Retour sur l’OPA sauvage d’Oracle… autres visions (complément)

Pas évident de trouver la motivation d’Oracle et de son médiatique patron Larry Ellison sur l’OPA sauvage lancée contre PeopleSoft ? Si nous avons privilégié en seconde analyse, passé la surprise du moment, la stratégie commerciale d’occupation du marché face à SAP, il nous faut aussi composer avec la psychologie du patron, habitué à l’emphase et aux coups parfois tordus.

Les dirigeants de PeopleSoft ont qualifié l’OPA de « diabolique« , mais Larry Ellison, qui n’en est pas à son coup d’essai en la matière, est habitué aux qualificatifs dithyrambiques. Ils y voient une man?uvre de sabotage pour faire échouer leur projet de rachat de J.D. Edwards ? C’est peut-être la stratégie de Larry Ellison, qui devait depuis quelques temps s’intéresser à l’éditeur, et aurait pu se faire couper l’herbe sous le pieds ! La presse américaine s’est faite l’écho de contacts établis entre Oracle et le directeur financier de J.D. Edwards, Rick Allen. Mais c’est aussi ans compter sur la SEC, qui pourrait opposer une barrière anti-trust à l’OPA ! D’autant que la tentative ne ferait pas l’unanimité au sein du conseil d’administration d’Oracle, lassé des frasques de son principal actionnaire. L’hypothèse SAP Derrière l’OPA se cache la volonté d’Oracle de faire face au leader des solutions de gestion, SAP, qui contrôle 54% de ce marché. La tentative de prise de contrôle de PeopleSoft est donc à resituer sur un marché qui reste encore instable, et que certains mouvements technologiques, comme l’émergence de Linux, peut encore modifier en profondeur. Il faut donc rechercher dans l’OPA d’Oracle une volonté de conforter sa position sur un domaine, les progiciels de gestion, sur lequel la firme n’a jamais réussi à vraiment s’affirmer, par opposition aux bases de données. Oracle dispose-t-il des moyens de réusir son OPA ? L’OPA s’annonce difficile. En réponse, le titre PeopleSoft a gagné plus de 20% à Wall Street, au cours de la séance de vendredi, ce qui a placé la valeur de l’action à plus de 18,50 dollars, nettement supérieure à l’offre d’Oracle, qui quant à lui a cédé du terrain. Quelle limite Larry Ellison a-t-il fixé à son opération ? Oracle serait-il prêt à porter son offre à plus de 20 euros l’action PeopleSoft ? C’est peu probable. Oracle affiche une santé financière qui peut lui permettre de réussir son opération, mais les actionnaires du groupe ne lui apporteront sans doute pas leur caution si elle tourne à la surenchère. Lors d’une conférence téléphonique, Larry Ellison aurait déclaré que son offre à 16 dollars constituait « un juste prix« . Par ailleurs, le bouillant patron d’Oracle s’est déclaré « très intéressé » par J.D. Edwards. Si l’OPA sur PeopleSoft tournait à la surenchère, Oracle pourrait se retourner vers J.D. Edwards, et ainsi mettre fin au projet de PeopleSoft tout en avalant un morceau peut-être plus à sa portée. En tous cas, en lançant son OPA, Oracle a modifié les cartes sur le projet de rachat de J.D. Edwards par PeopleSoft. Qu’en pensent Microsoft et IBM ? Les deux géants de l’informatique pourraient-ils devenir acteurs du drame qui se jouer sous nos yeux ? La tension qui a toujours régnée entre Bill Gates et Larry Ellison pourrait y trouver un écho. Microsoft est peu présent sur le marché des progiciels, mais s’y intéresse de très prêt, surtout depuis qu’il a orienté une partie de sa stratégie vers les PME. Et la firme de Bill Gates dispose d’un cash confortable estimé à 46 milliards de dollars. Cependant, une partie des productions de PeopleSoft, comme de J.D. Edwards est basée sur Linux ! Microsoft pourrait-il aller jusqu’à dénaturer sa stratégie, et jouer un double jeu ? Oui, sans doute, si c’est dans son intérêt. Du côté d’IBM, on n’a jamais caché son opposition à Oracle, un concurrent jugé très sérieux. Mais la firme ne souhaite pas changer sa politique, qui privilégie l’environnement, et laisse à ses partenaires le marché des applications professionnelles. Une politique partenariale de fourniture d’outils et de conseil aux développeurs et utilisateurs qu’IBM ne semble pas vouloir modifier. Oracle se trouve aujourd’hui dans une situation proche de celle de Microsoft. Les leaders présentent toujours une cible à contrer, et sont sensibles aux chutes de leurs parts de marché. Et sur le marché des progiciels de gestion, la position d’Oracle n’est pas celle d’un leader. Oracle qui éprouve donc le besoin de se renforcer. La phase de concentration du marché de l’informatique est en marche. Larry Ellison l’avait affirmé il y a quelques semaines, mais aux vues des événements de ces dernières heures, son discours prend aujourd’hui un éclairage inattendu.