Opinion : Internet et la fin de la mondialisation

Internet, le socle technique de la mondialisation, peut-il s’opposer à la montée des protectionnismes, y compris dans le champ du numérique ? Au regard de l’Histoire, rien n’est moins sûr.

Cette semaine, les principaux organismes de régulation d’Internet, dont l’Icann (nommage), l’IANA (adressage), le W3C (standards techniques), l’Isoc (extension géographique du réseau) ou encore l’IAB (publicité) et l’IETF (standards techniques), ont publié une résolution commune mettant en garde contre une fragmentation du Net au niveau national. Un avertissement qui désigne quelques dictatures de la planète ? La répétition d’une antienne chère à ces organismes défendant l’universalité du réseau ?

Cette fois-ci, ce n’est pas seulement de cela dont il s’agit. En réalité, ces organismes s’inquiètent de la montée des protectionnismes numériques. Une tendance renforcée par les révélations successives sur le tentaculaire programme d’écoute des télécommunications mis en place par la NSA américaine. Cette semaine, l’opérateur allemand Deutsche Telekom a ainsi annoncé sa volonté de reparamétrer son infrastructure technique pour s’assurer que les communications domestiques ne transitent plus que par des équipements extérieurs au pays.

Arnaud Montebourg vend du Alcatel-Lucent

Mais, à vrai dire, cette montée du protectionnisme numérique dépasse la seule problématique des écoutes de la NSA. Et recouvre aussi des questions de souveraineté économique. Face à l’omniprésence des grands acteurs américains du Cloud Computing – les Google et autre Facebook -, l’Union européenne ne travaille-t-elle pas à un « Schengen des données » ? Face à la concurrence des équipementiers chinois, Arnaud Montebourg ne fait-il pas pression sur les opérateurs nationaux pour qu’ils achètent des produits nationaux, fabriqués par Alcatel-Lucent ? Cette semaine, le ministre du Redressement productif a expliqué à l’Assemblée nationale que trois des quatre opérateurs avaient accepté ce principe. Les mêmes qui, voici quelques années, se ruaient sur les équipements low cost du Chinois Huawei.

Dans ce contexte, l’Internet, le plus emblématique porte-drapeau de la mondialisation, peut-il lutter contre le retour des protectionnismes ? La technique peut-elle contrarier la volonté politique ? Rien n’est moins sûr. Dans un ouvrage très clair (La fin de la mondialisation, aux éditions Fayard), le journaliste François Lenglet remarque que les précédentes éclipses de la mondialisation n’ont pas été entravées par les progrès techniques qui avaient porté les phases de libéralisme débridé les précédant (le télégraphe, le chemin de fer…). Certes, l’impact des technologies de la communication est aujourd’hui probablement plus profond que ne l’étaient ces avancées. Pas sûr toutefois que cela suffise.


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