Neutralité Internet : prévoir un coup de massue aux USA

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La FCC devrait écarter le principe fondateur de la neutralité du Net. Ce qui risque de bouleverser l’économie numérique aux USA mais aussi en Europe.

Va-t-on assister à une bascule de l’ère numérique avec le fin escomptée de la neutralité du Net aux Etats-Unis ?

Ce principe, visant à garantir l’accès libre et sans discrimination à Internet, avait été confirmé sous l’administration Obama. Il est remis en question avec Donald Trump depuis son accession à la Maison Blanche.

Jeudi, la Commission fédérale des communications (Federal Communications Commission ou FCC en anglais) devrait abroger les dispositions de garantie de la neutralité du Net.

Pour Sébastien Soriano, Président de l’ARCEP qui multiplie les interventions dans les médias cette semaine pour sensibiliser l’opinion publique, l’affaire est presque pliée.

« Donald Trump a nommé à la tête de la FCC Ajit Pai, qui est notoirement opposé à la neutralité du Net », évoque-t-il dans une interview accordée au Nouvel Obs et diffusée le 12 décembre.

Une rupture qui enrage des personnalités ayant contribué activement aux fondements de l’Internet comme Vinton Cerf.

Associé à une vingtaine de personnalités de la sphère numérique (comme Tim Berners-Lee, inventeur du World Wide Web ou Steve Wozniak, cofondateur d’Apple), il évoque « une menace imminente » dans une déclaration publique.

La décision de la FCC « abrogerait des protections clés qui empêchent les fournisseurs d’accès à Internet de bloquer du contenu, des sites et des applications, de ralentir ou d’accélérer des services ou des types de services », selon les extraits retenus par LeMonde.fr.

De son côté, Sébastien Soriano évoque l’impact de la fin de la neutralité Internet. « Ce serait surtout les start-up et tous les petits acteurs américains de l’économie numérique, qui aujourd’hui bénéficient de ce qu’on appelle ‘l’innovation sans permission’. Certains pourraient en effet être complètement privés d’accès au réseau. Parce que les fournisseurs d’accès en auraient décidé ainsi, ou parce qu’ils ne seraient pas en mesure de payer un droit d’accès. »

Un potentiel impact en Europe

Cette décision cruciale de la FCC du côté américain, qui va ravir de puissants groupes télécoms comme Verizon (Ajit Pai en est un ex-responsable), pourrait servir à transformer la donne côté européen.

« Les Etats sont souverains sur cette question : les éventuelles atteintes à la neutralité du Net se passent sur le dernier kilomètre de réseau : en France chez Orange, Altice/SFR, Bouygues Telecom, ou Free », évoque le président de l’ARCEP, toujours dans le cadre de son interview au Nouvel Obs.

« Cependant, il peut y avoir un effet de contagion : cela va certainement réveiller la volonté des opérateurs européens d’être moins régulés. »

De récentes déclarations de Stéphane Richard, P-DG d’Orange, semblent aller dans ce sens. « Il y a certains usages, comme l’internet des objets, la voiture autonome (…), qui vont nécessiter des internets particuliers en termes de latence, de vitesse », a-t-il déclaré sur BFM Business.

« Il faudra qu’on soit capable de proposer à l’industrie, aux services, des Internets avec des fonctionnalités et des puissances différentes. Il faut qu’on nous laisse faire ».

Quelle est la position des GAFAM (Google, Facebook, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft) ? Il faudrait nuancer les prises de positions entre acteurs et entre positions officielles et arrière-pensées.

S’ils défendent d’un côté la neutralité du Net pour rester populaires auprès des internautes, ils pourraient aussi considérer que leur influence acquise dans le monde permet désormais d’écarter ce principe. Afin de développer du business « à plusieurs vitesses » de leur côté.

(Photo by DonkeyHotey on Visualhunt.com / CC BY)