Comment Publicis a obtenu 150 millions d’indemnités de SAP

Une demande d’informations d’une société de défense des actionnaires exhume une transaction secrète entre SAP et Publicis. En raison de retards dans un projet d’implémentation d’ERP, l’éditeur a payé une indemnité maousse au groupe publicitaire.

C’est une demande d’informations d’une société  spécialisée dans l’éthique des affaires, Gouvernance en Action, qui lève un coin de voile sur une discrète transaction entre Publicis et SAP. Dévoilée par l’Obs le 17 mai dernier, cette affaire démarre en 2008, quand Publicis lance un appel d’offres pour un ERP visant à unifier ses opérations dans les 1 500 agences que compte le groupe dans le monde entier. Si SAP remporte ce projet de plusieurs dizaines de millions d’euros, le programme, qui prévoit l’adaptation du progiciel de l’Allemand aux métiers de la publicité, dérape rapidement. L’éditeur admet, dès le début de 2010, qu’il faudra compter sur un retard de trois ans.

Si le contrat prévoit une clause de dédommagement plafonnée à quelques dizaines de millions d’euros (sauf en cas de grave négligence), Publicis estime que le préjudice financier qu’il subit est bien supérieur. Ce qui déclenche une procédure d’arbitrage devant la Chambre de Commerce internationale de Paris. Et, le 31 octobre 2014, SAP France signe un accord de conciliation (Settlement Agreement) qui prévoit le versement de 130 millions d’euros en cash (dont 80 pour l’indemnisation de la société de Maurice Levy après la signature de cet accord !), auxquels s’ajoutent 20 millions de crédit logiciel. Autrement dit, un à-valoir sur le catalogue de l’Allemand. Soit au total, la bagatelle de 150 millions.

L’AMF est saisie

Si l’affaire se solde donc de façon avantageuse pour Publicis, c’est l’importance des sommes en jeu qui va conduire à la révélation de cette transaction, vouée à rester confidentielle. Car, selon l’Obs, la direction financière de Publicis décide d’intègrer la plupart de ces sommes dans les comptes opérationnels de 2014 : 85,6 dans les comptes de sa holding hollandaises et 50 autres millions au titre des autres revenus opérationnels. Sans informer les marchés du caractère exceptionnel de ces rentrées d’argent.

Pour Gouvernance en Action, une façon pour Publicis d’arranger ses comptes et d’enjoliver la réalité aux yeux des analystes et investisseurs. Nos confrères de l’Obs soulignent ainsi qu’à l’annonce des résultats annuels 2014, où est intégré la majeure partie des indemnités dues par SAP, le cours de bourse de Publicis bondit de plus de 3,7 % pour atteindre un plus haut historique. Gouvernance en Action, dirigée par Fabrice Rémon, a saisi l’AMF (Autorité des Marchés Financiers) le 17 mai pour ces opérations contraires « à toute orthodoxie comptable » qui auraient fortement amélioré la marge opérationnelle de Publicis Groupe « sans que les marchés financiers en soient informés » au cours des exercices 2014, mais également 2015 et 2015. Le solde des indemnités versées par SAP ayant absorbé par Publicis sur les deux exercices suivants.

La clause de confidentialité brandie par Publicis

Dans sa réponse à Fabrice Rémon, Maurice Lévy, le président du directoire de Publicis, fait valoir que l’accord trouvé avec SAP sous les auspices de la cour arbitrale comportait une clause de confidentialité, lui interdisant de donner « tant dans les comptes consolidés que lors des présentations de résultats une quelconque information à ce sujet ». Le dirigeant ajoute que le traitement comptable effectué par Publicis a été validé par les commissaires aux comptes du groupe.

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