Le marché européen des télécoms reste très fragmenté

Dans son 18e rapport sur le marché européen des télécoms, la Commission souligne la disparité des situations entre les Etats même si le haut débit fixe couvre désormais l’ensemble des territoires.

La Commission européenne vient de publier son 18e rapport sur la mise en place du marché des télécoms dans l’Union européenne couvrant la période 2012 et 2013. Rappelons que l’objectif de Bruxelles vise à instaurer le marché unique des télécoms sur le territoire européen afin de le dynamiser. Notamment en regard de la situation américaine où, du fait des usages mobiles plus fréquents qu’en Europe, le revenu mensuel moyen par abonné (Arpu) pour les opérateurs y est plus élevé et en croissance depuis 2007. Il y dépasse les 160 milliards d’euros annuellement tandis que l’Europe plonge vers les 140 milliards.

Mais « de toute évidence, nous sommes encore loin d’un vrai marché unique, a déclaré Neelie Kroes, en charge de l’agenda numérique européen. Si nous voulons mettre en place ce marché unique, nous devons en finir avec les lourdeurs administratives et harmoniser davantage les réglementations, aussi bien nationales que de l’UE. La mise en œuvre rapide de la directive sur la réduction des coûts du haut débit sera un progrès dans ce sens, mais nous devons faire plus. »

Le rapport passe donc en revue la situation du secteur des télécoms pour chacun des 28 pays membres de l’Union sous les angles économiques et réglementaires tout en élargissant la problématique aux questions intéressant les consommateurs ou encore les enjeux autour de la neutralité du Net.

Grandes disparités

Il en ressort de plus ou moins grandes disparités entre les Etats. En matière de 4G, par exemple, seule une poignée de pays (Danemark, Allemagne, Lettonie et Malte) avaient atteint l’objectif de 2012 d’attribution des bandes de fréquences spécifiques au très haut débit mobile. Si, fin 2013, 21 Etats membres se sont finalement mis en conformité des attentes de la Commission, le retard dans l’assignation de la bande de 800 MHz a considérablement ralenti le déploiement des services mobiles 4G dans l’ensemble de l’UE. « le délai nécessaire à l’obtention des autorisations de déploiement de nouveaux réseaux varie de quelques jours à plusieurs années selon le pays de l’UE où le réseau est mis en place », souligne le rapport. D’ailleurs, trois pays n’ont toujours pas d’infrastructure LTE : la Bulgarie, Chypre et… Malte malgré l’attribution des licences dans les temps.

Dans le fixe, si le haut débit (jusqu’à 30 Mbit/s) est présent sur l’ensemble du territoire, le très haut débit (à partir de 30 Mbit/s) ne dépasse 10% des infrastructures que dans 9 pays. Néanmoins, « la part du câble et des connexions FTTB/H (fibre en pied d’immeuble/domicile, NDLR) est en constante progression », indique le rapport.

En matière d’usage, les auteurs constatent la baisse de la voix traditionnelle au profit des services de téléphonie par Internet (VoIP) et une hausse rapide du trafic des données dont les opérateurs peinent visiblement à tirer profit en regard des investissements nécessaires en infrastructure pour supporter les hausses de trafics.

Revenus en baisse, investissements en hausse

Economiquement, cela se traduit par un chiffre d’affaires de 323,6 milliards d’euros en 2012 inférieur au 327,3 milliards de 2010 et en recul de 3,3% par rapport à 2011 (334,7 milliards). Seuls 7 pays ont bénéficié d’une croissance entre 2011 et 2012 (dont le Luxembourg, seule région à dépasser les 10%). A 3,8% de baisse, la France se situe sous la moyenne européenne. « Le déclin économique des communications électroniques en Europe contraste avec les tendances mondiales. » Les Etats-Unis ont par exemple vu leurs revenus progresser de 5,1% et le Japon connaît une certaine stabilité (0,11%). En moyenne, le chiffre d’affaires du secteur des télécommunications affiche une hausse de 4,2% à l’échelle mondiale.

A l’inverse, les investissements des opérateurs n’ont cessé d’augmenter passant de 38,8 milliards d’euros en 2010 à 41,5 milliards en 2011 (+6,9%) pour connaître un ralentissement en 2012 à 42,1 milliards (+1,4%). « Seuls » 12 pays n’ont pas augmenté leurs investissements. A l’inverse, l’Irlande détient le record des investissements avec une hausse de plus de 92%. Le Royaume-Uni se distingue également avec plus de 78% de hausse. La France affiche pour sa part un modeste +1,4%.

Si, en avril 2014, la plupart des pays avaient adopté des plan nationaux de mise en place du très haut débit fixe, ce n’est toujours pas le cas de la Grèce, Chypre et de la Roumanie. D’autres n’ont pas fait évoluer des plans définis dès 2010 comme en Hongrie alors que la Pologne et la Slovénie prennent du retard. A l’inverse, les Pays-Bas ou le Luxembourg sont à un stade avancé du déploiement de leur réseau broadband. Bref, la fracture numérique se dessine également à l’échelle européenne.


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