MWC 2018 : la 5G en… 5 questions et observations

Sur le salon MWC 2018, la 5G s’affiche partout. Mais une série de questions se posent : calendrier, compétition entre géants (US, UE, Chine, Japon), phases de tests sans terminaux, attribution des fréquences et… rattrapage de la France ?

Dans les allées du MWC 2018 à Barcelone, équipementiers et opérateurs télécoms donnent le « la » au concert des annonces : la future génération des mobiles, la 5G, se matérialise. La compétition semble bel et bien engagée, même si chez les constructeurs de smartphones, tablettes  (cf. Huawei) ou PC, la mobilisation est encore peu visible. Pas surprenant, puisque l’année cible est 2020. Les composants électroniques 5G arrivent tout juste.

1 – Quel calendrier pour la 5G ? 

Côté agenda, il se trouve que 2020 sera l’année des JO de Tokyo. Ce pourrait être le véritable premier rendez-vous d’un démarrage à très grande échelle de la 5G. Il reste donc moins de 30 mois à courir. D’où la course contre la montre, véritable compétition qui s’engage partout, à commencer par les Etats-Unis, l’UE, la Chine…
Ajit Pai, le ‘chairman’ de l’incontournable FCC (organe fédéral américain régulateur des télécoms), a fait le déplacement à Barcelone pour y annoncer la mise aux enchères de deux plages de fréquences 5G dès cet automne. Il a explicitement exprimé la volonté d’accélérer le développement de la 5G, « grâce à des approches orientées marché», comme relevé par le Wall Street Journal de ce 27 février. Les Etats-Unis veulent être « winners » dans cette course.

Ainsi, l’opérateur américain Sprint a présenté la liste des 6 premières villes qui seront dotées de capacités « 5G-like » dès le mois d’avril 2018 :  Los Angeles, Washington DC, Atlanta, Chicago, Dallas et Houston. Ensuite, une infrastructure de niveau « Massive MIMO » sera déployée, à Los Angeles, Chicago et Dallas.

2 – Où en sont équipementiers et ‘fondeurs’ ?

L’annonce par Qualcomm de premiers tests de ‘chipsets’ modems à un débit de 1,4 Gbit/s a fait mouche. Intel réplique avec le géant chinois Huawei : sur le MWC 2018, ils font la démonstration de l’interopérabilité des protocoles 5G NR (New Radio, en mode ‘non-standalone’), sur la base des spécifications 3GPP adoptées en décembre dernier. 

Intel, qui affiche un énorme logo 5G au-dessus de son stand, déclare coopérer avec Dell, HP, Lenovo et Microsoft afin d’apporter la connectivité 5G aux postes de travail grâce à son chipset modems Intel XMM 8000-series. En démo, Intel montre un concept de PC « 5G-enabled », version deux en un, équipé du processeur Core i5. La disponibilité sur le marché est annoncée pour le 2ème semestre de 2019. Intel annonce également une collaboration de plusieurs années avec Spreadtrum pour produire avant fin 2019, une plateforme pour smartphones 5G utilisant le chipset modem cité ici.

De son côté, Huawei a annoncé la sortie prochaine du premier ‘chipset’ 5G « commercial » (Balong 5G 01) conforme 3GPP et apportant un débit de 2,3 Gbits/s (cf. précédent article Huawei) – ainsi qu’un premier équipement terminal 5G conforme 3GPP, intégrant ce ‘chipset’.

Samsung annonce que sa solution d’accès de bout en bout « 5G FWA » (fixed-wireless access) a été la première à recevoir l’agrément de la FCC. Cette solution opère sur la bande des fréquences millimétriques et inclut des routeurs ‘indoor’ et ‘outdoor’, ainsi que les accès 5G Radio Access Network (RAN et virtualized RAN), de même que des services et outils de gestion et planning en 3D des fréquences.  

3 – A quand les terminaux 5G ?

Le chinois ZTE annonce finaliser le développement d’un équipement terminal et prévoit la disponibilité de smartphones et tablettes 5G, « pour la fin 2018 ou début 2019 », date à laquelle il déploiera également des produits réseaux 5G pour les opérateurs télécoms. 

ZTE annonce également un smartphone supportant des débits de 1,2 Gbits/s. 

A défaut de smartphones 5G disponibles, les industriels se tournent vers… ce qu’ils trouvent. Ainsi, le coréen SK Telecom a présenté un prototype de voiture autonome utilisant des communication radio 5G. D’autres utilisent des caméras vidéo à360°…

Les robots sont également une cible de choix : Saoudi Telecom Cy présente un robot radio-commandé en 5G. L’opérateur japonais NTT Docomo fait la démo de la capacité d’un robot de mimer en temps réel tous les gestes du démonstrateur. Ericsson fait des tests en pilotant aussi des robots et des drones.
En France, Nokia, avec des opérateurs, pilote aussi des drones en 5G pour la surveillance ou pour… éteindre des incendies. 

4 – Où en est la France ?

La France se met également dans les starting-blocks:. L’Arcep vient de publier la liste des 9 villes, où le feu vert est donné pour expérimentation (Lyon, Bordeaux, Lille, Douai, Montpellier, Nantes, Le Havre, Saint-Etienne et Grenoble). 
Orange et Bouygues Telecom (cf. article) confirment le lancement de tests en réel au mois de mai/ juin. Pour l’opérateur historique ce sera à Lille et Douai (80 sites), ainsi qu’en Roumanie. Et pour Bouygues, ce sera trois sites à Bordeaux. Pour ce faire, ce dernier a annoncé, ce 27 février, à Barcelone, un accord technologique avec Huawei, tandis qu’Orange est engagé avec Ericsson, mais pas uniquement. Les essais en labo ont permis d’atteindre 15 Gbts/s en débit descendant. 

5 – Quels défis pour l’Hexagone ?  

Le défi majeur? « C’est de préparer activement la venue de la 5G mais sans freiner le développement de la 4G qui est encore largement en devenir, de même que les technologies VoWIFI et VoLTE », souligne l’AFUTT  (Association Française des Utilisateurs de Télécommunications).

Pour autant, pas question de prendre du retard avec la 5G. « L’un des challenges technologique de la 5G consiste à faire fonctionner correctement sur une même infrastructure des services pour lesquels les SLO (Services level objectives) sont très différents : faible latence, très haut débit mais faible débit pour faible consommation, etc. Quel contrôle sera opéré? »

Autre question posée : « Est-il opportun de maintenir une situation de concurrence totale avec 4 acteurs et 4 infrastructures distinctes ?  «On constate que la 4G, huit ans après son lancement, dépasse péniblement les 50% du territoire. A ce rythme la France prend du retard et pointe à la 24ème place sur 28 au classement européen DESI en matière de couverture 4G », souligne Bernard Dupré, président de l’AFUTT. 

« Il faut impérativement réfléchir aux opportunités de mutualisation et aux opportunités d’initiatives locales pour la 5G. Et donc il faut absolument modifier les règles qui ont été établies au début des années 1990 et qui ont montré leur inefficacité, notamment en termes de couverture du territoire ».