Pirate Act ou guerre ouverte contre le Peer-to-Peer. Oui mais?

Utilisateur de sites ‘peer to peer’ = pirate? Attention aux amalgames! Qu’est-ce qui se prépare aux Etats-Unis?

Wired, magazine bien connu des internautes américains, a dévoilé fin mars des informations sur les dessous des futures lois anti-piratage aux Etats-Unis. Selon ce magazine, des représentants américains du Congrès préparent une série de lois qui autoriseraient la justice à envoyer les internautes en prison pour avoir partagé des fichiers sur des réseaux ‘peer-to-peer’, et cela avec un niveau de preuves minimal «abaissé». La guerre ouverte contre le P2P continue? Le projet se nomme ?

Protecting Intellectual Rights Against Theft and Expropriation Act of 2004? ou P.I.R.A.T.E. Act. Cette proposition de loi, qui circule depuis mars 2004 entre les membres du House Judiciary Committee (la commission parlementaire sur la justice), cherche à imposer de fortes amendes et des peines de prison allant jusqu’à dix ans en cas de partage de fichiers illégal. Quiconque partageant plus de 2.500 fichiers écoperait d’une amende d’au moins 10.000 dollars. Et le fait de distribuer des films avant leur sortie officielle dans les salles de cinéma serait encore plus lourdement réprimé. Un républicain et un démocrate s’associent A l’origine du projet, les sénateurs Orrin Hatch (républicain, Utah) et Patrick Leahy (démocrate, Vermont). Ces deux élus ont élaboré un avant-projet de loi qui autoriserait le Département de la Justice à poursuivre les internautes utilisateurs du ‘peer to peer’. Ce projet abaisse le niveau de preuve habituellement requis pour des litiges portant sur l’échange de musique soumise au copyright sur sites P2P. Notons que cette proposition de texte de loi intervient dans la même période que celle choisie par les «majors» du disque et du cinéma pour réaliser un lobbying auprès de toutes les antennes du gouvernement américain, tant au niveau fédéral que local. Objectif: il faut que l’administration américaine stoppe la piraterie provoquée par le ‘peer-to-peer’. Les sites P2P sont présentés comme des «zones à risques» où opèrent terroristes, pédophiles, cyber-pirates? Pour défendre ce Pirate Act, le sénateur Orrin Hatch s’était déjà déclaré favorable à des procédures de piratage ou d’attaques contre les utilisateurs soupconnés de se raccorder aux sites P2P. Il souhaitait que les organismes de lutte contre le piratage puissent procéder à la destruction à distance des ordinateurs ayant téléchargé de la musique par Internet. La population de ceux qui pratiquent le ‘peer-to-peer’ est estimée à pas moins de 46 millions de personnes d’après une étude réalisée par le New York Times ! Selon ce quotidien, les éditeurs à l’origine des programmes de P2P tentent de démontrer leur pouvoir afin d’obliger les «majors» de la musique et du cinéma à travailler avec eux. Bref, le ‘peer to peer’ serait devenu un nouveau moyen de distribution rentable ou en passe de l’être. Evidemment, les «majors» se sont félicitées du PIRATE Act, qui va, selon eux, dans le bon sens. Peer-to-Peer: quel impact sur les ventes ? Premier point: quel est l’impact des applications ‘peer-to-peer’ sur les ventes de CD et DVD? D’autres voix se font entendre, celles de deux chercheurs par exemple: «L’échange de fichiers n’a que des conséquences limitées sur les ventes de disques», estiment Felix Oberholzer-Gee de la Harvard Business School et Koleman Strumpf de l’université de North Carolina-Chapel Hill. «L’impact économique est également faible. Même dans les pires hypothèses, 5.000 téléchargements sont nécessaires pour annuler une seule vente d’album». Pourquoi? «Tandis que les téléchargements se font à grande échelle, la plupart des utilisateurs sont principalement des individus qui n’auraient pas acheté l’album, même si les systèmes d’échange n’existaient pas», indiquent-ils. Autre point: les sénateurs américains à l’origine du projet PIRATE Act sont-ils impartiaux face aux «majors» de l’industrie ? MM. Hatch et Leahy ont tous deux reçus des soutiens financiers pour leur élection. Ces soutiens proviendraient, selon différentes sources américaines, des industries du disque et du cinéma. Respectivement 178.000 dollars pour Leahy et 152.360 dollars pour Orrin «Terminator» Hatch, connu pour être le défenseur d’Hollywood au Sénat depuis de nombreuses années. Dernier point: les conséquences techniques de l’usage du ‘peer to peer’ en entreprises. Sont-ellles importantes? Les entreprises dans le cadre de leur politique de sécurité pourraient envisager des règles plus strictes pour «limiter» les effets de bord de ce type d’application. On le sait, les applications P2P permettent à des utilisateurs d’interconnecter leurs PC et d’accéder directement aux fichiers de chacun, sans passer par un serveur centralisé. Bien que le partage de fichiers soit très répandu, il place l’entreprise face à une multitude de problèmes: dégradation de la disponibilité du réseau, diminution de la bande passante, baisse de productivité et risque d’être poursuivi pour possession d’informations soumises à droit d’auteur. Jusqu’à 30% de la bande passante Le téléchargement en ‘peer-to-peer’ peut facilement consommer 30% de la bande passante d’un réseau. Les utilisateurs d’applications ‘peer-to-peer’ se servent des réseaux de leurs employeurs pour télécharger et partager des fichiers soumis à des copyrights. «Le ‘peer-to-peer’ pourrait également se traduire par Pornographie plus Piraterie, puisque 95% des fichiers partagés sont pornographiques ou soumis à des droits d’auteur, voire les deux à la fois», déclare Nigel Hawthorn, directeur marketing Europe chez Blue Coat. «Le mépris des copyrights mis en relief par notre enquête démontre la montée en puissance d’une vague de non-respect de la part de certains employés qui se moquent des règles communes. Les employeurs doivent surveiller et contrôler l’utilisation interne d’Internet, mais ils doivent en outre communiquer auprès de leurs équipes sur les modes acceptables d’utilisation d’Internet.» Afin de protéger l’entreprise contre toute responsabilité légale et de préserver la bande passante réseau, de nombreux éditeurs à l’instar de Blue Coat recommandent d’exercer un contrôle accru sur l’activité ‘peer-to-peer’ transitant par le réseau, d’établir une règle acceptable d’utilisation d’Internet dans l’ensemble de l’organisation et de mettre celle-ci en oeuvre à l’aide d’une appliance ‘proxy’. Jean Philippe Bichard, rédacteur en chef NetCost&Security. Pour plus d’information : « Controlling P2P in the Enterprise ».