Marie-Pia Ignace (Institut Lean France) : « l’IT doit tourner la page du management tayloriste »

Marie-Pia Ignace, cofondatrice de l’Institut Lean France et dirigeante du cabinet de conseil Operae Partners, précise les motivations à l’origine du European Lean IT Summit 2012 dédié à la pratique du lean management dans le monde informatique.

Polytechnicienne, membre de l’Institut Lean France, fondatrice et dirigeante du cabinet de conseil spécialisé en lean management* Operae Partners, Marie-Pia Ignace précise dans cet entretien les atouts du sommet European Lean IT, organisé les 22 et 23 novembre 2012 à l’Auditorium Paris Centre Marceau.

Silicon.fr – Quelles ont été les motivations à l’origine de cette seconde édition du sommet European Lean IT ?

Marie-Pia Ignace – Il est temps que l’IT tourne la page du management tayloriste et fordiste ! On ne peut plus, au 21ème siècle, séparer encore et toujours la réflexion de l’exécution, couper les activités en tâches minuscules et s’attendre à produire des solutions innovantes et élégantes. Surtout dans le monde de l’informatique où chacun est capable de conceptualiser des solutions complexes et fines.

Il faut donc continuer à promouvoir le lean dans l’informatique, le lean étant la seule alternative crédible aujourd’hui à la production de masse de produits de faible qualité peu différenciés. Il faut aussi continuer à explorer ce qu’est une bonne pratique du lean en informatique.

Nous avons vu des pionniers dans le développement logiciel, venus essentiellement du monde agile. Arrivent maintenant les premiers témoignages de la production informatique, mais aussi ceux des DSI ou des patrons de SSII, moins techniques et plus managériaux, qui peuvent expliquer en quoi consiste le changement de leur point de vue et les bénéfices qu’ils en tirent pour leur entreprise.

Enfin, le lean peut délivrer le meilleur, pour le client, l’entreprise et ses salariés. Mais pour cela il faut bien en comprendre l’éthique, c’est ce que la communauté du Lean Global Network constituée autour de Dan Jones et Jim Womack prend le temps d’expliciter.

Combien de décideurs sont attendus à l’Auditorium Paris Centre Marceau les 22 et 23 novembre ?

Il y aura 140 personnes à ce sommet, essentiellement du secteur privé.

Quelle est l’influence du contexte économique et réglementaire européen sur les déploiements IT présentés ?

Trois éléments sont à prendre en compte dans ce contexte :

Pour commencer, certains des grands opérateurs économiques, notamment dans la banque et la finance, se trouvent confrontés à une évolution très rapide et très dense en matière de réglementation. Avec comme impact pour leur informatique de devoir évoluer vite avec des échéances précises, bref de développer une vraie agilité de l’organisation.

Ainsi, le 1er janvier 2013, différentes réglementations européennes ou régionales nouvelles vont s’appliquer et l’informatique devra être prête (notamment en termes de modalités de calcul et de paiement des impôts et taxes).

Le lean propose une approche pragmatique en matière de réduction des délais, qui s’applique bien à l’informatique (management visuel, mise en flux, réduction des durées unitaires, etc.). La présentation de Takashi Tanaka devrait, je pense, éclairer le sujet.

Deuxièmement, toutes les entreprises, dans le contexte économique actuel, recherchent des pistes innovantes pour la réduction des coûts. Les pistes classiques par la pression sur les prestataires externes et/ou l’offshoring sont connues, ainsi que leurs limites.

Un DSI me disait la semaine dernière qu’il ne voulait plus demander à ses prestataires des baisses de coût, celles-ci se traduisant toujours par l’intervention de personnels de moins en moins qualifiés avec toutes les conséquences négatives imaginables en termes de médiocrité de la prestation.

Le lean, par la recherche de l’élimination des gaspillages, propose un cercle vertueux : chaque correction de défaut en cours de processus (spécifications peu claires, erreurs dans les batchs nocturnes, etc.) et chaque incident visible du client ou de l’utilisateur (bugs, incidents de production…) représente un coût pour l’entreprise, dont l’origine est un processus moins bien maîtrisé qu’on ne le croyait.

Fiabiliser la qualité, avec l’approche lean, permet de réduire les coûts de développement et de run de façon importante. Ce qui peut permettre à une entreprise, in fine, de garder une capacité d’investissement sur son informatique même en période de crise. L’intervention de Philippe Laniesse va évoquer ces aspects.

Enfin, en cette période, il est important que l’informatique soit encore plus concentrée sur la valeur ajoutée qu’elle apporte aux métiers de l’entreprise. Une partie non négligeable des budgets sont confisqués pour des projets « IT sur IT » ; et pour les projets business, une partie d’entre eux ne délivrent pas la valeur qui était attendue.

Le lean s’appuie largement sur une méthodologie dite scientifique de « résolution de problèmes » appelée le PDCA (Plan-Do-Check-Act). Il s’agit de définir avant toute chose ce que l’on cherche à résoudre (qui est différent de ce que l’on va faire) puis de s’approcher patiemment d’une solution à la question.

Ainsi, la contribution de l’informatique n’est plus celle d’un fournisseur de lignes de code sur la base d’un cahier des charges, mais celle d’un partenaire pour la résolution d’un problème. C’est ce que présentera Pierre Masai de Toyota.

*Operae Partners définit le lean comme « une méthode de management qui vise l’amélioration des performances de l’entreprise par le développement de tous les employés. La méthode permet de rechercher les conditions idéales de fonctionnement en faisant travailler ensemble personnel, équipements et sites de manière à ajouter de la valeur avec le moins de gaspillage possible ».


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