Oracle est déloyal et de mauvaise foi selon la justice

La cour d’appel de Paris confirme un jugement de première instance déboutant Oracle dans une affaire de licences logicielles l’opposant à l’Afpa. Et ne s’embarrasse pas de périphrases pour qualifier les manœuvres de l’éditeur autour de ses audits de licences.

Déjà tancé par le Tribunal de grande instance de Paris en novembre 2014, Oracle prend une nouvelle volée de bois vert toujours dans le cadre de son différend avec l’Afpa (Association pour la formation professionnelle des adultes). Cette fois, c’est la cour d’appel de Paris qui renvoie l’éditeur américain dans ses 22. En plus de régler les frais de justice engagés par l’Afpa et son intégrateur Sopra (100 000 euros à chacune), Oracle se voit condamné à payer des dommages et intérêt. Là encore 100 000 euros à verser tant à l’association qu’à la SSII.

Dans son arrêt du 10 mai 2016, la cour d’appel se montre très sévère avec l’éditeur estimant que ce dernier a agi avec « mauvaise foi et déloyauté » envers son client et l’intégrateur. « Il apparaît que par deux fois, la société Oracle France a entendu profiter de son droit contractuel de procéder à un audit pour faire pression sur l’Afpa et obtenir la souscription par celle-ci de nouvelles licences incluses dans l’offre personnalisée qui lui avait été faite en 2001 », écrivent les juges de la cour d’appel.

100 000 euros pour atteinte à l’image

C’est également la conclusion à laquelle était parvenu le TGI de Paris, en première instance. Mais, cette fois, la cour d’appel, qui parle d’un éditeur agissant avec « légèreté » avec la justice française et ne craignant pas de « nier l’évidence », va plus loin et assure que les pratiques de l’éditeur ont causé un préjudice indépendant des seuls frais de justice, tant à l’Afpa qu’à Sopra. Chez le premier, les 100 000 euros accordés par la justice doivent venir compenser « l’atteinte faite à son image », mais aussi les « nombreuses perturbations dans son fonctionnement engendrées par la forte mobilisation de ses équipes détournées du champ de ses missions habituelles ». Chez Sopra, la même somme vient couvrir l’atteinte à l’image dont a été victime la SSII, « alors que la société Oracle France est encore liée à elle par un contrat de distribution ».

Le litige porte sur l’installation de l’ERP Oracle E-business Suite au sein de l’association au début des années 2000, projet pour lequel cet organisme public avait acquis 475 licences de l’application Financials via Sopra. Quelques années après la livraison de ce projet Mosaic, Oracle avertit son client d’un audit, le 7 juillet 2008. Suspendu un temps, alors que l’Afpa publie un nouvel appel d’offres visant à développer la solution de gestion des achats, l’audit reprend quand Oracle apprend qu’il ne remportera pas ce nouveau marché. Mis en œuvre en mai/juin 2009, l’inspection se focalise sur les licences E-business Suite. Oracle estime alors que l’utilisation de 885 licences du module Purchasing d’Oracle n’est pas couverte par l’accord de licences signé. Et ce, alors que ce module était fourni dans le CD remis par l’éditeur à l’Afpa.

L’audit comme arme commerciale

Après deux ans de négociations infructueuses, Oracle saisit la justice réclamant plus de 13 millions d’euros à l’Afpa et à Sopra (en licences et maintenance), la désinstallation des logiciels litigieux et le droit d’exercer un nouvel audit de contrôle. Le tout évidemment assorti d’astreintes pour l’Afpa.

En première instance puis en appel, la justice française a estimé que les demandes de l’éditeur sont illégitimes. Et a pointé avec sévérité ses manœuvres consistant à utiliser l’arme de l’audit de licences pour pousser son client à lui passer de nouvelles commandes. Au-delà, comme le TGI de Paris avant elle, la cour d’appel de Paris estime que « le module PO (ou Purchasing, NDLR) faisait bien partie de la solution progicielle concédée à l’Afpa dans le cadre du marché Mosaïc ». Selon la justice française, ce module était bien inclus dans l’offre sur mesure qu’avait construite Oracle pour répondre aux attentes de son client, le taux de remise accordé par l’éditeur à son client (plus de 85 %) confirmant « la personnalisation de l’offre ». Selon la cour, cette vision est confirmée « par nombre d’éléments postérieurs à la conclusion du marché et à l’installation de l’ensemble des modules convenus par la société Sopra Group ».

Tenace, Oracle a décidé de porter l’affaire en cassation.

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