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SFR + Bouygues : les 4 conséquences d’une probable révolution dans les télécoms

Par voie de communiqué et par la voix de Numericable, Altice « rappelle » que son offre de rachat de SFR « est valide jusqu’au vendredi 14 mars ». La maison-mère du câblo-opérateur français, qui a déposé son dossier le 5 mars, estime que son offre « constitue le projet industriel le plus solide et le plus crédible pour le secteur des télécoms en France », notamment en matière d’emplois et d’investissements chez les deux acteurs et pour les sous-traitants de la filière. Une façon de mettre la pression sur Vivendi, la maison mère de SFR, pour accélérer sa prise de décision ? A moins que ce ne soit qu’une façon de sortir honorablement du dossier face à l’offre de Bouygues, l’autre prétendant, qui a reçu le soutien affiché d’Arnaud Montebourg ce week-end. Le ministre du Redressement productif privilégiant un retour du secteur à trois opérateurs mobiles plutôt qu’un maintien à quatre.

Dans l’hypothèse – de plus en plus probable – où Bouygues rachèterait SFR, le paysage des télécoms français en serait complètement recomposé. Voici les principales conséquences probables du plus important mouvement dans les télécoms françaises depuis l’arrivée de Free Mobile.

1) Une recomposition du secteur des télécoms

Le nouvel ensemble SFR-Bouygues Telecom comptera plus de 32 millions d’abonnés mobiles dépassant largement les 27 millions de clients mobiles Orange en France (et, qui plus est, les 8 millions de Free). Et affichera un chiffre d’affaires proche de 15 milliards d’euros (contre plus de 20 milliards pour Orange France et 3,7 milliards pour Iliad/Free). Un nouvel ensemble qui pourrait faire un sérieux contre-poids sur le marché des services aux entreprises aujourd’hui majoritairement détenu par Orange Business Services.

Du coup, Free se retrouverait de nouveau dans la position du petit opérateur face à deux géants. Une situation qui n’effraie pas le patron d’Iliad. « L’offre de Bouygues est bonne pour la concurrence, bonne pour le marché, bonne pour la France », a déclaré Xavier Niel, selon des propos rapportés par Le Figaro en marge de la conférence de présentation des résultats. Tout en ajoutant que, face aux « deux monstres des télécoms », il positionne Free comme le « meilleur animateur pour la concurrence » et affiche clairement son ambition de « devenir plus gros qu’eux ». Et d’enfoncer, au passage, Numericable : « Si c’est Altice qui rachète SFR, il n’y aura plus que deux investisseurs dans la fibre optique en France, Orange et nous. Ce sera un monde parfait pour Iliad mais exécrable pour le consommateur et pour la France. » Bref, le choix du patron d’Iliad semble fait… d’autant plus facilement que le choix de Bouygues par Vivendi lui permettrait de récupérer le réseau mobile et les fréquences du premier opérateur mobile sur la 4G.

2) Une nouvelle dimension pour Free

En cas d’acquisition de SFR par Bouygues, Free récupérera donc le réseau mobile de Bouygues Telecom. Les deux parties sont en effet entrées officiellement en négociations pour le « rachat d’un portefeuille de fréquences 2G/3G/4G et du réseau de téléphonie mobile » pour un montant maximal de 1,8 milliard d’euros. Toutes les fréquences ne seront donc probablement pas concernées. Se posera notamment la question de la bande des 1800 MHz initialement affectée à la 2G et désormais exploitée pour la 4G, bande qui a permis à Bouygues Telecom d’allumer le plus vaste réseau LTE de France (avec plus de 63% de la population couverte et, au 1er mars, plus de 6000 sites LTE en service selon les derniers chiffres de l’ANFR). Il n’est vraiment pas certain que Bouygues cède ce trésor de guerre à son futur concurrent. Néanmoins, ce réseau national permettra à Free de tenir, et même dépasser, ses engagements de couverture 3G. Des engagements qui atteignent 75% de la population début 2015.

Dans l’hypothèse où Free récupère le réseau de son concurrent, l’accord d’itinérance entre Orange et Free, signé en mars 2011, restera-t-il pertinent ? Selon les estimations, Free aurait versé 720 millions d’euros en 2013 à son partenaire pour profiter de son réseau mobile 3G. Et l’on parle de 800 millions pour 2014. Une dépense que l’entreprise de Xavier Niel a tout intérêt à réduire au plus vite en anticipant la fin du contrat qui court jusqu’en 2018.

