Pourquoi Electronic Arts a dit non à Microsoft…

Retour sur un clash. Après des mois de négociation, le numéro un mondial du jeu vidéo a dit non à Microsoft pour le ‘on-line’ Pourquoi? L’avenir de la XBox est-il en… jeu?

Pour comprendre la force d’Electronic Arts (‘EA’) sur le marché du jeu vidéo, deux exemples concrets : en abandonnant les développements de jeux sur la console Dreamcast, EA a précipité la chute et la fin de la console de Sega. Plus récemment, malgré la qualité de ses jeux, Sega a pris un nouveau bouillon en affrontant EA sur son terrain de prédilection, les simulations de sport.

A l’issue de ces expériences malheureuses, Sega a d’ailleurs recherché les activités sportives sur lesquelles il n’aurait pas à affronter EA Sports. Conclusion : la natation ! Passage obligé par le numéro un En ayant judicieusement tissé un ensemble d’accords et de partenariats avec les principales fédérations sportives nationales et mondiales pour sa division EA Games, Electronic Arts s’est réservé un marché d’autant plus lucratif qu’il se renouvelle chaque saison, et que rares sont ceux qui se risquent à l’affronter. C’est dire pourquoi, quel que soit le support (PC ou console Playstation, XBox ou GameCube), Electronic Arts peut construire le succès, ou au contraire précipiter la chute. Microsoft a courtisé EA durant des mois, pour rien ! C’est dire pourquoi l’éditeur, capable d’aligner dans son écurie Tiger Wood ou John Madden, les fédérations internationales de Golf ou de Football, la NBA, la FIFA, la NHL, le Nascar ou la MVP Baseball!, se révèle comme étant la clé du succès d’une console. Microsoft l’a bien compris et a courtisé vainement, durant des mois, Electronic Arts pour rejoindre le team de la XBox Live, le service de jeu en ligne de la firme de Redmond. Mais depuis la sortie de l’extension XBox Live, seuls Sega, Ubi Soft et THQ ont développé les 14 jeux en ligne actuellement disponibles. Ce jeu en ligne, c’est le modèle économique idéal pour Microsoft. Avec la XBox, Windows, son expérience et sa filiale MSN, il est sans doute le seul à pouvoir maîtriser la chaîne de distribution du jeu en ligne. Sauf? le jeu lui-même, dominé par quelques éditeurs indépendants, dont le premier, Electronic Arts. Microsoft veut garder le plus gros morceau La démarche de Microsoft est simple : le jeu pour l’éditeur, l’abonnement pour lui. Mais les éditeurs ne l’entendent pas de cette oreille. Vendre des boîtes, c’est bien, mais disposer d’une source récurrente et régulière de revenus, c’est mieux! Même si la teneur des négociations entre Microsoft et les éditeurs n’a pas été divulguée, il est fort probable que dans sa prétention à conserver le beurre et l’argent du beurre, la firme de Bill Gates est restée trop gourmande. EA a donc tranché pour Sony Electronic Arts, comme d’autres éditeurs avant lui, à l’image d’Infogrames devenu Atari, a finalement renoncé à s’adosser sur Microsoft et XBox Live pour développer ses jeux en ligne. Un marché encore jeune, qui ne demande qu’à exploser, et qui représente un modèle économique complémentaire et récurant à l’édition de jeux vidéo. Les versions en ligne des jeux vedettes d’EA Sports ne seront donc disponibles que sur la console Playstation 2 de Sony. Sony qui dispose d’ailleurs d’arguments auxquels il est difficile de résister, et qu’à retenus Electronic Arts. La base Playstation installée, tout d’abord, qui dépasse très largement celle cumulée de ses concurrents, et qui est sans doute la seule dont la pérennité est assurée. Et surtout la politique de Sony sur le jeu en ligne. Le japonais, en effet, ne cherche pas à concentrer entre ses seules mains l’ensemble des technologies des réseaux. Trop cher à développer, mais aussi difficile à maintenir. Sony pour son kit PS Online a préféré passer des accords avec des fournisseurs d’accès. Et laisse les éditeurs libres de déployer et de gérer leurs serveurs, et se réserve la vente de son kit PS2 Online. Malgré ses premières expériences malheureuses sur le jeu en ligne – 300 millions de dollars de pertes – Electronic Arts entend profiter aujourd’hui du succès de l’accès à haut débit, et des attentes du consommateur. D’ailleurs, c’est peut être du côté des joueurs qu’EA a trouvé sa principale motivation. Une première expérience a été tentée récemment avec succès, sur le jeu Madden NFL online, qui a démontré aux dirigeants d’Electronic Arts que le jeu en ligne représente un marché émergeant qui va se développer beaucoup plus rapidement qu’ils ne l’imaginaient. EA Sports avait commencé à adapter ses jeux pour des versions en ligne adaptées aux deux supports, Playstation 2 et XBox, mais l’intransigeance de Microsoft n’aura fait que confirmer le choix d’Electronic Arts. Larry Probst, le chairman d’EA, a conclu les négociations engagées avec Robbie Bach, le patron du département jeux vidéo de Microsoft, sur un « Robbie, vous n’avez pas besoin de nous, nous n’avons pas besoin de vous! » C’est donc exclusivement sur la Playstation 2 de Sony, et sur ses propres serveurs, qu’Electronic Arts vous proposera d’affronter en ligne vos équipes favorites de foot, de basket, ou de hockey… Electronic Arts et le marché du jeu vidéo

Aux Etats-Unis, le marché du jeu vidéo, avec 10 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2002, a dépassé l’industrie du cinéma, et ses 9 milliards de dollars d’activités.

Sur ce marché, avec 2,48 milliards de dollars de chiffres d’affaires sur son exercice clôt en mars 2003, et son bénéfice net de 317 millions de dollars, Electronic Arts est le numéro un mondial incontesté. L’éditeurs a su très rapidement atteindre et dépasser sa masse critique en rachetant des studios indépendants, et en se spécialisant avec les simulations de sports d’EA Games ou les franchises sur des blockbusters cinématographiques. Le développement d’un jeu coûte aujourd’hui entre 10 et 20 millions de dollars, pour 1 à 2 ans de développements, voir plus. Qui d’autre dispose de la trésorerie suffisante pour aligner un catalogue capable d’affronter celui d’Electronic Arts ? Des nombreux éditeurs historiques, il est aujourd’hui le seul sur lequel ne plane aucun doute quant à sa capacité à franchir les années. Une certitude dont ni Infogrames/Atari, avec sa prochaine échéance de trésorerie, ni Vivendi Universal Entertainment, avec sa probable cession, ni Nintendo, qui échoue sur sa GameCube, ne peuvent se prévaloir. Quant aux autres éditeurs nationaux, d’Ubi Soft aux japonais Namco ou Sega, aucun ne dispose de la surface ou des ressources pour rivaliser avec EA. Reste Sony, et son parc de Playstation, tributaire des développements de jeux sur ses machines. Et Microsoft avec sa XBox. Mais là, une interrogation demeure : les sommes que les dirigeants de Microsoft sont encore prêts à perdre pour devenir les maîtres du jeu vidéo ? Et la notoriété en moins, sur un public jeune mais vieillissant de ‘consoleux’ qui est loin d’être acquis à Bill Gates.