Payer son abonnement Internet en fonction de sa bande passante effective?

Un amendement, adopté dans le cadre du projet de loi sur la fracture numérique, préconise la facturation de l’accès Internet en fonction des débits réellement obtenus.

La facture Internet sera-t-elle prochainement associée à la qualité du service réellement délivré? C’est le sens de l’amendement que le groupe socialiste (PS) a déposé dans le cadre du projet de loi sur la lutte contre la fracture numérique débattue à l’Assemblée lundi après que les sénateurs l’aient adoptée le 20 juillet dernier. Un rapport sur la question du paiement au débit sera remis au Parlement avant le 30 juin 2010.

Cette loi, dite «Pintat» (du nom du sénateur qui la propose, Xavier Pintat), vise à lutter contre les inégalités d’accès à Internet, notamment du fait des éloignements géographiques de certaines zones qui privent ses habitants des services haut débit dans des conditions financières acceptables. Inégalités qui vont s’intensifier avec le (certes encore trop lent) déploiement de la fibre optique (qui apportera des débits de l’ordre de 100 Mbit/s). Le texte prévoit également des compensations pour les ménages qui devront adopter le satellite pour recevoir la télévision numérique terrestre (TNT) qui sera imposée sur tout le territoire à partir de novembre 2011.

Puisque pour des raisons techniques, ou plutôt par manque de volonté d’investissement, la bande passante des offres haut débit ne peut être garantie, autant ne payer que le service réellement obtenu. Autrement dit, se voir facturer en fonction des débits offerts. C’est tout le sens de la proposition des députés socialistes.

Ce n’est en effet pas le cas aujourd’hui. Les offres des fournisseurs d’accès proposent jusqu’à 20 Mbit/s environ de débit en ADSL et jusqu’à 30 voire 100 Mbit/s par le câble et, demain, la fibre optique pour un forfait unique entre 30 et 40 euros selon l’opérateur (voire moins avec la nouvelle offre d’Alice ). Mais il s’agit de débits théoriques qui vont tomber en fonction des paramètres d’exploitation de la ligne téléphonique (distance entre la prise de l’abonné et le central téléphonique, parasitages du signal, etc.). Ainsi, un abonné qui disposant de 2 Mbit/s ou moins paie le même tarif qu’un utilisateur bénéficiant de 18 Mbit/s.

La proposition des socialistes ne vise pas seulement à combler une injustice territoriale. Elle vise également à pousser les investissements d’infrastructure dans les zones moins rentables pour les opérateurs. Ce qui imposerait à France Télécom de revoir ses tarifs de gros pour les opérateurs alternatifs. Actuellement, Free, SFR ou Bouygues Télécom paient 9 euros par mois par ligne totalement dégroupée à l’opérateur historique.

Des députés de l’Essonne proposent que France Télécom facture 88 centimes le mégabit à ses concurrents. Un accès à 10 Mbit/s serait donc facturé 8,80 euros à l’opérateur alternatif, 4,40 euros pour 5 Mbit/s. Ce qui laisserait une marge aux opérateurs qu’ils pourraient réinvestir dans les zones les moins rentables pour améliorer leurs prestations et augmenter les factures en conséquence.

Un calcul qui atteint vite ses limites puisque, au-delà de 10 Mbit/s, le tarif forfaitaire de 9 euros par ligne de France Télécom devient concurrentiel. Sauf à revoir à la hausse les tarifs en vigueur alors que les offres forfaitaires (notamment triple play avec la téléphonie illimitée) ont fait décoller l’Internet en France. Il n’est d’ailleurs par certain que les opérateurs eux-mêmes soient favorables à l’idée d’une facturation modulée en fonction de la bande passante offerte. L’Arcep aborde en parti ce sujet à travers la consultation publique baptisée « Taux de rémunération du capital des activités régulées du secteur fixe, du secteur mobile et du secteur de la télédiffusion » et ouverte le 24 novembre. Les intéressés ont jusqu’au 24 décembre pour y faire part de leur avis.