Salon IP 07 Grenoble : les acteurs des circuits intégrés face aux défis des performances

Les champions du design micro-électronique, et des blocs d’Intellectual Property (I.P.), confrontent méthodes de conception et exigences du marché

Concevoir un S.I.R.H. pour 10.000 employés n’est pas plus complexe que pour 5.000 employés. Mais concevoir un circuit intégré pour jeu électronique capable de traiter la haute définition est considéré par les professionnels du secteur comme 18 fois plus complexe que pour la définition standard.

C’est ce qu’a rappelé Gagan Gupta, directeur marketing d’ARC International, à la convention de Grenoble. Or le marché demande maintenant qu’un téléphone portable puisse aussi servir de console de jeu pour une partie de football en haute définition… sans que la batterie défaille au milieu de l’action! Ce type d’exigence est une des facettes du défi auquel ont à répondre les acteurs de la conception de circuits intégrés.

Réunis à Grenoble, les ténors du secteur ont pu confronter leurs expériences et leurs approches. Il est acquis par la profession que la réutilisation de modules de conception, les fameux « blocs d’IP » (Intellectual Property), est incontournable pour pouvoir s’adapter aux évolutions très rapides des demandes du marché. Ainsi Jack Browne, vice-président marketing de MIPS, a rapporté que le marché des loisirs domestiques (Home Entertainment) exige un gain de performances de 30% par an.

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Les réseaux domestiques (Home Networks), quant à eux, n’exigent « que » 15% par an, ce qui est déjà considérable, surtout quand on prend en compte deux autres contraintes, la complexité et l’énergie. La complexité croissante des circuits à concevoir est due à la prise en compte de fonctionnalités supplémentaires, toujours plus nombreuses et plus riches.

L’autre nécessité commande de rendre les circuits de plus en plus écologiques, en termes d’énergie consommée. Ainsi le logiciel (programmable IPs) est-il mis de plus en plus à contribution, au détriment du matériel (hardware design).

Le marché de la conception modulaire est dominé par de grands éditeurs tels que ARM, MIPS, SYNOPSYS, ou VIRAGE, et le nombre d’acteurs est 3 fois plus élevé qu’il y a 3 ans. Mais des concentrations et rachats s’enchaînent de façon continue, car la notion de taille critique devient pertinente comme pour d’autres secteurs d’activité. Le modèle économique du monde de la propriété intellectuelle repose sur les licences logicielles, que d’ailleurs on s’échange entre acteurs. Ron Colett, Président de Numetrics, a cependant rapporté au sommet de Grenoble les résultats d’une étude concernant plus de 1.000 projets de conception de circuits électroniques complexes, qui met en évidence à la fois les points positifs et les limites de l’utilisation des modules IP. Le bénéfice indiscutable de la réutilisation des blocs de conception concerne la possibilité de réduire le temps de mise à disposition sur le marché (cycle time) tout en faisant face à la complexité croissante des circuits.

Néanmoins, l’étude rapporte que 85% des projets « dérapent » et que la taille des équipes projet a augmenté de façon inquiétante avec l’utilisation de ces techniques modulaires. Chacun s’attend à un bénéfice immédiat dès que l’on utilise même partiellement des modules déjà développés, mais l’étude constate que ce bénéfice ne devient significatif que lorsque ces modules représentent la plus grande partie (voire la totalité) des fonctions à implémenter. L’effort résiduel devient alors seulement un effort d’intégration. Explication de ce manque de performance, avancée par Ron Colett : « La pression du marché concernant le temps de cycle et l’augmentation des fonctionnalités a été telle que la seule alternative était d’augmenter la taille des équipes de réalisation« .

L’industrie des logiciels de gestion, nettement plus ancienne et plus applicative, a connu des difficultés semblables dans son histoire, et a su s’en sortir, quitte à remettre en cause, par moments, ses méthodes…

Efficaces et peu coûteuses, les techniques de développement logiciel propres aux jeux vidéo ont permis quant à elles de révolutionner les applications «sérieuses » de simulation (à travers l’essor des Serious Games). Un échange d’expériences entre ces univers est inévitable, car « on embarque de plus en plus d’applications au niveau des circuits intégrés« , comme le rappelle Warren Savage, CEO d’IP-Extreme, une des sociétés les plus innovantes du secteur.

Les notions de Risk Management et de gestion de la productivité des projets font leur chemin dans cette industrie qui continue néanmoins d’afficher une vitalité insolente…

( A suivre : « Motorola de retour? »)