Pilotage des risques : passer du contrôle à l’anticipation (2)

Suite de l’avis d’experts de Philippe Deniau, responsable du secteur Banque / Assurance, et Axel Maraut, manager, de Keyrus Management, sur le pilotage des risques dans les établissements financiers.

Seconde et dernière partie de notre avis d’experts (la première partie se trouve ici).

Intégrer une dimension prospective au reporting des risques pour renforcer les capacités d’anticipation

Rendre plus efficace le dispositif de reporting constitue le socle sur lequel les établissements vont pouvoir s’appuyer pour aller plus loin dans l’optimisation du pilotage des risques. Il s’agit à ce stade d’intégrer une dimension prospective aux reportings en se dotant des capacités de simulation nécessaires à l’anticipation des évolutions du profil de risques.

Les établissements recourent à deux grands types de simulation : des études de sensibilité ad hoc et des tests de résistance ou stress tests.

Les études de sensibilité sont des simulations de type « what-if » portant sur un ou plusieurs portefeuilles et sur des risques spécifiques. Elles consistent typiquement à stresser un facteur de risque pour voir comment un portefeuille d’opérations réagit. Sur un portefeuille obligataire, on observe par exemple comment la variation des taux d’intérêt influe sur la valeur du portefeuille. On détermine ainsi les pertes potentielles qu’une évolution brutale ou persistante peut engendrer. Autre exemple, sur un portefeuille de crédit, on simulera une hausse des probabilités de défauts et l’impact sur les provisions.

Plus compliqués à réaliser, les stress tests reposent sur des scénarios économiques combinant des chocs sur plusieurs facteurs. Ils peuvent porter sur un domaine d’activité ou sur la totalité de l’établissement comme dans les stress tests réglementaires imposés par les différents régulateurs (exemple l’EBA – European Banking Authority). A titre d’illustration, un scénario anticipant une baisse du PIB dans les pays de l’OCDE doit être traduit pays par pays (avec identification des impacts sur le revenu des ménages, le taux de chômage, etc.), puis décliné sur les différents facteurs de risques de l’établissement.

Les principaux objectifs des études de sensibilité et stress tests sont de fixer ou tester les limites d’exposition et seuils et éventuellement de les modifier, réviser les politiques de gestion de la liquidité ou d’adéquation du capital au profil de risques, réévaluer l’appétit au risque, répondre à des interrogations du management (par exemple face à une crise) ou challenger les stratégies de développement des activités, satisfaire aux exigences réglementaires, etc.

Créer un environnement de simulation conçu pour la prise de décision

Définir des scénarios, les traduire en facteurs de risque, simuler ces risques sur les différents portefeuilles et calculer les indicateurs correspondants (provisions, pertes économiques sur un portefeuille d’opérations de marché…) est une tâche complexe. Ainsi, un établissement ayant précédemment optimisé son système de reporting des risques – en mettant en place un entrepôt de données central avec des données de qualité couvrant l’ensemble des activités au bon niveau de maille et disposant de capacités d’agrégation multi-axes et de production des indicateurs – aura l’avantage de pouvoir utiliser cette base de données réelles pour les stress tests et l’ensemble de ses simulations.

Pour compléter son dispositif de simulation, l’établissement financier devra construire une base centralisée de scénarios, alimentée d’une part par les données de marché, des scénarios déclinés par activité (crédit, marchés, liquidité…) en lien avec ce que font déjà les risk managers des business units ; et, d’autre part, des hypothèses sur l’activité de l’établissement (prévision de rentabilité par portefeuille, ratio de fonds propres, notations cibles…) définies en lien avec les prévisions et objectifs du Contrôle de gestion. Les résultats de la traduction des scénarios en impacts sur les facteurs de risque seront également stockés dans cette base ainsi que les paramètres de risque stressés.

En s’appuyant sur ces deux bases de données, datawarehouse central et base de scénarios, l’établissement pourra calculer une version simulée des indicateurs de risques et les intégrer plus facilement au reporting périodique des risques. Le fait d’utiliser les mêmes données sources, les mêmes formules de calcul, mais avec les paramètres stressés de la base de scénarios permet ainsi d’obtenir une vision prospective cohérente avec la vision réelle et la possibilité de comparer immédiatement les chiffres réels et simulés pour prendre des décisions.

Anticiper les évolutions du business model

En permettant d’identifier, quantifier et corréler les risques appréhendés jusqu’ici de manière cloisonnée, un dispositif de pilotage optimisé fournit au top management les moyens de mieux évaluer le profil de risque courant de l’établissement et une capacité d’anticipation des difficultés. Il devient ainsi possible d’adapter le business model non plus en réaction au passé, mais à la lumière des risques anticipés, facteur indéniable d’agilité stratégique.


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