Quel avenir pour le Wimax en France ?

Après l’annonce d’Alcatel-Lucent de ralentir ses investissements dans le Wimax, et les retraits de Nortel et de Nokia, la question se pose sur l’avenir de cette technologie dont les déploiements ont pris beaucoup de retard. Enquête sur deux pages

En décembre dernier, Ben Verwaayen, le nouveau dg d’Alcatel-Lucent jetait un pavé dans la mare en annonçant que son groupe allait réduire ses investissements dans le Wimax car disait-il « sur cette technologie, nous ne voyons rien venir d’ici plusieurs années ».Venant du premier fournisseur mondial d’équipement Wimax, cette déclaration a semé le doute chez les spécialistes des télécoms.

Pour les uns, il ne s’agit que d’un simple ajournement en attendant que la technologie soit vraiment mature et surtout que les puces (fournies essentiellement par Intel) soient prêtes. D’autres estiment au contraire qu’Alcaltel-Lucent ne croit plus en l’avenir du Wimax et va reporter tous ses espoirs (et ses investissements) sur la technologie concurrente LTE, (Long Term Evolution) la 4G des opérateurs mobiles.

Enfin, une troisième catégorie d’observateurs ou analystes pense que l’équipementier devrait continuer à investir un peu dans le Wimax mais seulement pour répondre à des besoins locaux (couverture de zones blanches ou grises).

Les deux prochaines années devraient apporter des réponses à ces questions mais aujourd’hui force est de constater que le Wimax est plutôt mal parti en France. Cette technologie haut débit dont on disait au début des années 2000 qu’elle allait rapidement se substituer au lWi-Fi avec un rayon d’action de plusieurs dizaines de kilomètres (contre seulement quelques dizaines de mètres pour le Wi-Fi) est encore très peu présente dans l’Hexagone.

Dans un rapport publié en septembre 2008, l’Arcep (le régulateur des télécoms) déplorait que « les déploiements[du Wimax]restent encore très modestes et sont aujourd’hui très inférieurs aux engagements pris par les titulaires d’autorisations » [en juillet 2006].

524 sites déployés sur 3.564

En effet, alors qu’au 30 juin 2008, 3.564 sites auraient dû être déployés, il n’y en avait, à cette époque, que 524 (dont 512 opérationnels) pour environ 4.000 clients, particuliers et professionnels. Le régulateur note, par ailleurs, que la situation est très disparate en fonction des zones géographiques. Ainsi en Haute-Normandie, la moitié des sites prévus (50 sur 100) avaient bien été installés au 30 juin 2008 et trois offres commerciales étaient déjà disponibles. En revanche, en région Rhône-Alpes, aucun des 446 sites n’avait encore été déployé retardant, sine die, la commercialisation des huit offres stipulées dans le cahier des charges.

Si les collectivités locales (qui détiennent 14 autorisations sur 19) sont montrées du doigt pour ne pas avoir totalement respecté leurs engagements, l’Arcep souligne que les industriels n’ont guère fait mieux – à l’exception de Nomotech qui a déployé les deux sites qui lui avaient été imposés dans le Morbihan. A l’époque, en effet, SHD (filiale de SFR) n’avait installé que 86 sites sur 177, HDDR France, 170 sites sur 312 et Altitude Wireless, 212 sites sur 1.796. Quant à Bolloré Télécom (co-entreprise avec Hub télécom) qui couvre aujourd’hui 20 régions sur 22, il n’a équipé que 140 sites sur 1.134.

L’Arcep devrait publier un nouveau rapport fin janvier/début février. Mais du côté des industriels, il semble que pour le moment, les choses ne bougent pas beaucoup (lire, ci-après, l’interview de Marc Taieb).

Et les collectivités territoriales ? « Ce sont finalement les plus dynamiques car les déploiements rentrent dans le cadre de l’aménagement du territoire »explique Pierre-Michel Attali, consultant du cabinet d’études Idate. Les premiers déploiements ont commencé en Bourgogne, en Alsace, en Bretagne… et certains opérateurs locaux sont prêts à être clients des délégataires.

Certes, reconnaît cet analyste, le Wimax a du mal à démarrer. Mais Pierre-Michel Attali croit au succès de cette technologie :« C’est certain, c’est une période difficile pour le Wimax car la technologie n’est pas au point et les équipements sont très chers. Actuellement, c’est un marché de niche et certaines licences ne font même pas l’objet d’un projet. Mais sous l’impulsion des collectivités territoriales et avec la baisse du prix des équipements, la situation va évoluer. Les grands opérateurs vont s’intéresser aux licences Wimax car le spectre des fréquences reste rare. Et cette technologie devrait venir compléter celle du LTE »

Et aux Etats-Unis? Clearwire y croit toujours…

Le décollage du Wimax va-t-il venir des Etats-Unis ? En tous cas, hormis les déploiements de certaines collectivités locales européennes et des expérimentations dans quelques pays africains, c’est outre-Atlantique que l’on trouve le projet le plus ambitieux. Après avoir inauguré le Wimax à Baltimore en septembre 2008, la société Clearwire a lancé début janvier 2009 son réseau à Portland. Par ailleurs, le même opérateur a achevé en décembre son rapprochement avec les activités sans-fil Wimax de l’opérateur Sprint Nextel, ce qui a conduit à la création d’une co-entreprise dans laquelle figurent également Intel et Google. Néanmoins, l’avenir du programme n’est pas assuré. Le déploiement à grande échelle du Wimax va demander de très lourds investissements et dans le contexte économique actuel, il n’est pas sûr que les opérateurs et les équipementiers aient les moyens de faire ces investissements. D’autant que le LTE s’annonce comme une féroce concurrente. Certains opérateurs comme Verizon n’ont d’ailleurs pas hésité à abandonner le Wimax au profit du LTE.

A lire en page 2, l’interview du directeur général de Bolloré Télécom

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