par pays. »
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