MVNO : le Conseil de la concurrence dénonce les conditions des opérateurs hôtes

Saisi par le gouvernement, le Conseil donne des pistes pour dynamiser un secteur en berne et réclame, si rien ne bouge, une loi

On le sait, malgré l’apparition des opérateurs mobiles virtuels (MVNO), le marché français du mobile demeure très verrouillé. Les trois opérateurs traditionnels se partagent 95% du marché, Orange et SFR en contrôlent plus de 80%.

Lancés en 2004, ces opérateurs qui achètent en gros des minutes de communication à des opérateurs hôtes n’ont séduit que 2,7 millions de clients, soit 4,8% du marché contre 10% en moyenne en Europe (25% en Allemagne, 15% en Grande-Bretagne).

Surtout, la plupart de ces MVNO perdent de l’argent, ce qui a entraîné la vente ou la cession de trois d’entre-eux : Ten (racheté par Orange), Debitel (en cours d’acquisition par SFR) et NRJ Mobile cédé au Crédit Mutuel.

Fin avril, le gouvernement décide de (re)prendre les choses en main. Eric Besson le secrétaire d’Etat au développement de l’économie numérique avait ainsi indiqué que les services de l’Etat seraient saisis afin de « comprendre les points de blocage éventuels ». « Notre rôle, c’est de faciliter la concurrence », a-t-il insisté.

Chose promise, chose due, le Conseil de la concurrence a planché sur la question, notamment avec l’aide de l’Arcep, le régulateur des télécoms qui lui a remis ses conclusions sur la question.

Résultat des courses, les points de blocage (connus depuis longtemps déjà) sont à nouveau dénoncés, et en premier lieu, les conditions tarifaires et contractuelles imposées par les opérateurs hôtes à leurs MVNO.

Le Conseil remarque d’abord que« les MVNO connaissent un taux de développement étonnamment faible par rapport aux autres pays européens »

Il constate que « du fait de la faible rivalité concurrentielle entre opérateurs de réseau, les MVNO, pour la plupart, n’ont obtenu que des conditions d’hébergement peu favorables au développement de leur activité ».

Concrètement, le Conseil souligne que les tarifs négociés pour l’utilisation des réseaux permettent aux opérateurs de réseau de contrôler la pression concurrentielle par les prix susceptible d’être exercée par les MVNO : le prix par minute de communication est fixé par référence aux propres prix de détail des opérateurs de réseau.

Par ailleurs, les opérateurs hébergés ne maîtrisent aucun élément de réseau et sont contraints de transmettre des informations commerciales clés : ils ne peuvent donc compenser leur absence d’agressivité tarifaire par des innovations sur les services offerts.

La combinaison des clauses d’exclusivité souvent très longues – allant parfois jusqu’à dix ans -, des durées des contrats et des droits de priorité accordés à l’opérateur hôte, empêche les MVNO de renégocier ces conditions d’hébergement en faisant jouer la concurrence entre opérateurs de réseau ; de fait, ceux d’entre eux qui voudraient accueillir un nouveau MVNO sur leur réseau doivent s’adresser à d’autres MVNO que ceux qui sont actuellement présents sur le marché.

Enfin, les contrats contiennent des clauses limitant les possibilités de valorisation de l’activité d’opérateur virtuel et donc les incitations à l’investissement ou à la consolidation des acteurs dans cette activité.

Orange et SFR, les deux principaux opérateurs hôtes en prennent donc pour leur grade : « les conditions contractuelles particulièrement contraignantes ont été accordées par Orange et SFR en 2004-2005, au moment de l’ouverture du marché de gros de l’hébergement sur leur réseau ».

Quelles sont alors les préconisations du Conseil de la concurrence pour que ce marché décolle enfin ? Il s’agit de« renforcer la concurrence sur le marché de gros de l’hébergement et, d’autre part, de « déverrouiller » les contraintes contractuelles qui pèsent sur les opérateurs virtuels ».

Précisément, « il est impératif de créer de nouvelles incitations concurrentielles pour améliorer les conditions dans lesquelles les MVNO peuvent être hébergés par leurs opérateurs hôtes ». Sur ce principe, le Conseil salue les caractéristiques des récents contrats de MVNO proposées par Bouygues Télécom.

Autre piste, bien connue également, attribuer une 4e licence mobile.« Loin d’être défavorable aux MVNO, une telle option peut, au contraire, créer une dynamique positive, à condition là encore qu’elle s’accompagne d’un « déverrouillage » des conditions techniques, tarifaires et contractuelles faites aux opérateurs virtuels dans le sens déjà exposé », explique le Conseil. Sur ce point, l’Arcep a relancé la réflexion afin de savoir s’il était pertinent d’attribuer cette licence en blocs ou pas.

Enfin, une loi pourrait être pertinente « dans le cas où le marché échouerait à créer les incitations recherchées. » « Une telle voie législative ne peut être exclue si l’on veut parvenir à la conclusion de contrats plus équilibrés, notamment en ce qui concerne les aspects techniques et tarifaires permettant aux MVNO d’animer réellement la concurrence sur le marché de détail de la téléphonie mobile ». Les opérateurs historiques vont apprécier…

Suite à ces préconisations, Christine Lagarde, ministre de l’Economie et Luc Chatel, secrétaire d’Etat à la consommation invitent l’Arcep à prendre toutes les mesures nécessaires en faveur du développement des MVNO. Selon un communiqué : ils « souhaitent que ces préconisations soient examinées en détail dans le cadre de la définition par l’Arcep des conditions d’attribution des fréquences 3G encore disponibles. » Traduction : le ou les opérateurs qui obtiendront la licence devront faire plus de place aux MVNO.

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