Migration vers un nouveau SI financier : l’AP-HP égare 80 millions d’euros

Lors d’une migration vers SAP, l’AP-HP a égaré les données de certains créanciers. Une perte sèche de 80 millions pour les hôpitaux de Paris, également en délicatesse avec leur projet de dossier patient.

Selon le Canard Enchaîné, en changeant de système d’information comptable, l’AP-HP (Assistance publique-Hôpitaux de Paris) a perdu la trace de 80 millions d’euros de créances. L’hebdomadaire satirique s’appuie sur un rapport jusqu’alors confidentiel de la chambre régionale des comptes revenant sur la gestion de l’AP-HP entre 2010 et 2014.

Cette rocambolesque histoire de créances évaporées remonte à 2011, période où l’AP-HP a basculé vers un nouveau système de gestion basée sur des progiciels du marché (SAP pour la partie finances et logistique). Ce projet gigantesque, appelé NSI Gestion et touchant 12 000 utilisateurs, visait à remplacer peu à peu les 245 logiciels employés par les différents établissements pour gérer les fonctions de support…

Dossier patient : les dérives de l’AP-HP

Lors de cette transition, l’AP-HP aurait perdu les données permettant de facturer et relancer les patients qui ne s’étaient pas encore acquittés de leurs soins. Montant de ce ‘bug’ dans la reprise de données : 138,5 millions d’euros, dont une partie a été recouvrée « sans possibilité de rapprochement avec les restes à recouvrer ». Reste 80 millions, que la chambre régionale des comptes considère comme « une perte réelle et définitive pour l’établissement ». Notons toutefois que le rapport ne précise pas les circonstances exactes dans lesquelles ces créances ont disparu des systèmes de gestion. La chambre régionale des comptes indique simplement que la reprise des données sur les créances à recouvrer a bien eu lieu lors du passage à NSI Gestion, mais un bug semble avoir « empêché leur recouvrement normal ».

Ce cafouillage majeur, resté confidentiel jusqu’alors, s’ajoute aux difficultés que connaissent les hôpitaux parisiens sur l’autre volet de leur rénovation informatique : le dossier patient numérique, soit le projet Orbis. Un audit mené par la DSI de l’Etat – la Dinsic – entre mai et juillet 2015 a constaté les dérives du projet, tant en terme de calendrier que de fonctionnalités. Confié à Agfa Healthcare, ce marché, d’une valeur de 94,9 millions d’euros au maximum, devait à l’origine s’achever fin 2013. Or, selon l’audit de la Dinsic, le déploiement du dossier médical ne concerne pour l’instant que cinq hôpitaux sur les 39 sites de l’AP-HP.

Orbis : 3 sites pilotes mi-2017

La Dinsic pointe également la révision à la baisse des ambitions d’Orbis : selon la DSI de l’Etat, seules 54% des fonctions prévues au départ étaient en place au moment de son audit. Sans oublier les indisponibilités totales ou partielles d’Orbis, qui ont émaillé la fin 2014, et ses temps de réponse pointés du doigt par les premiers utilisateurs. Sur ce projet, l’AP-HP est toutefois parvenu à contenir ses coûts : au moment de l’audit de la Dinsic, Orbis n’avait consommé que 33,6 millions d’euros, un tiers de son enveloppe maximale.

Si la DSI de l’Etat s’est, in fine, prononcée en faveur de la poursuite de ce projet, elle a émis un certain nombre de recommandations, visant notamment à mieux découper le projet en lots distincts. L’AP-HP table sur le déploiement complet d’Orbis sur trois sites pilotes (Ambroise Paré, Bicêtre, Tenon) pour la mi-2017.

A lire aussi :

Henri Verdier, Dinsic : « 8 ou 9 ans pour un grand projet, c’est trop »

SIRH de l’État : Bercy est aussi dans la panade

Louvois continue à dérailler et à engloutir des millions

Crédit Photo : Vchal-Shutterstock