L’Arcep veut adapter la régulation à l’heure du numérique

A l’heure où le marché des télécoms entre dans un nouveau cycle, l’Arcep adapte ses méthodes pour se mettre à l’heure du numérique.

C’est au Numa que l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes) avait convié presse et acteurs des télécoms pour la présentation de son rapport annuel ce mercredi matin. Choix hautement symbolique puisque, logé au cœur du Silicon Sentier, le Numa s’inscrit comme un vivier d’entrepreneurs, start-up et grandes entreprises qui s’y rencontrent pour travailler ensemble à la transformation de la société par les technologies numériques.

Entrer dans l’ère numérique

« Il nous faut inventer une manière de faire de la régulation à l’heure du numérique », énonce Sébastien Soriano. Plus que de s’attarder sur le compte-rendu de l’année 2014 (que l’on pourra consulter ici), le président de l’instance de régulation s’est attaché à présenter les nouvelles perspectives de l’Arcep à travers une « Revue stratégique », à l’heure où le marché entre dans un nouveau cycle qui clôt celui de son ouverture à la concurrence abordé dans les années 90. Et ce nouveau marché n’est autre que « celui du numérique ». Si le régulateur entend toujours s’occuper de « tuyauterie » dans le cadre des missions qui lui sont confiées (« nous restons dans notre couloir », insiste le président), il vise désormais « l’autorégulation plus que la régulation ». Laquelle passera donc par un plus grand dialogue avec les acteurs de l’industrie, opérateurs en premier lieu, mais aussi les autres institutions et administrations de la République (l’Autorité de la concurrence, le CSA, l’ANFR ou encore l’Anssi pour ne citer que les plus emblématiques). Il s’agit d’un « partage des tâches entre l’Arcep et le gouvernement qui pourra nous consulter en tant qu’expert technique », résume Sébastien Soriano.

Cette ouverture se traduira également par la mise en place d’une « instance de dialogue » avec les entreprises qui, à l’image du Graco (groupe d’échange entre l’Arcep, les collectivités et les opérateurs), permettra de mieux cerner les besoins des organisations privées. Notamment les PME-PMI dont les besoins de connectivités, comme les moyens, sont éloignés de ceux des grandes entreprises tout en étant aussi stratégiques. Ce nouveau groupe de travail, qui devrait voir le jour à la fin de l’année, visera par exemple à trouver les bons interlocuteurs de secteurs comme la santé ou l’éducation aujourd’hui mal ou pas représentés par les principaux syndicats (Syntec Numérique…).

L’enjeu de l’Internet des objets

Il n’en reste pas moins que les grands sujets clés resteront au cœur des priorités du gendarme des télécoms : développement du très haut débit, fixe et mobile, interopérabilité, accès, nouvelles bandes de fréquences, neutralité du Net, itinérance et mutualisation de réseau ou encore, Internet des objets (IoT). Sur ce dernier point, si Sébastien Soriano insiste sur la nécessité de s’assurer de l’interopérabilité effective des réseaux (« le cœur de la valeur des télécoms »), il suggère de laisser une certaine zone de liberté aux acteurs innovants en phase de défrichage technologique du marché. « Notre démarche est de comprendre les enjeux en mettant en place des outils de mesure », explique le Président de l’Arcep en évocation aux différentes technologiques qui se créent autour des réseaux dédiés aux objets connectés (Sigfox, LoraWAN…). L’enjeu sera également, pour le régulateur, d’identifier les acteurs qui entreront ou non dans la sphère de régulation. Le régulateur n’en restera pas moins soumis à la vision que l’Europe imposera en matière de neutralité du Net.

Sur l’itinérance, « si tout le monde partage son réseau, on arrive à un monopole ». L’Arcep s’attachera à vérifier que la limite en matière d’itinérance et mutualisation des infrastructures n’est pas franchie. Mais plus que de sanctionner, l’idée est « d’analyser les contrats [entre opérateurs] pour les faire évoluer si besoin ». Un point d’étape sera posé à l’automne. La fin de l’itinérance par plaques régionales de Free sur le réseau 3G d’Orange fait ainsi parti des priorités du régulateur. Celle signée entre SFR et Bouygues Telecom sur la 4G sera également étudiée.

Enfin, sur le déploiement du très haut débit fixe, l’Arcep entend « donner de la visibilité aux acteurs sur la tarification du cuivre » dans le cadre d’une phase de transition vers les réseaux optiques et « créer des incitations à l’investissement ». L’Autorité fixera donc les price cap des accès à la boucle locale cuivre, en janvier prochain pour la période 2016-2017, puis dans un deuxième temps pour les périodes 2018 à 2020. Si Sébastien Soriano n’a pas donné d’indication sur cette tendance tarifaire (« je suis agnostique sur les prix ») l’idée est de réduire la rentabilité du réseau téléphonique traditionnel pour pousser le développement des infrastructures de nouvelles génération.

L’Arcep aura donc fort à faire sur ces points, et bien d’autres, tout au long des 6 ans du mandat de Sébastien Soriano nommé en début d’année. En revanche, son président la rappelé, l’Autorité n’a pas pour mission de réguler les plates-formes numériques (les OTT). Un sujet qui relève aujourd’hui plus du rôle de l’Europe. Quant aux questions de consolidations du marché français, Sébastien Soriano a répété qu’il n’y avait pas de chiffre magique et n’avait pas de religion en la matière mais que son rôle était d’être capable d’organiser le marché. Tout en ajoutant que « nous n’aimons pas le chiffre 2 et notre rôle est d’écarter le risque de ce passage à 2 ». Un risque qui, avec le rejet de l’offre d’Altice sur Bouygues Telecom, reste encore éloigné de la réalité à ce jour.


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