Michel Paulin, OVHcloud : «Cette crise démontre le caractère stratégique du numérique pour les Etats et les entreprises»

Covid-19 / PENSER L’APRÊS – Michel Paulin, CEO de OVHcloud, revient pour Silicon.fr sur l’impact de la pandémie dans le fonctionnement de son entreprise et sur sa vision de «L’après ».

Est-ce que cette crise Covid-19 est le crash-test du concept de « transformation numérique des entreprises » dont on parle depuis plusieurs années ?

Michel Paulin – La brutalité de cette crise est un extraordinaire accélérateur pour la transformation numérique des entreprises. La bascule a été imposée vers plus de télétravail mais aussi vers plus de e-commerce. Ces deux modèles ont été indispensables pour assurer la continuité de nombreuses activités économiques.
Je n’irai pas jusqu’à la notion de crash-test. Néanmoins, on voit bien que l’enjeu clé est de ne pas faire d’impair lorsqu’on doit réagir très vite. Toute précipitation, si compréhensible soit-elle, pourrait à la fois porter atteinte à la sécurité des SI, mais aussi à la souveraineté des organisations les plus critiques. Il est donc essentiel que cette période de transition repose sur les meilleurs outils avec des standards de sécurité les plus élevés.
Ce dilemme entre urgence et rigueur s’applique à tous et il en va de même pour la transformation numérique des entreprises. Pour chacun des outils utilisés, je crois qu’il faut se poser 2 questions très simples :
– Quel est le niveau de  « sensibilité »  de nos données à stocker et à gérer ? quel niveau de sécurité, de confidentialité et aussi de protection légale je dois garantir pour ces données sensibles ?
– Comment garantir la continuité de mes services et garantir la « souveraineté » de mon propre business ? mes solutions doivent me permettre de garder le choix !

En période de crise, cette évaluation est parfois complexe devant l’urgence, il est difficile d’entrevoir les conséquence long terme de décision prises sous le feu de la crise.
Ainsi  OVHcloud a initié un vaste élan collectif d’entraide nommé #Open_solidarity, afin de fédérer rapidement une communauté d’acteurs technologiques et ainsi fournir des solutions solidaires et gratuites et sans engagement dans les domaines du télétravail, de la collaboration (éducation/sécurité) et de la santé, garantissant que les données produites localement soient traitées localement. Ainsi des décisions court terme peuvent être prise sans engagement lourd financier et contractuel

Michel Paulin est CEO de OVHcloud

En tant que dirigeant d’entreprise, quels enseignements tirez-vous de cet évènement ?
Michel Paulin – Avant toute chose, j’en tire une très grande fierté à l’égard de nos équipes. Les premiers jours ont été particulièrement intenses, nous avons établi dès les premières heures une feuille de route basée sur trois priorités : protéger nos collaborateurs, garantir la continuité de nos services et participer à l’effort de solidarité. 

Et la réponse des équipes a été admirable, elles ont su tout à la fois :
– Mettre en œuvre en un temps record une toute nouvelle organisation du travail pour protéger nos collaborateurs. Toutes nos équipes de bureau à travers le monde sont passé en télétravail sans que cela n’impacte la qualité des services que nous fournissons à nos 1,5 millions de client. Côté datacentres et production, des mesures de préventions extrêmement strictes ont été adoptées rapidement par l’ensemble de nos collaborateurs et tout cela participe des comportements exemplaires que j’ai pu constater chez OVHcloud et ceci, quel que soit le pays où nous opérons.
– Assurer la continuité de nos activités et absorber la hausse de la demande qui a parfois bondi de +30% à +50% par rapport à notre rythme de croisière. Côté client, les équipes support et nos commerciaux ont opéré un suivi exceptionnel de nos clients les plus critiques comme les services de santé, les administrations ou encore les écoles en ligne. Côté industrie, car nous continuons de produire nos serveurs dans nos usines, le flux de serveurs physique qui circule entre nos centres de production et nos 30 datacentres.
– Participer à l’effort de solidarité en lançant l’initiative #Open_solidarity : nous mettons notre infrastructure à la disposition des acteurs engagés dans une démarche de gratuité. Nous avons désormais plus d’une trentaine de solutions disponibles et c’est une grande fierté que de pouvoirs accompagner cet élan collectif. Mais aussi participer à des actions citoyennes locales avec des hôpitaux.
Lorsqu’on a la chance d’avoir des collaborateurs si engagés, on est naturellement porté par cette vague positive et cela nous engage à poursuivre notre engagement auprès de nos clients pour leur permettre d’entreprendre et d’innover en toute liberté.

Comment voyez-vous l’après pour votre secteur ? Qu’est-ce qui va changer ?
Michel Paulin – Cette crise nous fait découvrir, j’ose dire redécouvrir, que nous vivons dans un environnement incertain et je crois que l’avenir l’est tout autant, donc restons modeste.

Mais cette crise a aussi démontré le caractère « stratégique » du secteur numérique pour les Etats et les entreprises, . La persistance de certaines activités critiques (santé/enseignement) et économiques dépend de notre capacité à fournir les services réseau et de « cloud ». Cette exigence de persistance va nous imposer des réflexions et des évolutions autour de 3 thèmes :
– L’exigence de la confiance : comment garantir la sécurité des accès, la protection des données (données de santé par exemple !), mais aussi des données sensibles de chaque entreprise.
– L’exigence de la Résilience :  comment garantir la continuité des services.
– L’exigence de la souveraineté (au niveau des états et des entreprises) : comment garantir que la pérennité du notre activité n’est pas dans la main d’acteurs (fournisseurs, sous-traitants) dont nous n’avons aucune maitrise, et parfois ces acteurs hors d’Europe n’ont pas les mêmes priorités.

En résumé dans le numérique, garantir de la confiance, de la résilience et de la souveraineté sont les enseignements clé de cette période si particulière. Ce sera probablement le grand enjeu de demain.

crédit photo : @DR