Olivier Heckmann (Kewego) : «La vidéo IP va se généraliser»

L’acquisition de Kewego par Kit Digital va permettre à l’entreprise française d’exporter son savoir faire à l’international, et accompagner ses clients dans une stratégie de communication globale.

En quelques jours, les mouvements de concentration dans le secteur de la vidéo se sont multipliés. Après Orange qui annonçait son intérêt pour Dailymotion la semaine dernière, hier, lundi 31 janvier, AOL mettait la main sur GoViral, prestataire de diffusion viral de vidéo, pour 74 millions de dollars. Dans la foulée, le français Kewego acceptait de se remettre entre les mains de Kit Digital, groupe mondial de solution de gestion et de services vidéo basé à Prague. Une entreprise jusqu’alors relativement discrète en France pourtant leader dans son secteur et cotée au Nasdaq. Olivier Heckmann, directeur général de Kewego, revient pour Silicon.fr sur le parcours de son entreprise cofondée avec Michel Meyer.

Pouvez-vous nous rappeler l’activité de Kewego, son profil et son modèle économique?
Kewego est né en 2003 et possède des bureaux à Paris, Madrid et Munich avec des activités en Suisse et Belgique. Soixante-dix personnes y travaillent. L’entreprise a réalisé un chiffre d’affaires de 10 millions de dollars (7,6 millions d’euros) en 2010 et est rentable depuis 2009. Nous proposons des solutions professionnelles de gestion, de diffusion et de monétisation de vidéos en direction des entreprises.

Kewego compte 450 clients média (L’Equipe, Le Parisien, M6, Orange…) et des grands comptes des secteurs bancaire (Axa, BNP…) et industriel (Airbus, EDF, Volkswagen, Renault…) principalement. Nous fournissons surtout une capacité de diffusion sur tous les supports existants, Internet, intranet, smartphones, réseau d’écran, tablettes, etc., pour la communication interne comme externe.

Nous fournissons deux types de plates-formes, en mode service en ligne (SaaS) ou directement chez le client s’il le souhaite, notamment pour des raisons de confidentialité, au coeur de son système d’information. Nos sources de revenus proviennent des coûts de mise en place des solutions pour 30% et des revenus issus des usages mensuels selon le trafic pour 70%. Ce qui nous assure une croissance lente mais très stable.

Pourquoi avez-vous décidé de vendre Kewego et à quel prix?
Les données financières ont été rendues publiques. L’acquisition s’est faite à hauteur de 35 millions de dollars (25,4 millions d’euros environ) dont un tiers en cash et le reste en titres. L’expansion internationale est une des principales raisons pour laquelle on s’est rapproché de Kit Digital. En 2010, avec Michel [Meyer] on a regardé les dossiers nous apportant des opportunités de développement à l’international. Parallèlement, des sociétés nous ont approchés dans le même objectif, dont Kit Digital qui n’était justement pas positionné sur l’Europe du Sud, d’où sa faible notoriété ici, alors que le groupe est présent dans une trentaine de pays dans le monde. Kit Digital est un acteur comparable à Brightcove mais avec une force de frappe plus importante avec 850 personnes et un chiffre d’affaires de 100 millions de dollars en 2010 et plus important encore attendu en 2011. Pour nous, c’était une bonne occasion de pouvoir exporter les technologies développées par Kewego à l’international. Dans ce cadre, je prends la tête des opérations commerciales pour l’Europe du Sud tandis que Michel Meyer s’occupera de la stratégie internationale de développement des produits.

Olivier Heckmann cofondateur et dirigeant de Kewego (Photo Bruno Levy)Les opérations de concentrations dans le secteur de la vidéo se sont accélérées ces derniers jours. Comment expliquez-vous le phénomène?

Le mouvement se fait dans un contexte de maturité du marché qui rencontre aujourd’hui une sorte de cristallisation. C’est un marché créé à l’origine en 2005 où beaucoup d’argent a été investi, qui est passé par une phase d’épuration en 2008 de ceux qui n’avaient pas réussi à installer leur modèle puis qui s’accélère aujourd’hui avec une prime au leader : GoViral pour AOL dans le secteur publicitaire, Kewego par Kit Digital pour la communication d’entreprise et Dailymotion par Orange, plus difficile à lire dans une sorte de stratégie de repli.

Le marché de la vidéo n’en est qu’à ses débuts mais les entreprises vont généraliser l’exploitation de ce média dans leurs besoins de communication ou de monétisation des contenus, notamment les entreprises de média qui ont été, chez Kewego, les premières à sauter dans le wagon avec une dynamique de test et d’investissement des médias. Mais aujourd’hui, une large majorité de nos clients sont des entreprises internationales que nous allons accompagner en affinant leur stratégie de communication globale.

Dans les entreprises, le mouvement a commencé il y a deux ans avec la mise en place de stratégie de déploiement à l’échelle internationale pour les unes ou d’équipement en solutions pour les autres. La vidéo entre dans une logique de communication plus accessible que les autres médias, notamment dans les domaines techniques où une bonne vidéo reste toujours plus accessible qu’une documentation technique absconse de 15 pages.

L’arrivée des des smart TV ou téléviseurs connectés à Internet est-il porteur pour votre activité?
Les smart TV s’inscrivent dans un mouvement global où l’on voit la multiplication des supports vidéo. Et la stratégie de nos clients est d’être présents sur tous les médias capables de supporter la vidéo, donc y compris les smart TV. Dans ce cadre, on va voir se profiler la diffusion de la vidéo IP, je pense qu’on y sera d’ici 3 à 5 ans. Déjà la consultation de vidéo sur le web a explosé ces dernières années.