NSA : les hackers du Chaos Computer Club portent plainte contre Angela Merkel

Le Chaos Computer Club (CCC) et la Ligue internationale des droits de l’homme accusent le gouvernement d’Angela Merkel et les services secrets allemands de soutenir des activités de renseignement illégales, en coopérant avec la NSA américaine et le CGHQ britannique. À Berlin comme à Paris la fronde s’intensifie.

Après le scandale des écoutes « Made in NSA », la fronde s’intensifie en Europe. La Ligue internationale des droits de l’homme et le Chaos Computer Club (CCC), organisation de hackers basée à Hambourg, ont déposé plainte auprès du procureur général fédéral, lundi 3 février, contre la chancelière Angela Merkel et d’autres membres du gouvernement allemand, dont le ministre de l’Intérieur Thomas de Maizière. Les services secrets allemands (BND) sont également ciblés. Tous sont accusés de collusion avec les services de renseignement américain (NSA) et britannique (CGHQ).

« Une infraction en droit pénal allemand »

S’appuyant sur les révélations d’Edward Snowden, le CCC estime que « les responsables au sein du gouvernement et des services secrets n’ont pas seulement toléré des activités de renseignement prohibées, mais les ont soutenues de manière active et importante. » Pour l’organisation, il s’agit d’une infraction en droit pénal allemand. « Chaque citoyen est concerné par l’espionnage à grande échelle des communications privées [réalisées par les services de renseignement]. Nos lois nous protègent contre ces pratiques et font encourir des peines à ceux qui en portent la responsabilité », explique dans un communiqué Julius Mittenzwei, avocat et membre du Chaos Computer Club.

L’initiative fait suite à la visite à Berlin, le 31 janvier, du Secrétaire d’État américain John Kerry. Celui-ci a reconnu que les relations entre Washington et Berlin traversaient une « période houleuse » après le scandale des écoutes, y compris l’espionnage supposé d’un téléphone portable de la chancelière elle-même. Depuis, les Allemands ont cherché en vain à conclure un accord de non-espionnage avec les États-Unis.

Dans ce contexte, le CCC et la Ligue exhortent le procureur général fédéral à ouvrir une enquête. Les plaignants demandent également l’audition comme témoin d’Edward Snowden. Interrogé sur ce dossier, Steffen Seibert, porte-parole d’Angela Merkel, a rappelé que chaque citoyen allemand a le droit de déposer une telle plainte, mais a refusé de commenter davantage la procédure en cours.

Vers une surveillance généralisée en France ?

À Paris comme à Berlin, les organisations de défense des droits humains et de protection des libertés se mobilisent. À la suite d’une plainte déposée en juillet 2013 contre X par la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) et la Ligue des droits de l’homme (LDH), une enquête préliminaire relative au programme de surveillance américain a été ouverte par le parquet de Paris (Lire : PRISM : Paris ouvre une enquête).

Cette investigation vise à déterminer l’étendue des prérogatives de la NSA et à mettre en lumière le rôle des grands acteurs des technologies. Les relations entre l’agence américaine et d’autres services de renseignement seraient également étudiées. On pense à la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure) qui, d’après Le Monde, « collecte systématiquement les signaux électromagnétiques émis par les ordinateurs ou les téléphones en France, tout comme les flux entre les Français et l’étranger. »

Les données collectées seraient stockées boulevard Mortier, à Paris, dans les sous-sols du siège de la DGSE, et les capacités mutualisées au profit de la communauté nationale du renseignement (DCRI, Tracfin…). L’ancien directeur technique de la DGSE Bernard Barbier (son successeur Patrick Pailloux a été récemment nommé) parlait en 2010 du « plus gros centre informatique d’Europe (après les Anglais). » Or, à l’instar des services allemands,  la DGSE échangerait régulièrement des données avec la NSA américaine.

Pour la Quadrature du Net, qui demande aux parlementaires français de corriger la Loi de programmation militaire, plus particulièrement l’extension de l’accès administratif aux données de connexion et de géolocalisation, sans contrôle judiciaire, ces affaires sont très sensibles. Elles témoignent de la nécessité de replacer le contrôle démocratique et citoyen au cœur des politiques de protection des données.


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