Musique en ligne: VirginMega veut en finir avec les DRM

La plate-forme de musique en ligne adopte une posture à contre-courant de ses
concurrents et rejoint les doléances des associations de consommateurs

Certes, la musique en ligne légale est un succès. Selon les derniers chiffres de l’Ifpi, le syndicat mondial des éditeurs phonographiques, les ventes dématérialisées ont progressé de 106% au premier semestre et représentent désormais 11% du marché contre 5,5% fin 2005.

Pour autant, cet essor est pénalisé par le manque d’interopérabilité des plates-formes. Concrètement, les utilisateurs ne peuvent transférer tels fichiers sur tels baladeurs. L’exemple le plus criant est celui d’iTunes d’Apple qui officiellement n’est comptabible qu’avec l’iPod. Inversement, les propriétaires de baladeurs ne peuvent acheter que sur des sites compatibles. En cause, les DRM (Digital right management), ces verrous techniques qui protègent les fichiers, arme numéro un des Majors pour juguler le piratage.

Aujourd’hui, un acteur du marché remet en cause cet état de fait. VirginMega, le deuxième site de vente de musique en ligne en France, filiale du groupe Lagardère, souhaite ouvrir le débat sur la vente de titres sans protection afin d’élargir le marché en s’adressant à tous les formats de baladeurs.

« Les DRM sont un frein énorme au développement du marché de la musique en ligne car, suivant le standard de votre baladeur, vous pourrez ou non accéder à tel ou tel site légal, cela crée de la frustration » a déclare à Reuters, Laurent Fiscal, directeur marketing produits de Virgin Megastore.

« L’interopérabilité ne viendra vraisemblablement pas des grands industriels de l’informatique. Une des solutions est de tester un marché sans DRM. En (les) supprimant, nous voulons faciliter la vie aux 2% de consommateurs qui font l’effort d’acheter de la musique légalement et élargir le marché à ceux qui ne le font pas » ajoute-t-il.

Cette situation est d’autant plus paradoxale qu’elle est illégale. La fameuse loi DADVSI (droits d’auteur et droits voisins sur Internet) légalise les DRM mais impose l’interopérabilité : le consommateur doit pouvoir lire une oeuvre sur n’importe quel support et avec n’importe quel logiciel. Encore faut-il appliquer ce principe. Le texte renvoie pour sa mise en oeuvre à une Autorité de régulation des mesures techniques, qui assurera une mission générale de veille dans les domaines des mesures techniques de protection et d’identification des oeuvres et des objets protégés par les droits d’auteur. C’est donc cette Autorité qui décidera ce qui est interopérable et ce qui ne l’est pas…

Par ailleurs, comme le souligne Laurent Fiscal,« les opérateurs informatiques se dirigent vers de moins en moins d’interopérabilité, comme Apple avec son iTune ou Microsoft avec Zune  » .

Ce n’est pas la première fois que Virgin monte au créneau. Rappelons qu’en 2004, le groupe a porté plainte contre Apple et son iPod incompatibles avec son service…

Les grandes maisons de disques sont évidemment opposées à une telle initiative. Mais pas les associations de consommateurs. L’UFC Que Choisir dénonce ainsi le grand bond en arrière de la musique en ligne. Et de poursuivre: « Le consommateur doit donc savoir qu’en achetant un baladeur numérique, il se retrouve pieds et poings liés à un marchand de musique en ligne qu’il n’a pas choisi ».

L’UFC estime que les acteurs du secteur ont verrouillé sciemment le marché. Pour Alain Bazot, président d’UFC-Que Choisir, la situation est choquante: « Seuls les sites d’échange ‘peer to peer’ (P2P) permettent de télécharger de la musique compatible avec l’ensemble des matériels de lecture [NDLR: via le format universel MP3]. Alors que le CD audio doit son succès à son interopérabilité totale, les industriels de la musique en ligne nous infligent un grand bond en arrière ».

En attendant une vraie ouverture du marché, le P2P a encore de beaux jours devant lui.