Renseignement : François Hollande en appellera au Conseil Constitutionnel

Le président de la République a annoncé son intention de faire vérifier la conformité du texte relatif au renseignement. Suicide législatif ?

François Hollande a-t-il pris le risque de se tirer une balle dans le pied ? Dans le cadre de l’émission Le Supplément sur Canal Plus, le chef de l’Etat a annoncé qu’il allait saisir lui-même le Conseil Constitutionnel pour vérifier que le projet de loi relatif au renseignement est bien conforme à la loi. « Je vais saisir, au terme de la discussion parlementaire, le Conseil constitutionnel [qui] pourra regarder en fonction du droit si le texte, ou certaines de ses disposition, sont bien conformes à la Constitution », a déclaré le président de la République (vers la 59e minute de l’émission).

Rappelons que, présentée par Manuel Valls le 19 mars dernier, la loi sur le renseignement vise à instaurer un cadre légal aux écoutes en tous genres, notamment sur Internet avec l’installation de « boîtes noires » chargées d’analyser les flux qui transitent sur les réseaux des hébergeurs et opérateurs télécoms. Les premiers ont exprimé leur opposition, y compris en menaçant de déplacer leurs infrastructure hors de France même si certains acteurs majeurs, dont OVH, ont finalement décidé de se plier aux exigences du texte après le vote de l’amendement 437 (qui viserait à limiter les écoutes sur les métadonnées). Quant aux opérateurs fournisseurs d’accès Internet, ils étaient reçus par le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve à l’heure de la rédaction de ces lignes. Globalement, le projet de loi fait l’unanimité contre lui de la part des associations de défense des libertés publiques.

Reprendre l’avantage

François Hollande tient donc à rassurer. La saisine des Sages de la rue Montpensier n’est en effet pas obligatoire. Elle peut se faire à l’initiative des Parlementaires (à condition de réunir au moins 60 députés et autant de sénateurs), du président de l’Assemblée nationale, du Premier ministre ou encore du locataire de l’Elysée. Elle est souvent plutôt le fait de l’opposition. Laquelle s’est notamment exprimée par la voix de François Fillon. L’ex-Premier ministre du gouvernement Sarkozy en piste pour la présidentielle 2017 a annoncé la semaine dernière qu’il saisirait le Conseil constitutionnel du la loi si l’exécutif ne s’en occupait pas. François Hollande vient donc de lui couper l’herbe sous le pied.

Par ailleurs, si le texte est jugé conforme à la Constitution, ses opposants ne pourront plus en saisir le Conseil pour remettre en question certaines de ses dispositions après l’adoption de la loi. Une façon, pour François Hollande, de reprendre la main sur un vote qui doit être finalisé à l’Assemblée nationale le 5 mai prochain.


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