NASA : le logiciel de lancement des fusées un trou noir financier ?

La mise à jour du logiciel du lancement des fusées de la NASA voit ses coûts exploser de 77%. Retard, intégration de plusieurs codes, refus d’utiliser des logiciels éprouvés et excès d’optimisme en sont les causes.

Le diable se cache dans les détails. On est loin de penser en regardant à la télévision que derrière le compte à rebours d’un lancement d’engins spatiaux se cache un logiciel ultrasophistiqué. Pendant ce décompte, les fusées doivent être continuellement contrôlées : moteurs, pompes, niveau de carburant, etc. A travers deux programmes, Space Launch System et Orion, la NASA veut préparer le centre spatial Kennedy aux prochaines générations de lanceurs.

Au sein de ces programmes, il y a le système de contrôle et commande Spaceport du Kennedy Space Center. Or ce logiciel fait l’objet depuis une dizaine d’années d’une refonte en profondeur.  Mais un rapport de l’inspecteur général de l’agence spatial, Paul Martin, trouve que ce projet a dérapé financièrement de plus de 77% en passant de 117,3 millions de dollars de budget initial à 207,4 millions de dollars en 2016. Une fuite en avant que le consultant explique par plusieurs raisons.

Un patchwork de logiciels

En premier lieu, la NASA veut absolument réaliser son propre logiciel, alors qu’il existe des solutions commerciales moins onéreuses utilisées par OrbitalATK et SpaceX. Second point, l’agence américaine a confectionné son logiciel en mode patchwork, c’est-à-dire en agglomérant plusieurs autres programmes. « La racine des problèmes provient en grande partie de la mise en œuvre de la décision de juin 2006 d’intégrer plusieurs produits et ou des morceaux de solutions, plutôt que de développer le logiciel en interne ou l’achat d’un service externe à la NASA », précise le rapport.

Pour mener à bien cet assemblage, il est nécessaire « d’écrire du code pour « coller » les différents logiciels », constate le rapport. Or, cette opération s’est révélée plus complexe et coûteuse que prévu. « En janvier 2016, les équipes de la NASA avaient écrit 2,5 millions de lignes de code-colle mobilisant 2 ans d’activité de développement », estime Paul Martin. A titre de comparaison, « le système de commande et contrôle du téléscope spatiale Hubble a demandé seulement 500 000 lignes de code-colle ».

Un excès d’optimisme culturel à la NASA

Enfin dernier point soulevé par l’audit, le poids de l’héritage des grands programmes spatiaux qui implique la mise en place de logiciels de grande envergure. Avec des projets plus petits, la NASA pourrait développer des logiciels plus agiles et qui pourraient être commercialisés. Le rapport rappelle que « les deux sociétés sous contrat avec la NASA pour ISS (station spatiale internationale) Orbital Sciences Corporation et Space Exploration Technologies utilisent des logiciels commerciaux pour accomplir leurs missions ».

Mais pour cela, il faut changer de mentalité, un cap encore loin d’être atteint selon Paul Martin. « La résistance au changement reflète l’héritage culturel de la NASA à un excès d’optimisme et de promesses pour mener à bien un projet dans un délai déterminé. »  Il en veut pour preuve que deux essais de mise à jour du système de contrôle et commande de Kennedy Space Center entre 1995 et 2002 s’étaient soldés par un échec et une dépense de 500 millions de dollars.

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