Sacem : quels moyens pour poursuivre les pirates ?

Les récentes lois sur l’économie numérique et les droits d’auteurs changent la donne. La Sacem peut-elle encore poursuivre les pirates et les internautes qui téléchargent et partagent de la musique en ligne dans un total irrespect des droits d’auteurs ?

La Sacem (

Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique) a réuni la presse afin de présenter son rapport d’activité 2005 et d’évoquer les changements profonds induits par les nouveaux médias et leur internationalisation. L’occasion de rappeler aussi le rôle essentiel de cette organisation pour les auteurs et compositeurs. « Sans la Sacem, les artistes ne seraient pas rémunérés« , a rappelé Bernard Miyet, le directeur du directoire de cette vénérable institution créée en 1850. « Les modèles se sont effondrés sous l’impact du ‘peer-to-peer’. Nous attendons la validation de l’impact économique de ces nouvelles technologies. Nous avons perçu 700.000 euros en 2005 via les diffusions sur Internet, et nous n’en sommes qu’au début. En revanche, nous nous interrogeons sur nos moyens de contrôle et de reporting« . « Il appartient à chaque utilisateur (d’une ?uvre) de s’informer. Avec les plates-formes légales, notre relation est contractuelle. A elles de nous fournir les informations en automatisant leurs processus. » Certes, la Sacem a été très critiquée ces derniers mois, mais comme le souligne Bernard Miyet, « La Sacem est critiquée par les utilisateurs, pas par les sociétaires dont nous défendons les droits. Dans un monde de plus en plus concentré, le poids des sociétés d’auteurs se doit d’être plus important afin de représenter les intérêts de leurs membres. » Mais comment évolue la Sacem face à une actualité législative et parlementaire particulièrement riche, tant en France qu’en Europe ? La Sacem a adopté des positions très tranchées, la loi DADVSI a en partie répondu à ses attentes, mais est-ce suffisant ? « Le grand débat sur la licence globale est derrière nous. Mais nos intérêts sont différents de ceux des sociétés de gestion des droits. L’auteur compositeur n’a pas d’autres revenus et protection sociale que la Sacem, l’interprète bénéficie de droits différents. Le danger, c’est l’amalgame. » La recommandation européenne du 18 octobre 2005, en inventant une logique de concurrence au profit des sociétaires, a quelque peu renversé la donne au profit de ces derniers. « Les utilisateurs qui pensaient être les rois du monde doivent désormais négocier pour les droits. Leur objectif est le contrôle des répertoires. » Des sanctions aux contraventions Avec la loi DADVSI, les professionnels des médias vont disposer d’un nouvel arsenal juridique afin de poursuivre les contrevenants au droit d’auteur. Comment et avec quels moyens ? Thierry Desurmont, vice-président du directoire de la Sacem a répondu à notre question. La peur du gendarme est certainement le meilleur allié pour lutter contre les dérives du piratage et du téléchargement illégal. « A l’origine, le projet législatif visait à sanctionner un délit. Aujourd’hui, les particuliers qui téléchargent ne seront passibles que d’une contravention, de 38 euros pour le téléchargement à 150 euros pour la mise à disposition d’une ?uvre. La contravention sera-t-elle par fichier ou au cumul, nous attendons la décision de la commission paritaire pour le savoir. » « Nous comprenons la logique du législateur qui a choisi la contravention plutôt que le délit. Mais le problème, c’est que cet arsenal répressif n’est pas dissuasif. D’abord parce que la probabilité de se faire prendre est très réduite, mais surtout parce que si le décret privilégie l’amende globale et aux titres, la peine sera trop limitée. » « Le ministre de la Culture a proposé une contravention avec sanction aggravée pour les gros téléchargeurs, ceux qui téléchargent ou proposent de gros volumes d’?uvres. Nous espérons que sa proposition sera retenue. » La Sacem dispose-t-elle des moyens pour poursuivre les contrevenants ? « Le téléchargement illégal en ‘peer-to-peer’ concerne des gens qui n’ont pas la volonté de régler les droits. Nous devons repérer ces gens et définir la gravité de la contrefaçon. Pour cela, la technologie permet de faire beaucoup de choses« , nous confie Thierry Desurmont. Voilà bien ce qui représente un véritable problème pour la Sacem. Bien sûr, l’idéal serait de pouvoir repérer ce qui se pratique sur le Web? « La Sacem a participé au développement d’un système technologique pour repérer les comportements pirates et quantifier la volumétrie des téléchargements afin de constituer une preuve des agissements illicites avant de lancer une procédure judiciaire dosée selon le volume et la gravité. » « A ce niveau, le problème est venu de la CNIL (Commission Nationale Informatique et Liberté). Notre demande d’autorisation à essuyé un refus. Nous avons déposé un recours auprès du Conseil d’état. » « Aujourd’hui, en passant du délit à la contravention, on a réduit la peine. Du coup, on réduit les possibilités de rechercher et poursuivre un contrevenant pour de simples contraventions. On réduit d’autant les possibilités d’investigations » « Avec des contraventions, pour poursuivre, il faut faire appel aux forces de police ou de gendarmerie. Encore faut-il leur en donner les moyens. C’est une question de volonté politique et de crédits. » Pour résumer, l’arsenal juridique qui devrait permettre à la Sacem – et aux autres organisations de défense et de gestion des droits d’auteurs – de poursuivre les pirates du téléchargement existe et sera renforcé dès la publication du décret. Alors se poseront deux nouvelles problématiques : comment repérer les contrevenants en l’absence de l’autorisation d’exploiter un outil ou de la collaboration des fournisseurs d’accès ? Et surtout, les forces de police et de gendarmerie disposeront-elles de la volonté et des moyens pour poursuivre des contrevenants qui disposent d’une reconnaissance sociétale plutôt favorable ?