Mobiles: Bruxelles veut faire la peau au ‘roaming’

La Commission européenne constate une fois de plus que les tarifs mobiles d’itinérance ne baissent pas. Elle va donc imposer des mesures contraignantes, au grand dam des opérateurs

Après les menaces, la régulation. Le prix des appels mobiles internationaux va-t-il enfin passer à la moulinette ? C’est la volonté de la Commission européenne qui après avoir longtemps tancé les opérateurs, en vain, semble aujourd’hui perdre patience. Et entend passer aux actes.

Rappelons que lorsqu’un usager décide de partir en vacances, le téléphone mobile, s’il fait partie du voyage, peut à son retour lui avoir coûté très cher. En effet, la logique des opérateurs veut que le portable soit lui aussi en vacances, et du coup il nous facture gentiment les coûts de ré-acheminement, ce que l’on nomme en anglais le roaming. Et ces coûts sont bien souvent prohibitifs, ils représentent d’ailleurs 7% du chiffre d’affaires des opérateurs en France. « Un client de téléphonie mobile ne devrait pas se voir imposer un prix plus élevé simplement parce qu’il voyage à l’étranger », s’agace la commissaire européenne chargée de la Société de l’Information, Viviane Reding. « J’ai averti les opérateurs mobiles à de nombreuses reprises.Ils semblent avoir des difficultés à comprendre ». Ce n’est pas la première fois que la Commission s’intéresse au problème, déjà en juillet 2005, elle a ouvert un site de comparaison de prix du roaming chez les opérateurs. Le rapport publié en juillet dernier révélait des situations extrêmes. Mais malgré la pression de Bruxelles, rien n’a changé. Une nouvelle étude de la Commission montre en effet qu’un appel standard de quatre minutes n’avait pas diminué depuis le dernier relevé effectué en septembre 2005. Pour un appel de quatre minutes en période de pleine tarification, les prix passent de 0,2 euro pour un client finlandais utilisant son portable en Suède à 13,05 euros (!) pour un Maltais en Lettonie selon le dernier relevé de la Commission. Un Lituanien appelant son pays à partir de la France pendant quatre minutes à peine paiera jusqu’à 12,08 euros. Pire, dans certains cas, les frais de roaming ont même augmenté depuis le dernier relevé. Tarifs domestiques contraignants Conséquence: devant le manque de bonne volonté des opérateurs européens, Bruxelles a annoncé ce mardi une série de mesures contraignantes. La plus importante concerne la mise en place d’un tarif domestique. L’utilisateur à l’étranger ne paierait que le prix d’un appel local s’il appelle un numéro local, ce qui n’était pas le cas auparavant. S’il appelle un numéro dans son pays d’origine, le prix sera celui d’un appel international. Par ailleurs, une règlementation est à l’étude. Elle viserait à réduire les prix de gros qui se pratiquent entre opérateurs pour le roaming et à éliminer toute charge pour un appel reçu à l’étranger. En effet, si un correspondant français vous appelle à l’étranger, l’utilisateur doit payer une partie de la communication. La proposition devra être adoptée par la Commission européenne, avant d’être soumise au Parlement puis au Conseil. Elle prendra la forme d’un règlement directement applicable à l’été 2007. Il ne s’agira donc pas d’une directive qui demande toujours beaucoup de temps à être transposée par les Parlements nationaux. Du côté des opérateurs, c’est évidemment la soupe à la grimace. Ils affirment faire des efforts et sont vivement opposés à une législation contraignante au niveau européen. Il est vrai que certains d’entre eux ont revu leurs pratiques. Mais c’est insuffisant selon la Commission. « Nous croyons qu’aucune réglementation n’est nécessaire et qu’il faudrait faire confiance au fonctionnement du marché, c’est-à-dire que les opérateurs mobiles se réguleront eux-mêmes », a ainsi déclaré l’allemand T-Mobile dans un communiqué. Rappelons également que la Commission a ouvert en 2000 une enquête sur les pratiques de deux des principaux opérateurs européens: le britannique Vodafone et l’allemand T-Mobile. L’enquête de la Commission montre que T-Mobile, depuis 1997 et au moins jusqu’à fin 2003, « a abusé de sa position dominante sur le marché allemand de la fourniture de services en gros d’itinérance internationale sur son propre réseau. L’abus consistait à pratiquer des prix inéquitables et excessifs à l’égard des exploitants européens ». La Commission est parvenue aux mêmes conclusions « en ce qui concerne les tarifs interopérateurs appliqués par Vodafone pour la période allant de début 2000 à au moins fin 2003 ». Selon les services européens de la Concurrence, « l’enquête a également révélé que les services d’itinérance généraient des profits plusieurs fois supérieurs à ceux produits par des services comparables fournis par des exploitants de réseaux mobiles. »