P2P: la charte anti-piratage, signée, est fort critiquée

Dispositif en trois volets: pédagogie, soutien des offres légales et répression graduée. Le filtrage automatique des réseaux de P2P n’est plus à l’ordre du jour, semble-t-il. Les critiques restent vives

Le 15 juillet dernier, le gouvernement, sous la houlette de Nicolas Sarkozy, ministre de l’Economie, présentait aux fournisseurs d’accès à Internet (FAI) et aux industriels de la musique une charte d’engagement visant à endiguer le piratage musical. Les difficultés du secteur étant mises totalement sur le dos du ‘peer-to-peer’…

Ce mercredi 28 juillet, tout ce petit monde s’est retrouvé une nouvelle fois à l’Olympia afin de signer ce texte « fondateur » qui se veut consensuel, puisqu’il associe une majorité de professionnels de la filière musicale et de l’Internet. Le début de l’entente cordiale? Schématiquement, cette charte prévoit « des actions de dissuasion et la mise en oeuvre d’obstacles concrets contre les adeptes du piratage » et le développement et la promotion de l’offre légale de musique en ligne. Elle se veut autant pédagogique que répressive avec des sanctions graduées. Pédagogie Selon Nicolas Sarkozy, « la plupart des internautes seraient prêts à cesser » le téléchargement illicite « si on leur expliquait les enjeux majeurs qui sont en cause pour l’avenir même de la création artistique et intellectuelle », d’où ce premier volet pédagogique. Il mobilisera les FAI auprès de leurs clients, mais aussi les pouvoirs publics, avec la diffusion de films dans les écoles. Il s’agira également de soutenir et de promouvoir les offres légales qui se développent actuellement. Un challenge difficile: les prix pratiqués sont considérés comme chers et le manque de compatibilité entre tels services, tels baladeurs risque de refroidir les utilisateurs. Obstacles concrets contre les adeptes du P2P Les FAI seront appelés à avertir systématiquement « ceux de leurs abonnés qui auront été repérés (par un organisme tiers affilié à l’Industrie du disque?, NDLR) en train de faire du piratage sur Internet » . En revanche, la Charte ne propose pas le filtrage, chez les FAI, de l’accès aux sites de P2P. Cette mesure était fortement souhaitée par les producteurs et refusée en bloc par les FAI. Le texte prévoit au mieux de mettre à disposition des abonnés des outils de filtrage pour qu’ils puissent, eux-mêmes, choisir de bloquer l’accès ou non aux plates-formes d’échange ‘peer-to-peer’. Une disposition que les FAI sont prêts à accepter. Sanctions Les FAI pourront mettre fin « aux abonnements de ceux qui auront été condamnés pour piratage par des juges ». Les sanctions seraient donc progressives: l’adepte du P2P, s’il se fait repérer, recevra une série d’avertissements avant d’être privé d’abonnement si, finalement, il est condamné par un juge. Relativement mesurée, cette charte considère néanmoins l’internaute comme le responsable numéro un de la crise du disque et le P2P comme son arme de destruction massive…. Ce qui fait hurler associations de consommateurs et certaines associations d’artistes. Critiques L’association UFC Que Choisir déclare ainsi s’opposer « aux méthodes purement répressives visant à poursuivre en justice et au hasard quelques internautes pour l’exemple ou à supprimer unilatéralement l’accès à Internet de l’abonné ». Elle juge le texte « anachronique et partisan ». Pour l’association, ce document est « pour l’essentiel sous tendu par l’idée que le ‘peer-to-peer’ serait la cause essentielle de la crise du disque ». « Cette approche se traduit par une priorité mise à la répression dans des conditions inacceptables (punitions pour l’exemple, sanctions privées contractuelles), pour ne pas dire douteuses sur le plan juridique ». Et de réclamer la mise en place d’un nouveau modèle économique qui devra « permettre à la fois au public de bénéficier de ce progrès technique » et permettre « aux producteurs ainsi qu’aux artistes de se rémunérer ». Il s’agirait par exemple d’une licence légale incluse dans l’abonnement à Internet. Une licence également souhaitée par l’Adami et la Spedidam, deux sociétés d’artistes. Cette dernière a exprimé des « réserves », estimant abusif d’assimiler l’échange de fichiers musicaux dans le cadre du P2P à un acte de piratage.