Orange et ses abonnés fantômes

Entre 1999 et 2001, des revendeurs de l’opérateur auraient activé des centaines de milliers de Mobicarte pour des clients fictifs. La direction aurait laisser faire, histoire de gonfler ses chiffres

Fraude d’un côté, laisser-faire de l’autre. Pendant trois ans, des revendeurs Orange ont imaginé une fraude assez maline. Ils ont activé à tour de bras des centaines de milliers de Mobicarte (la formule prépayée de l’opérateur) pour des abonnés fictifs piochés dans le bottin. Une opération juteuse: chaque client activé rapportait entre 25 et 30 euros de commission versés par l’opérateur. La Mobicarte était ensuite retiré et les mobiles vendus à des réseaux parallèles.

Deux revendeurs, cités par le quotidien Libération, expliquent la manoeuvre. « Oui, en 2001 j’ai bien activé 16.000 Mobicartes pour des clients fantômes », avoue l’un d’entre-eux, propriétaire de cinq boutiques. « On achetait des Mobicartes par lots de quelques centaines et le soir on les activait en les déclarant sur Minitel à l’opérateur. J’ai beaucoup utilisé le nom de Jacques Martin, ou le mien ». Et de conclure: « Tout le monde, même les agences France Télécom faisait comme moi ». Fraude couverte par Orange? Cette fraude à l’abonné aurait pu rester cantonné à ces revendeurs. Il n’en est rien. Les revendeurs cités par le quotidien accusent Orange d’avoir été au courant et surtout d’avoir couvert la manoeuvre. Cette inflation d’activation de comptes servait l’opérateur en gonflant son parc d’abonnés. Un autre revendeur explique: « Orange nous menait par le bout du nez. Cela servait le marché et aussi nos intérêts. Je ne me justifie pas, mais quand on vous livrait de tels volumes sans vous poser de questions, on les vendait sans s’en poser non plus ». Pire, toujours selon des revendeurs cités par Libération, le phénomène des clients fantômes n’est pas exclusif à Orange. Un propriétaire de six Mobistores en Bretagne souligne que « Bouygues Télécom et SFR ont été pillés aussi comme Orange ». L’affaire révélée au départ par le Nouvel Observateur fait grand bruit. France Télécom a obtenu un droit de réponse. Le patron d’Orange, Didier Quillot, reconnaît les « fraudes à la distribution et les faux clients ». Néanmoins, l’opérateur conteste l’ampleur de la fraude et estime qu’elle porte sur quelques dizaines de milliers de Mobicartes. Affaire à suivre.