Réseaux IoT : Sigfox doit accentuer la sensibilisation pour convaincre

Sigfox parie sur une phase de production en masse de projets IoT sur 2018. Mais la phase d’évangélisation doit se poursuivre et se structurer.

D’emblée, la situation sur le marché IoT paraît paradoxale : alors qu’un cabinet d’études comme Gartner évoque un business mondial à deux billions de dollars dans le monde pour 2017, Sigfox, spécialisé dans les réseaux bas débit pour développer l’Internet des Objets à l’ère industrielle, doit poursuivre « l’évangélisation » du marché…car il demeure immature en l’état actuel.

Dans ses nouveaux locaux situés dans le XVIIème arrondissement de Paris, Sigfox vient de faire le point sur son développement.

Créée en 2009 près de Toulouse, la société technologique fait partie des sociétés les plus innovantes. Elle a levé 277 millions d’euros sur 6 tables rondes (dont 100 millions d’euros en février 2015).

« Les technos, c’est pas un sujet. La data est partout », évoque Ludovic Le Moan, CEO et co-fondateur de Sigfox.

Bien que la société capitalise sur une expertise technologique comme opérateur de réseaux pour IoT sous la houlette de son CTO Christophe Fourtet (et deuxième fondateur), elle préfère mettre en avant son positionnement de « fournisseur de data le plus compétitif du marché (production et extraction) ».

« Il faut valoriser la donnée. On s’est attelé à tout simplifier », explique le dirigeant. « On va essayer de tout connecter mais il faut que l’on ait un prix très très bas (de production de capteurs IoT de l’ordre du centime d’ici 2020) ».

On l’a compris : Sigfox parie sur un marché de volume mais les entreprises doivent adhérer à cette vision.

Les illustrations IoT dans le monde ne manquent pas : Hager et le tableau électrique connecté, Securitas Direct avec des dispositifs d’alarme connectés (1,3 million de dispositifs connectés au réseau Sigfox), RatSense avec la détection de rongeurs dans les aéroports et SeniorAdom pour la téléassistance (à l’occasion d’un voyage présidentiel, un contrat a été récemment signé dans ce sens en Chine pour un déploiement dans vingt grandes villes).

Sigfox s’appuie sur une couverture réseau de 45 pays (dont quatre complément couverts : Espagne, Allemagne, France et USA). Quinze autres sont visés sur l’année 2018, dont la Chine présentée comme « un major POC ».

La société revendique un millier de projets IoT pour le compte de 500 clients. Essentiellement pour des services de tracking (le transports de marchandises en conteneurs par exemple) et de sécurité.

Sur 2017, Sigfox recense 2,5 millions d’objets connectés sur son réseau (un volume en hausse de 65% par rapport à l’an passé).

Le marché français n’est pas le plus dynamique (« une centaine de millier d’objets connectés » pour un investissement réseau d’environ 5 millions d’euros). Les pays « hyper-dynamiques » se trouvent en Afrique du Sud, Singapour et en Finlande.

Sur l’ensemble des projets initiés, « le contrat Securitas pèse lourd » admet Ludovic Le Moan. Car « le hardware était prêt ». Pour 2018, « nous allons travailler avec des acteurs en pariant sur des productions en masse ».

Sur le front financier, Sigfox évoque « une croissance stable et solide » avec un chiffre d’affaires en hausse de 50% entre 2016 et 2017 (en passant de 32 à 50 millions d’euros). Le seuil de rentabilité sur un exercice complet serait atteint sur l’année 2019.

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De gauche à droite : Christophe Fourtet (co-fondateur et Directeur Scientifique), Raouti Chehih (Directeur de l’Adoption et de l’Evangélisation technologique) et Ludovic Le Moan (CEO)

Hacking House Project : favoriser l’adoption des services IoT

Pour persister dans cette dimension d’évangélisation, Sigfox a recruté Raouti Chehih, fondateur et DG du pôle Euratechnologies à Lille, au titre de Directeur de l’Adoption et de l’Evangélisation technologique. Il résume sa mission ainsi : « Favoriser l’adoption des solutions Sigfox de manière simple et efficace, sans se prendre la tête ».

Pour cela, il compte étoffer l’écosystème Sigfox au-delà des opérateurs et prestataires techniques. Des accords de programmes de coopération et de développement seront établis avec des universités, des grandes écoles, des incubateurs et des accélérateurs de start-up.

Des passerelles seront aussi établies avec des grands groupes à travers l’agence interne chez Sigfox pour accélérer l’adoption des technologies et des problématiques de cas à industrialiser.

Cette sensibilisation accrue aux problématiques de connectivités et usages IoT sera aussi poussée à travers le concept de Hacking House Project, un réseau mondial d’espaces de POC qui seront ouverts à tous pour étudier des projets ou monter des POC rapidement.

« En 99 jours, on apportera des réponses sur la faisabilité technique et le modèle économique », assure Raouti Chehih.

A mi-chemin entre une agence de consulting techno et une fablab, trois espaces du Hacking House Project seront inaugurés d’ici la fin de l’année entre les USA (San Francisco), l’Europe et l’Asie.

D’ici 2021, c’est une cinquantaine de relais similaires qui devraient pousser dans le monde sous la houlette directe de Sigfox ou de ses partenaires.

C’est suffisamment rare pour le souligner dans le cas d’une jeune société innovante comme Sigfox.

Sous la houlette d’une fondation supervisée par Marion Moreau (ex-FrenchWeb), plusieurs projets IoT de nature humanitaire ou scientifique ont été initiés dans le monde : la protection des espèces animales (des trackers GPS qui suivent les rhinocéros dans une réserve au Zimbabwe), la sécurité de chercheurs en exploration dans l’Antarctique ou les alertes de séismes au Mexique.

Des partenariats avec Eutelsat, 42 Silicon Valley et Xbrain ont été établis pour avancer sur les projets portés par la Fondation Sigfox.

(Crédits photos : NME/Philippe Guerrier)