Un ordinateur quantique chez Google dès 2017 ?

Google progresserait plus vite qu’attendu dans la construction d’un premier système quantique capable de dépasser les performances d’un supercalculateur classique. Le vrai top départ de l’informatique quantique ?

« Quelque part en Californie, Google construit une machine qui va inaugurer une nouvelle ère de l’informatique ». Ainsi débute l’article du New Scientist, un article qui, s’il se révèle exact, devrait avoir des conséquences majeures pour l’industrie. Nos confrères assurent en effet que Mountain View serait en train de construire un ordinateur quantique, le plus important jamais mis au point. Si l’intérêt de Google pour le sujet n’est pas nouveau – la société a investi massivement sur ce domaine -, l’avancée des travaux du géant de la recherche l’est davantage. Le New Scientist explique en effet que la machine pourrait être prête avant la fin de 2017. L’objectif de la firme est simple : montrer une bonne fois pour toutes que les ordinateurs quantiques peuvent ringardiser les plus puissants des supercalculateurs actuels. Bref, de démontrer ce que les scientifiques appellent la suprématie quantique.

Le projet est évidemment secret, mais les chercheurs contactés par le New Scientist affirment s’attendre à une percée, suite aux éléments dévoilés par les équipes de recherche de Google lors de conférences ou de réunions. « Ils sont les leaders mondiaux sur le sujet, il n’y a plus de doute là-dessus », juge Simon Devitt, scientifique du centre Riken, un institut de recherche au Japon.  Dans un article de recherche publié en juillet, des chercheurs de l’équipe de Google écrivent : « la suprématie quantique peut être atteinte à court terme avec environ 50 qubits supraconducteurs ». En partant d’un problème qui reste ardu pour l’informatique traditionnelle : la simulation du comportement d’un arrangement aléatoire de circuits quantiques.

L’instabilité du qubit

Bref, Google déplace le défi sur un terrain où les ordinateurs quantiques sont intrinsèquement avantagés. Il n’empêche. Construire un ordinateur quantique de 50 qubits reste un pari, Google n’ayant pour l’instant officiellement annoncé qu’une machine de 9 qubits. Contrairement au bit de l’informatique classique (qui peut prendre soit l’état 0, soit l’état 1), le qubit peut stocker les deux états en même temps, en vertu du principe de superposition de la physique quantique. C’est cette caractéristique qui permet, en théorie, de pronostiquer la suprématie de l’ordinateur quantique sur son cousin plus classique. Mais, pour passer à une démonstration pratique, il faut parvenir à dépasser les difficultés de l’informatique quantique, à commencer par son instabilité. Or, ces difficultés s’accroissent à mesure qu’augmente le nombre de qubits présents dans un système.

Pour son match, Google a mobilisé le supercalculateur Edison, un supercalculateur Cray du centre national américain de l’énergie des Etats-Unis, le 49ème système le plus puissant au monde dans le dernier classement Top 500. Ce dernier s’est arrêté au calcul du comportement d’une grille de 6 x 7 qubits, pour laquelle 70 To de mémoire ont été nécessaires. Au système quantique de Google désormais de montrer qu’il est capable d’aller au-delà (avec 6x 8 qubits ou plus).

« Un fantastique bond en avant »

L’expérience est conduite par les équipes de John Martinis, un chercheur de l’Université de Santa Barbara, en Californie, embauché par Google en 2014. Cet universitaire s’est distingué par ses travaux sur la fiabilité des qubits. Mountain View lui a confié la mission de concevoir les qubits supraconducteurs qui animeront les premières machines quantiques Google. John Martinis a discuté avec d’autres scientifiques de l’avancement de ses travaux et de ses plans. Les plus optimistes de ces roadmap prévoient de dépasser les résultats du supercalculateur Edison avec un système quantique dès la fin de cette année. Mais ce planning reste très (trop ?) ambitieux. « Je vais être optimiste et je dirai que ça arrivera peut-être avant la fin de l’année prochaine », dit Simon Devitt. « Et même s’ils y arrivent au cours des cinq prochaines années, ce sera un fantastique bond en avant », ajoute-t-il.

Martinis
L’équipe de John Martinis (le premier sur la droite, en bas).

Combien faut-il aligner de milliards ?

Bien sûr, le système de Google n’aura alors montré sa suprématie sur un supercalculateur que pour un problème précis, les calculs théoriques montrant qu’il faudrait une machine assemblant bien plus de qubits pour surclasser les machines actuelles sur tous types d’algorithmes. Mais les scientifiques y voient tout de même une étape clef. Pour Scott Aaronson, de l’université du Texas, c’est l’équivalent de la première réaction atomique auto-entretenue en 1942, à Chicago, au sein du projet Manhattan, projet qui a abouti à la conception de la première bombe atomique. « C’est un événement qui peut pousser les gens à se poser la question suivante : si nous voulons un ordinateur quantique pleinement scalable (donc capable d’agréger de nombreux qubits, NDLR), de combien de milliards de dollars avons-nous besoin ? », explique-t-il dans les colonnes du New Scientist. « Ce domaine progresse plus vite qu’attendu, relève de son côté Matthias Troyer, chercheur à l’institut fédéral des technologies de Zurich (Suisse). Il est temps de déplacer l’informatique quantique des labos vers le monde de l’ingénierie et de bâtir réellement des systèmes. »

puce D-Wave
Une puce D-Wave.

Rappelons que Google a également investi, aux côtés de la Nasa, dans une machine D-Wave, un système commercialisée par la start-up du même nom. Une jeune pousse qui affirme avoir mis au point les premiers ordinateurs quantiques. Mais cette affirmation reste discutée par la communauté des chercheurs.  L’an dernier, quand Google a affirmé que cette machine procurait bien un effet d’accélération quantique, de nombreux chercheurs ont modéré la portée de cette affirmation. Le résultat présenté alors par Mountain View s’appliquait à un algorithme pour lequel la machine D-Wave est spécifiquement adaptée. On pourrait en dire autant du futur test sur lequel sera étalonné le système des équipes de recherche de John Martinis.

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