La NSA écoute 35 dirigeants de la planète, insuffisant pour souder l’Europe

Les révélations se poursuivent sur les programmes d’écoute de la NSA. Même si les 28 pays européens, réunis pour un conseil sur le numérique, affichent leur opposition de principe à ces pratiques, les dissensions au sein de l’Union ne permettent pas de faire avancer les mesures concrètes.

Selon le Guardian, en pointe sur les révélations autour des écoutes de la NSA, l’agence américaine aurait espionné les conversations téléphoniques de 35 dirigeants dans le monde, en se basant sur les numéros fournis par un autre département du gouvernement américain. Le quotidien britannique ne précise pas l’identité du service ayant ainsi mis son carnet d’adresses à disposition de la NSA, mais se base sur un mémo de l’agence, daté d’octobre 2006, invitant les officiels de la Maison Blanche, du département d’Etat ou du Pentagone à partager leur carnet d’adresses pour que des écoutes puissent être mises en place.

Si les noms des 35 dirigeants ne sont pas précisés, remarquons qu’Angela Merkel soupçonne désormais la NSA d’avoir espionné son portable.  Cette semaine, après avoir fait état de ses doutes, la Chancelière a d’ailleurs appelé Barack Obama pour demander des explications. Les molles dénégations de la Maison Blanche n’ont pas suffi à rassurer.

Rappelons encore que, voici quelques semaines, la chaîne de télévision O Globo avait révélé que l’agence américaine interceptait le téléphone et les courriels de Dilma Rousseff ; la présidente du Brésil. Ce qui avait suscité une vive réaction de cette dernière.

L’Italie écoutée par les Britanniques… Ambiance au conseil européen

Le sommet européen consacré au numérique, qui s’est ouvert hier à Bruxelles, est rythmé par cette affaire des écoutes massives de la NSA (Lire Sommet européen du numérique : la France veut être écoutée… et pas que par la NSA). Lui aussi sous tension, après les révélations du Monde sur les écoutes massives pratiquées par la NSA sur les télécommunications françaises (Lire Prism : des millions de Français placés sur écoute !), François Hollande semble sur la même ligne que Angela Merkel : fermeté et volonté affichée de sortir de ce système.  Une position que le Président français a résumé en ces termes : « la vérité sur le passé, des règles de conduite pour l’avenir ».

Le gouvernement italien est lui aussi sous pression, l’hebdomadaire L’Espresso ayant annoncé la publication d’une enquête sur l’espionnage mené par la NSA dans le pays. Cette dernière, dont l’intégralité est publiée dans le numéro en kiosque de l’hebdomadaire, pointe le rôle du GCHQ britannique, en collaboration avec la NSA, dans l’espionnage du gouvernement italien. Un bon sujet de conversation pour Enrico Letta, le président du conseil italien, qui retrouve David Cameron sur le sommet européen.

Si les 28 ont été unanimes dans la condamnation des pratiques américaines, aucune mesure de rétorsion n’a été adoptée. Paris et Berlin préférant la solution du code de bonne conduite sur le renseignement. Une porte de sortie rapide pour éviter de trop embarrasser l’allié américain.

Protection des données : pas avant 2015

Rappelons que, plus tôt dans la semaine, le Parlement européen a, lui, déjà voté ce qui apparaît clairement comme les premières possibles mesures de rétorsion contre les Etats-Unis : un encadrement plus sévère du transfert de données vers les pays hors UE et la suspension de l’accord Swift, par lequel les Etats-Unis accèdent aux données de transactions bancaires de la chambre de compensation européenne. Une seconde proposition qui n’a pas été reprise par le conseil, tandis que les discussions se poursuivent sur la réforme de la protection des données, le Royaume-Uni continuant d’afficher ses réserves sur un texte qu’il juge trop contraignant pour les entreprises.

Si bien que les 28 ont repoussé son adoption à 2015, alors que Viviane Reding, la vice-présidente de la Commission, voulait boucler le dossier avant mai prochain, date des élections européennes. « Nous devons aller plus vite, mais la tâche est complexe. Cela ne concerne pas seulement la vie privée, mais a aussi des retombées sur le monde des affaires« , a expliqué Herman Van Rompuy, le président du Conseil européen.


Voir aussi

Rétrospective : la saga PRISM