Géolocalisation : le projet de loi amendé par le Sénat gagne l’Assemblée

Le Sénat a amendé le projet de loi sur la géolocalisation qui encadre la pratique lors d’enquêtes pénales. Le délai d’intervention d’un juge a été porté à huit jours suivant l’autorisation du dispositif. L’Assemblée doit à son tour examiner ce texte dans l’urgence.

Le Sénat a adopté après une seule lecture, lundi 20 janvier, le projet de loi relatif à la géolocalisation qui encadre la pratique lors d’enquêtes pénales. La chambre haute du Parlement a toutefois amendé le texte. Il revient désormais à l’Assemblée nationale d’examiner le projet de loi dans l’urgence, le gouvernement ayant décidé d’engager la procédure accélérée prévue par l’article 45 de la Constitution.

Localiser en continu un téléphone portable

Cette urgence s’explique par la nécessité de mettre en conformité le droit français avec deux arrêts de la Cour de cassation du 22 octobre 2013, selon lesquels la géolocalisation constitue « une ingérence dans la vie privée dont la gravité nécessite qu’elle soit exécutée sous le contrôle d’un juge ». Ces décisions ont entraîné l’arrêt des procédures de géolocalisation en temps réel dans le cadre d’enquêtes préliminaires placées sous l’autorité du Parquet, celles-ci étant susceptibles d’être invalidées… Pour débloquer la situation, il est donc nécessaire d’adopter une loi qui permette d’éclairer le recours à la géolocalisation lors d’investigations pénales.

Présenté par la ministre de la Justice Christiane Taubira, le texte cible « toutes les techniques utilisées par la police, la gendarmerie ou les douanes dans le cadre d’une enquête pénale, ainsi que pour la recherche d’un mineur, d’un majeur incapable ou d’un majeur dont la disparition paraît inquiétante, pour localiser en continu un téléphone portable ou un objet, un véhicule par exemple, sur lequel une balise a préalablement été posée ». Selon l’exécutif français, « la géolocalisation par balise a crû de 25% entre 2011 et 2012, passant de 4 600 balises à 5 500. La géolocalisation par téléphone portable, de 1 000 à 3 000 téléphones portables en 2009, atteint 20 000 actes en 2013 pour un coût de 10 millions. »

8 jours pour géolocaliser sans intervention du juge

Le texte adopté au Sénat conserve le recours à la géolocalisation à l’initiative du Parquet (soumis hiérarchiquement à l’exécutif français), mais porte le délai d’intervention d’un juge indépendant dès 8 jours suivant l’autorisation de la géolocalisation par le procureur de la République, contre 15 initialement.

Par ailleurs, les sénateurs ont relevé le seuil justifiant la géolocalisation. Le texte amendé prévoit le recours à la géolocalisation pour les seules enquêtes concernant un crime ou un délit puni d’au moins 5 ans d’emprisonnement, contre 3 ans auparavant, sans exception. Le gouvernement a néanmoins proposé « d’abaisser le quantum à 3 ans pour les atteintes aux personnes ». L’amendement a été adopté. Le seuil d’emprisonnement à 5 ans permettant la géolocalisation n’est donc valable que pour les délits d’atteinte aux biens.

La surveillance s’applique à tout objet connecté

En revanche, les amendements visant à spécifier les objets susceptibles d’être géolocalisés lors d’une enquête pénale ont été rejetés, au grand regret de l’Asic. Redoutant l’extension de la surveillance « à n’importe quel objet connecté », l’association qui regroupe des sociétés comme Dailymotion, Exalead, Google et Microsoft, a demandé aux sénateurs d’amender le texte. Tous les amendements en ce sens ont été rejetés.

Pour Jean-Pierre Sueur, président et rapporteur de la commission des lois du Sénat, le combat est ailleurs. « La géolocalisation est utilisée à propos de personnes suspectées dans le cadre de procédures judiciaires. La loi n’a pas à spécifier les objets concernés : les techniques évoluent et la procédure n’est licite que sur décision judiciaire », a expliqué le sénateur socialiste lors des débats du 20 janvier.

La garde des Sceaux, Christiane Taubira, a par ailleurs assuré que « la géolocalisation ne concerne pas le contenu ». « Il s’agit seulement de se servir d’un objet, n’importe lequel, pour localiser une personne, non d’obtenir des données », a-t-elle insisté.

Le projet de loi sur la géolocalisation ainsi amendé par le Sénat a été transmis à l’Assemblée nationale. Le gouvernement table sur une adoption définitive du texte d’ici la fin février 2014, en amont des élections municipales.


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