La Poste freinée par son retard dans le numérique

Malgré des efforts, les retards pris par La Poste dans le développement de services numériques freinent la transformation de ses métiers, offres et services, selon la Cour des comptes.

Confrontée à la chute des volumes du courrier à traiter, le Groupe La Poste évolue.  Deuxième employeur public après l’État, avec un effectif de plus de 250 000 personnes, La Poste affiche des résultats positifs et stables, depuis 2013. Et ce, essentiellement grâce au crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE). Le groupe en est le principal bénéficiaire (avec un montant de créance de 340 M€ par an, en moyenne). Pourtant, les retards pris par La Poste dans le développement de services numériques « performants » freinent une transformation jugée nécéssaire à l’adaptation de son offre aux nouveaux usages. C’est l’un des enseignements d’un rapport thématique de la Cour des comptes.

Retard dans le numérique

« L’examen de projets industriels et commerciaux du groupe La Poste en matière de technologies numériques met en évidence le caractère incomplet de l’adaptation de l’entreprise aux besoins de transformation de ses métiers, offres et services, requis par la généralisation des usages de l’informatique et de l’internet », déclare la Cour des comptes. La réaction tardive de La Poste explique pour beaucoup la situation actuelle. En effet, c’est en 2012 seulement que le groupe a adopté une stratégie numérique transversale et décidé d’augmenter la part du numérique dans son chiffre d’affaires. Le plan stratégie 2014-2020 du groupe « rend plus tangible l’ambition de s’engager dans l’économie numérique et de prendre en compte l’évolution des usages », selon le rapport. Mais cette ambition affichée « ne s’accompagne pas d’un volet relatif à la maîtrise des charges permise par la dématérialisation des procédures et des outils », selon l’institution chargée de s’assurer du « bon emploi » de l’argent public.

La Cour juge également que « la réflexion managériale sur l’internalisation de certaines compétences numériques » reste « hésitante »« Par exemple, alors que la branche numérique estime à 35 M€ les coûts d’externalisation supportés par le groupe sur des activités qui pourraient être effectuées par Docapost (ndlr : la SSII de La Poste), cet axe de travail n’est pas formalisé au sein de la stratégie numérique. Par ailleurs, les recrutements externes de compétences informatiques ou liées aux données se font par une procédure dérogatoire, lente, dans un contexte de forte concurrence ». Malgré tout, des efforts de modernisation importants ont été réalisés.

Faire mieux dans la data

Déployé en 2008 au sein de la branche courrier (devenue branche services-courrier-colis), l’actuel logiciel informatique de tri (TAE – traitement automatisé de l’enveloppe) est considéré comme abouti. Mais La Poste tarde à tirer profit de tout son potentiel. « L’exploitation des données de l’application (statistiques et analyse de production, recherche de fraude, traitement des réclamations, etc.) n’est qu’en cours de montée en charge », souligne la juridiction indépendante. Le TAE ne gère pas encore la réexpédition automatique des plis, par exemple, ajoute la Cour.

Il n’empêche, La Poste a progressivement rendu disponibles sur internet tous ses produits et services de courrier et de colis. En valeur absolue, les ventes en ligne du groupe ont progressé de 59 % depuis 2011. Elles restent cependant très faibles par rapport au chiffre d’affaires total des ventes du groupe (moins de 7 % en 2015). Et la rentabilité financière des ventes sur internet de La Poste n’est pas calculée, déplore la juridiction.  Elle constate aussi que l’expérience utilisateur n’est pas toujours à la hauteur. Des fonctionnalités du site de vente en ligne sont « peu commodes » et l’application mobile « n’est pas au niveau des standards du marché », déplore la Cour des comptes.

Si des efforts sont engagés au sein du Groupe La Poste, des fragilités demeurent (les niveaux élevés d’absentéisme en font partie). Or, la modernisation de l’offre de services de La Poste est un impératif pour assurer son avenir, selon la Cour des comptes. La juridiction recommande donc au groupe d’accélérer le déploiement de services numériques et de dynamiser sa stratégie commerciale. Elle est en marche. Lundi 12 décembre, soit la veille de la publication du rapport de la Cour des comptes, L’Usine Digitale a remis ses Trophées. La Poste a reçu le prix de « l’entreprise digitale de l’année »…

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