Orange commercialisera ses offres quadruple play… sous surveillance

L’Autorité de la concurrence donne son feu vert au croisement des fichiers clientèle pour commercialiser des offres quadruple play. A condition de revoir les conditions du marché pour éviter d’enfermer les consommateurs chez un opérateur unique.

Après Bouygues Telecom avec Ideo et SFR avec Illimythics Absolu, France Télécom/Orange reste le seul des trois opérateurs à ne pas proposer à ce jour d’offre quadruple play en France. Prévu pour septembre prochain, le projet se heurtait aux risques de distorsions concurrentielles du fait de son poids dominant dans le secteur des télécoms.

Le développement du quadruple play s’appuie notamment sur la capacité à croiser les bases d’abonnés fixes et mobiles afin de proposer aux différents clients des offres tout-en-un (Internet, télévision, téléphonie fixe et mobile) susceptibles de mieux répondre aux besoins du foyer. Avec près de 8,9 millions de clients fixes haut débit et 26,3 millions d’utilisateurs mobiles (en 2009), il est clair qu’Orange part avec un avantage de taille.

Que l’opérateur se rassure, il pourra lancer son offre sans s’attirer les foudres de ses concurrents, a priori. De sa propre initiative, l’Autorité de la concurrence vient de rendre un avis favorable à l’idée de pouvoir croiser les bases de données clientèle. « L’utilisation croisée de bases de clientèle par Orange ne paraît pas pouvoir engendrer, à elle seule, d’effet d’éviction », note le gendarme de la concurrence dans son rapport. D’autant que la mise en oeuvre des offres quadruple play répond à la tendance du marché vers le modèle d’opérateur universel.

Si le croisement des bases ne pose pas de problèmes aux yeux de l’Autorité, le déploiement des offres n’en reste pas moins risqué. Les sages de la rue de l’Echelle pointent trois points d’interrogation. Le premier touche la liberté de mouvement dans le choix d’un opérateur, par défaut unique. L’engagement sur de longues durées (2 ans généralement pour les forfaits mobiles), les services à valeur ajoutée ainsi que la difficulté technique à changer d’opérateur Internet (due au recâblage de la ligne entraînant une interruption temporaire des services), sans oublier les lourdeurs liées au portage des numéros (notamment mobiles) ne sont pas de nature à encourager les consommateurs à alimenter le taux de « churn » (jargon des opérateurs pour désigner les désabonnements).

Le deuxième point s’attache au verrouillage de tout le foyer à un seul opérateur, phénomène risquant d’avantager par un effet mécaniques les opérateurs qui ont les meilleurs parts de marché (Orange en premier lieu, SFR ensuite). Troisième point enfin, face à la difficulté de pénétrer le marché mobile, les offres de convergences pourraient définitivement avantager les opérateurs quadruple play aux dépens des MVNO ou des nouveaux entrants. Le gendarme de la concurrence fait notamment référence à Free Mobile qui doit lancer son offre en 2012. Laquelle pourrait en partie apporter une réponse à ce problème à condition que la filiale d’Iliad bénéficie d’un accord d’itinérance sur les réseaux des opérateurs en place pour la 2G (c’est le cas) ainsi que pour la 3G. « Or l’Autorité note que les négociations butent actuellement sur ce point. »

L’Autorité préconise donc de nouveaux mécanismes de migrations qui fluidifieront les changements d’opérateurs et ainsi préviendront les risques de verrouillage des consommateurs chez un unique fournisseur. A commencer par la révision des durées d’engagement mais aussi l’encadrement de la synchronisation entre les services haut débit fixe et mobile, la standardisation de certaines fonctionnalités (qui permettra ainsi de les retrouver chez tous les opérateurs), la portabilité des services convergents actuels et futurs…

Autant de mesures que les opérateurs pourraient initier de leur propre chef. Mais il y a fort à parier que l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes) devra les imposer à coup de textes législatifs… si elle le juge pertinent. Réponse dans le courant de l’été avec le rapport sur le développement de la concurrence au service des consommateurs que le gendarme des télécoms doit remettre au gouvernement.