Opérateurs MVNO: les cartes sont à redistribuer !

Une convention sur les MVNO -ces nouveaux opérateurs de mobiles sans réseau- a permis, ces 8 et 9 février, de faire la lumière sur le retard français en la matière. Et d’identifier des candidats, dont ADP Télécom, Tele2, Virgin… Retard ou blocage?

La convention ‘MVNO’ (

Mobile Virtual Network Operators) organisée par Euroforum ces 8-9 février aura eu le mérite de poser les vraies questions: -pourquoi les trois opérateurs -et le lobby politico-économique qui les protège?- ont-ils peur à ce point de ces nouveaux acteurs potentiels? Ils ont pourtant montré leur raison d’être dans les pays où les marchés sont plus dynamiques (Suède, Danemark…) -pourquoi les Tele2, Virgin ou ADP Télécom sont-ils des candidats putatifs, déclarés mais toujours en attente? En attente de quoi? De marges suffisantes imposées sinon suscitées par le régulateur ou le ministre Devedjian? En attente de trouver le bon modèle économique après la bonne négociation avec l’un des trois de l’oligopole français? Qui a peur de Virginia Woolf ?!… Reprenons quelques points fondamentaux: On compte déjà plus de 100 MVNO en Europe, déjà 5 en France. A fin 2005, les 3 opérateurs mobiles GSM auront remboursé leurs lourds investissements GSM. Ceux de l’UMTS? à fin 2007 ou 2008. Ce marché des services mobiles commence à générer du cash à hauteur de 5 milliards l’an, un constat qui pousse à mettre un peu d’effervescence dans le monde des télécommunications. Si le « tout gratuit » ne cesse chaque jour de grignoter un plus le marché de la téléphonie fixe, avec la voix sur IP, et tandis que des rumeurs de consolidation ne cessent d’être évoquées, une forteresse de prospérité demeure: l’oligopole de la trilogie des mobiles constitué par Orange, SFR et Bouygues. Le moment n’est-il pas venu d’ouvrir ce marché à de nouveaux acteurs ? Dont les MVNO, bien sûr- ces opérateurs de services de mobilité, sans réseau d’infrastructure. Le sujet n’est pas nouveau mais tout pousse aujourd’hui à le ranimer: les consommateurs, y compris les politiques comme le ministre de l’Industrie, Devedjan, appellent à plus de concurrence et à une baisse des tarifs; l’ART réfléchit toujours et encore à une réglementation des tarifs de gros. Et les candidats MVNO, petits et grands, se déclarent ici et là et font la tournée, vite faite!, des 3 opérateurs. En fait, pour simplifier, il y a deux types de candidats: –Ceux qui visent la niche: ce sont les MVNO qui peuvent proposer un service ciblé à une clientèle bien définie -c’est vraisemblablement le positionnement d’un opérateur « spécialisé » comme ADP Télécom -candidat MVNO déclaré (**). Dans ce cas le client accepte de rémunérer pour sa valeur un service mobile répondant à un vrai besoin non satisfait par le ou les opérateurs traditionnels. Ainsi des « business plans » de quelques milliers à quelques dizaines d’abonnés peuvent y trouver leur rentabilité. Avis aux jeunes entrepreneurs ! On parle des clubs de sport, des ONG, des communautés ethniques ou des businessmen transfrontaliers… En fait, dans ce premier cas, le lancement n’est pas si complexe: le MVNO négocie avec l’un des 3 opérateurs licenciés mais peut confier la gestion des questions techniques de raccordement, des clients, la facturations à un Mobile Virtual Network Enabler (MVNE) qui, lui, se concentre sur la partie commerciale. Et avec toutes les possibilités du Web CRM (Customer relationship management en ligne) on peut lancer un MVNO pour quelques dizaines de milliers d’euros, paraît-il (?). Une start-up française s’est spécialisée dans cette approche, la société Transatel: elle revendique plusieurs références à son actif notamment en Belgique et en Hollande. Certains les appellent « opérateurs alibis » car ils sont peu susceptibles de modifier la donne en matière de concurrence (dixit, par exemple, J.F Contanza, dg de Tele2 France) -Deuxième profil: les MVNO étendus, ceux qui tablent rapidement sur plus d’un million d’abonnés, qui veulent prendre part au jeu concurrentiel. Là les règles de réussite peuvent varier d’un opérateur à l’autre. Mais il s’agit toujours de partir d’une large base client existante. En Angleterre, Virgin Mobile a su capter plus de 5 million d’abonnés en 5 ans grâce uniquement à sa marque et son savoir faire commercial. Les considérations techniques sont jugés comme secondaires. Les ventes sont effectuées à 90% dans les points de vente commerciaux. Seulement 10% via Internet. Les MVNO candidats français, tablent plutôt sur leur clientèle existante en réseau fixe. C’est le cas de Télé2, candidat affiché depuis longtemps, mais également de Cegetel et 9 Télécom opérateurs fixe candidats potentiels, mais aussi d’ADP Télécom ou encore, de NRJ qui compte sur ses auditeurs tout comme M6 sur ses téléspectateurs. Celui qui paraît indéniablement avoir le plus d’atouts est Tele2 . Il possède déjà un savoir faire en Europe du Nord, sa base clientèle en téléphonie fixe représente près de 4 million d’abonnés, et il est capable de démarrer extrêmement rapidement. Contrairement à Virgin, Tele2 commercialise tout par VPC. Problème pour Tele2, le prix de gros proposé par les opérateurs n’est pas jugé « raisonnable ». Conséquence: les négociations ne cessent de durer en fait depuis les premiers contacts qui remontent à… 1998. Mais pas seulement en France, c’est le cas aussi en Angleterre, en Allemagne et de Europe du Sud. Conclusion -intermédiaire? Toute la communauté télécom attend avec impatience à l’affiche le premier « Virgin » français. Qui sera peut-être autre, d’inspiration suédoise… (*) Consultant, PAB-Vision (**)NB Le cas d’ADP Télécom est intéressant –candidat « OMVS » pour « Opérateur mobile virtuel spécialisé », ou « MVNO étendu ». Isabelle Jenny, directeur de projet mobilité, a expliqué qu’il s’agit de « cibler les entreprises de zones à forte fréquentation et ayant des problématiques de mobilité complexes (centres d’affaires, parcs d’expositions, zones portuaires, complexes hôteliers, sites industriels…) en apportant des offres à valeur ajoutée » notamment en téléphonie mobile, donc, avec une « logique communautaire » (mutualisation) et en « répondant à leurs besoins métier spécifiques à travers des solutions data mobile sur mesure« . Commentaire: le statut généralement proposé [par les 3 opérateurs mobiles] est « trop minimaliste« ! Des perspectives en… milliards, contenus compris

Autour des MVNO, apparaissent en France de réelles perspectives de ‘business’: En estimant à 400 euros l’arpu moyen annuel et en 2007 100% du marché couvert, comme actuellement en Suède, cela donne un marché potentiel mobile annuel de 24 milliards d’euros, dont 10% pourraient revenir aux opérateurs MVNO (soit 2,4 milliards à se partager), et dont 20% pourrait provenir de la vente de contenus, soit 5 milliards environ (!) qui, pour 86% (soit 4 milliards), reviendraient à des éditeurs de contenus, jeux, sonneries, fonds d’écrans ou VOD, chaînes TV, radios ou musique…

P-A.B.