Pilotage des grands projets de l’Etat : les 9 principes clefs (tribune)

Responsabilité claire, proximité avec les usagers, droit à l’erreur, séquencement inspiré par les méthodes agiles… Henri Verdier, le DSI de l’Etat, détaille les 9 principes qui doivent guider les projets informatiques dans l’administration.

La transformation numérique des organisations a trop longtemps été confondue avec la dématérialisation d’anciennes procédures, demeurant inchangées pour l’essentiel. Cette acception limitée a certes permis l’amélioration de certaines fonctions – notamment des fonctions support – mais elle s’est révélée incapable d’accompagner la transformation profonde des chaînes de valeur, des métiers, des organisations, des relations avec les utilisateurs. Elle a ainsi laissé bien des organisations impuissantes face aux innovations radicales du numérique. Car la transformation numérique des organisations est inconcevable sans une transformation culturelle, organisationnelle et managériale d’envergure.

L’Etat doit aussi repenser en profondeur ses services, ses interactions avec les citoyens, voire son rôle dans l’économie et la société. Il ne saurait relever ces défis sans une évolution profonde de ses méthodes de travail et ses modes de collaboration.  Comme pour toute organisation, ce changement ne doit pas être subi. Il doit s’intégrer au cœur même de son organisation.

La conduite des grands projets informatique est au cœur de cette ambition. Une maîtrise authentique de ces projets, souvent de taille et d’impact exceptionnels, est à la fois une nécessité pour la transformation profonde des métiers et le creuset d’une modernisation des pratiques.

Une résolution collective

Depuis septembre 2015, la Dinsic (Direction interministérielle du numérique et du système d’information de l’Etat) accompagne les DSI ministérielles dans leur transformation numérique et dans la sécurisation de leurs grands projets. Elle met ainsi à leur disposition des outils et un appui opérationnel  qui constituent de véritables leviers d’actions pour opérer ce changement culturel : stratégie de l’Etat-plateforme, développement de la méthode des start-ups d’Etat, ouverture des données publiques, alignement des plans d’investissement, diffusion de la méthode d’analyse de la valeur Mareva, publication du tableau de bord des grands projets SI de l’Etat...

Ce changement culturel s’incarne aujourd’hui dans une résolution collective, développée dans un travail conjoint des Secrétaires généraux des ministères, des DSI ministériels et des directeurs de projets informatiques, qui ont longuement partagé leurs retours d’expériences, les bonnes pratiques comme celles issues du recours aux méthodes agiles, et leurs ambitions. Ils ont ainsi défini ensemble un socle de principes qui devront désormais guider la conduite de leurs grands  projets informatiques, et ont travaillé sur les modalités concrètes de mise en œuvre de ces résolutions.

Innovation, expérimentation, droit à l’erreur, proximité avec les usagers et avec l’écosystème du numérique, ouverture du code et des données, telles sont les valeurs véhiculées par ces 9 principes, que nous nous attacherons désormais à appliquer à la conception, à la conduite et à l’évaluation de chacun de nos grands projets :

1) Jouons en équipe avec un capitaine mandaté
Construisons un collectif solidaire et engagé, tourné vers un même objectif, piloté par un directeur de projet mandaté et reconnu.

2) Résolvons un problème plutôt que construire une solution
Plutôt que de nous précipiter sur une solution, identifions le problème à résoudre et l’indicateur permettant d’en mesurer la résolution.

3) Pensons grand et avançons petit
Soyons ambitieux dans nos cibles tout en avançant par étapes. Ces deux éléments a priori incompatibles peuvent être réconciliés via, notamment, l’utilisation des méthodes agiles. Celles-ci découpent, séquencent les réalisations en briques plus rapides à déployer et plus proches des attentes réelles des utilisateurs.

4) Soyons transparents et réalistes sur les objectifs et gardons le cap
Gardons toujours à l’esprit et partageons la raison d’être du projet : ses objectifs, ses enjeux et sa dimension.

5) Confrontons-nous tôt à la réalité
Attachons-nous à mettre en service dès que possible une solution qui fonctionne, même partielle. Confronter rapidement la solution apportée à la réalité du terrain, c’est bénéficier au plus tôt des réactions et attentes des utilisateurs, équipes métiers et techniques.

6) Simplifions, toujours
Recherchons avec ténacité la simplification pour les utilisateurs : un processus complexe génèrera toujours une solution complexe. Attachons-nous à les simplifier !

7) Expérimentons, innovons
Osons tester de nouvelles approches, de nouveaux outils, des innovations numériques. L’échec est autorisé !

8) Construisons avec notre écosystème
Réutilisons autant que possible les solutions éprouvées et favorisons l’émergence d’un écosystème du service public numérique, ouvert à tous, acteurs publics, associatifs ou privés, pour co-construire de nouveaux produits.

9) Exploitons tout le potentiel des données
Faisons le pari de construire et d’enrichir nos services autour de la donnée.

Par Henri Verdier, Directeur interministériel du numérique et du système d’information de l’Etat français (Dinsic), soit le DSI de l’Etat, depuis septembre 2015. Il est également adjoint à la Secrétaire générale pour la modernisation de l’action publique et Administrateur général des données.

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