Néanmoins, l’acquisition d’un réseau national ne devrait pas avoir d’impact sur l’accord en 2014, et à peine en 2015. L’acquisition d’un opérateur par un autre et le transfert d’un réseau à un troisième nécessitant d’incompressibles longs mois de tractations (à commencer par la validation de l’opération par l’Autorité de la concurrence). Lors de la présentation des résultats lundi matin, Thomas Reynaud, le directeur financier d’Iliad, a précisé que « la migration des abonnés vers le réseau de Bouygues commencera début 2015 et durera 18 mois pour s’achever fin juillet 2016 », selon des propos rapportés par La Tribune. La question de l’avenir des sites mutualisés entre SFR et Bouygues Telecom dans le cadre de l’accord récemment signé se posera également.

3) Pas de destruction d’emploi… vraiment ?

Se pose néanmoins la question des emplois, chère au gouvernement (et aux salariés des deux entreprises en premier lieu). Martin Bouygues a laissé entendre qu’il n’y aurait pas de « départs contraints ». Dans une tribune parue dans Le Monde, le PDG du groupe propose de « dynamiser l’emploi, en relocalisant en France des centres d’appels et en développant les réseaux commerciaux et la relation client ». Cela restera à vérifier en regard des doublons qui apparaîtront inévitablement entre les équipes des deux entreprises. Ainsi, en cas de revente de son réseau à Free, Bouygues entend conserver les 1 200 agents qui y sont actuellement affectés. Que deviennent ceux de SFR pour gérer une infrastructure qui ne connaîtra pas d’autres évolutions que l’extension naturelle de la couverture 4G ?

Dans un communiqué, le syndicat FO Com note que « les annonces de rachats, fusions, découpages en tous genres ne peuvent qu’inquiéter les salariés du secteur qui ont déjà payé un lourd tribut avec 40 000 emplois détruits depuis l’arrivée du 4ème opérateur mobile ». De son côté, l’Unsa télécoms se dit « très dubitative », rapporte l’AFP. Bref, sauf si le gouvernement impose ses conditions, rien ne semble garantir le maintien des emplois à l’issu de l’opération.

4) Quel avenir pour Numericable ?

Rien n’est certes encore joué et il faudra attendre la fin de la semaine pour confirmer, ou non, la sortie de Numericable. Ce qui posera inévitablement la question de son avenir. Plusieurs options se présentent. « S’il veut entrer sur le marché du quadruple play, il devra avoir un accord de MVNO », commente Gyanee Dewnarain, analyste télécoms au cabinet d’études Gartner. C’est certes déjà le cas avec Bouygues Telecom, mais ses forfaits mobiles semblent avant tout servir de levier à ses offres câble. Il devra donc développer son offre mobile pour s’inscrire comme un quatrième acteur crédible sur le secteur.

Le câblo pourra également tirer parti de son réseau optique national dans le service de transport des données (backhaul). « La fibre optique résidentielle permet de décharger les réseaux mobiles dont auront besoin les opérateurs pour maintenir la qualité de leurs services face à la demande croissante de bande passante », ajoute l’analyste. Autrement dit, Numericable pourra tenter de s’inscrire comme un partenaire incontournable pour les opérateurs mobiles historiques. Les liens actuels entre Bouygues Telecom (qui exploite en marque blanche le réseau câblé pour ses offres très haut débit) pourraient faciliter la tâche de l’entreprise détenue par Altice. Enfin, Numericable pourrait également attirer l’intérêt d’un acteur étranger qui souhaiterait s’introduire sur le marché français, notamment sur les services de l’IPTV.

Le marché a en tout cas sanctionné la stratégie de Patrick Drahi, patron d’Altice. Sa filiale Numericable continuait de reculer de plus de 2,8% ce mardi matin après avoir perdu près de 13% de sa valeur hier en Bourse. Dans le même temps, Iliad et Bouygues ont vu leurs titres progresser de plus de 11% et 8% respectivement. Dans la matinée, l’action de la maison mère de Free perdait 1,62% tandis que celle de Bouygues continuait à progresser (+0,99%).

crédit photo © Patrick Tourneboeuf


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