P.Amsellem (SBW) : ‘quand les annonceurs goûtent à la pub mobile, ils y reviennent’

Mais pour le p-dg d’une des principales agences françaises, il reste encore pas mal d’obstacles à lever pour que le marketing mobile décolle véritablement

Le secteur de la publicité et du marketing mobile est en pleine effervescence. Convaincu que le téléphone va très vite devenir un support publicitaire de poids, les géants de la communication et du numérique multiplient les rachats dans ce secteur. Microsoft s’est ainsi offert Screentonic, tandis que Phonevalley s’est fait avaler par Publicis. Google et AOL ne sont pas en reste avec le lancement de solutions publicitaires dédiées au mobile. Selon ZenithOptimedia, la communication mobile représentait 871 millions de dollars au niveau mondial en 2006, et devrait atteindre 1,4 milliard en 2007.

Pour autant, le marché est encore balbutiant et les obstacles à un véritable décollage du marché sont nombreux. Paul Amsellem, p-dg de SBW Paris (ex-CellCast Interactif, 39 salariés, 7 à 8 millions de chiffre d’affaires en 2007) nous donne son point de vue.

Le marché vit actuellement une importante vague de concentration. Quelles en sont les raisons ?

Le marché prend en fait conscience de l’intérêt du mobile comme média. Conséquence, les experts rejoignent les groupes de communication. Un mouvement qui rassure les annonceurs. Mais à mon avis, il s’agit seulement d’une première phase. En 2008, les choses vont se calmer, ensuite une nouvelle vague de rachats aura lieu au moment du décollage du marché de la pub sur mobile. Mais à ce moment, les prix des spécialistes auront explosé… On peut alors dire que les rachats actuels sont de très bon investissements.

Le marketing mobile est encore marginal. Quels sont les obstacles ?

En Europe et en France particulièrement, il faudra d’abord que le haut débit mobile soit véritablement adopté. Par ailleurs, les opérateurs vont bien devoir proposer des forfaits internet mobile illimités, afin de doper la consommation data. Les initiatives d’Orange et de SFR en la matière (avec des forfaits quasi-illimités, ndlr) sont des premiers pas intéressants mais pas suffisants.

Le marché a également besoin d’un quatrième opérateur pour dynamiser la concurrence. Un acteur comme Free pourrait donner un sacré coup de pied dans la fourmilière. Enfin, il faudra améliorer l’ergonomie des mobiles 3G qui laisse souvent à désirer. Aujourd’hui, seuls l’iPhone et les terminaux de HTC sont vraiment faits pour l’internet mobile.

Standardisation technique des campagnes et mesure d’audience sont également problématiques…

Ces deux points sont en effet essentiels pour encadre ce marché. Nous essayons de mettre au point des outils communs, notamment avec la MMA (Mobile Marketing Association). Médiamétrie fait de son côté un gros travail afin de mettre au point des indicateurs d’audience fiables. Pour convaincre les annonceurs, il faudra en effet structurer les offres.

Entre campagnes personnalisées en bases opt-in et bannières ou liens, qui l’emportera sur mobile ?

Le mobile est un outil très personnel. Les campagnes personnalisées seront donc stratégiques. Pour nous, établir un lien affectif entre l’annonceur et le mobinaute est primordial. La contextualisation sera plus efficace que le mass-market. Nous mettons donc l’accent sur nos bases de données opt-in et qualifiés (12 millions de numéros en Europe, 3,5 millions en France) qui reçoivent des messages qui correspondent véritablement à leurs attentes et à leurs profils. Pour autant, en parralèle, le marché des liens et des bannières va également se développer avec des objectifs d’inventaire, de volume.

Pour autant, les annonceurs semblent encore frileux.

Sur mobile, le coût technique est encore supérieur au coût média, ce qui est exactement l’inverse sur Internet. Par ailleurs, le média et ses possibilités sont encore mal connus. Mais lorsqu’un annonceur goûte au mobile, il y revient ! Surtout lorsqu’ils s’aperçoivent que les mobiles enregistrent un taux de clics 10 fois supérieur à l’Internet standard. Mais cette frilosité n’est pas la même partout. En Grande-Bretagne, les annonceurs commencent à investir en masse le mobile, les agences sont en compétition.

Quelles sont les campagnes les plus efficaces que vous ayez lancées ?

Les campagnes les plus simples sont souvent les plus efficaces. Nous avons par exemple monté une opération pour Gemay (produits de maquillage). Dans certains magasins une PLV proposait un diagnostic de la peau avec l’envoi d’un SMS. La réponse permettait d’être dirigé vers un site mobile dédié. Le bilan a été largement positif et l’Oréal a décidé, pour la première fois, de dégager un budget communication pour le mobile.

Que pensez-vous des flashcodes, des campagnes liées à la géolocalisation ?

Les flashcodes (sorte de code-barres 2D, collés par exemple sur une pub, qui photographiés renvoient vers un site Web mobile, NDLR) sont une fausse bonne idée. Il faut télécharger une application spécifique, c’est compliqué. Et dès que c’est compliqué, les utilisateurs n’y vont pas. Quant à la géolocalisation, elle ouvre la porte à certains abus, à la sensation d’être tout le temps suivi grâce à son portable. Je vois mal la Cnil (Commission nationale informatique et libertés) laisser le marché aller trop loin dans ce domaine.