OVH invente le data center sans clim’

Système de refroidissement liquide et gros ventilateurs, OVH rafraichit ses serveurs pour deux fois moins cher qu’avec la climatisation.

« Cela ne plaisante pas avec la sécurité. Qu’est ce qu’ils font ici ?», s’interroge le chauffeur de taxi, en longeant un mur de brique surmonté de barbelé. A Roubaix, « ici », c’est le siège d’OVH, hébergeur, qui concentre quelques 90.000 serveurs sur 50.000 m2. Ce 28 juin, l’entreprise, qui se revendique premier hébergeur de données européen, a invité la presse à visiter son tout nouveau data center, Roubaix 4. Il est destiné à accueillir 35.000 serveurs. Et, nouveauté technologique, OVH remplace la climatisation par un système de refroidissement liquide des serveurs couplé à un dispositif de ventilation. Le système, opérationnel depuis avril, « divise par deux la note d’EDF », se réjouit Germain Masse , directeur des datacenters chez OVH. Une baisse des coûts répercutée sur le client, assure l’entreprise.

OVH Data centre Roubaix-4 cheminée thermodynamique
L’air arrive par l'extérieur du bâtiment, passe à travers les serveurs, et ressort dans la cour intérieure, poussée par de gros ventilateurs encastrés dans le mur intérieur.

Serveurs sous perfusion

Comme autant d’organismes sous perfusion, un millier de serveurs dernière génération, dont sortent des petits tubes transparents en polyuréthane, sont déjà alignés dans les baies, au premier étage de « Roubaix 4 », le seul à être déjà équipé. Un tube amène l’air frais, un autre rejette l’eau réchauffée, « l’échangeur à eau » est disposé sous une petite cloche de cuivre fixée sur le serveur. Ici et là, entrecoupant les tubes, de petites girouettes rouges tournoient : « Un simple indicateur visuel, pour montrer que l’eau circule », commente au passage Lionel Deny, responsable d’exploitation des datacentre, qui fait visiter les lieux. Dans un coin, à l’écart des serveurs, est disposé un important réservoir de liquide, des pompes rouges – dupliquées –, qui assurent la distribution et un refroidisseur d’air électrique.

Cheminée géante

Plus haut, au 6e et dernier étage de ce bâtiment atypique, on peut passer la main sur la tôle qui compose les murs. « Pas de photo, s’il vous plait », s’inquiète Germain Masse. Nulle baie, nul serveur, l’espace est encore vide, et cette nudité pourrait révéler les secrets de la structure de cet étrange bâtiment, craint le directeur. Roubaix 4 est composé d’un assemblement de containers, lesquels sont disposés en carré autour d’une cour. L’air, filtré, qui arrive de l’extérieur du bâtiment, passe à travers les serveurs, et ressort dans la cour intérieure, poussée par de gros ventilateurs encastrés dans le mur intérieur. « L’air chaud va au milieu et monte. Cela fonctionne un peu comme une cheminée », explique Germain Masse.

Chasse aux dépenses énergétiques

OVH à la conquête des grands lacs

Après Roubaix 4, et un nouveau centre à Strasbourg, OVH met le cap sur le Canada. L’entreprise compte y implanter un nouveau data center similaire à Roubaix 4, et qui devra compter une capacité de 10 000 serveurs d’ici 2012.

Cela fait déjà plusieurs années, que l’entreprise s’attache à diminuer les dépenses énergétiques liées à ses data center. Dans ses locaux parisiens, par exemple, dès 2003, « nous avons du réfléchir à la façon d’héberger des processeurs avec des fréquences de plus en plus importantes, qui dégageaient de plus en plus de chaleur. (…) Nous avons commencé à réfléchir à la mise en place du refroidissement liquide », rappelle le directeur, qui compare le dispositif à celui d’un radiateur de voiture. En parallèle, c’est la piste de la production d’énergie qui est explorée. Le photovoltaïque, tout d’abord, en 2009. « Cela ne marche pas, à Roubaix », tranche-t-il. Cette année, OVH a acheté un terrain pour implanter des éoliennes destinées à fournir en énergie le data center qu’elle met en place à Strasbourg, sur le même principe que Roubaix 4.

Stratégie d’intégration

OVH a financé la société qui fournira les éoliennes. Cette démarche s’inscrit dans la stratégie d’intégration de l’entreprise, décidément à contre courant de la mode de l’entreprise ouverte. « Nous avons fait le choix de maitriser l’ensemble du processus. Nous sommes l’un des rares hébergeurs européens à disposer de nos propres fibres pour garantir la qualité de service », illustre Germain Masse. Et la logique se poursuit sur toute la chaine, de la fabrication des baies et des serveurs, (en Pologne), à l’assistance clients. En l’occurrence, en matière d’économie d’énergie, la stratégie semble gagnante. « N’importe qui peut construire un data center, avec du refroidissement liquide. (…) la difficulté est de le faire à grande échelle (…) Il faut beaucoup de R&D pour maîtriser les flux, les débits, la qualité du système. Et Les serveurs, les baies, l’ensemble du bâtiment doivent être adaptés », explique notre hôte. OVH, née d’une success story, d’émigrés polonais dans le nord de la France, compte aujourd’hui 380 salariés, dont 244 en France, pour la plupart à Roubaix. L’entreprise, qui reste à capital familial, ne communique pas sur son chiffre d’affaires.