Numericable a fait un « reset » de SFR, dénoncent les syndicats

Après une journée de mobilisation, les syndicats de SFR sont revenus sur le malaise des salariés de l’opérateur face aux méthodes de management de Numericable. Ils en appellent au gouvernement pour faire pression sur la direction du groupe.

« Aujourd’hui, l’entreprise est à l’arrêt et les salariés sont empêchés de travailler », résume Olivier Lelong, délégué syndical central de la CFDT chez SFR au lendemain d’une grève chez l’opérateur à l’initiative de 3 syndicats (CGT, CFDT et Unsa) qui a mobilisé environ 20% des effectifs, soit 1700 personnes selon les organisateurs (seulement 400 selon la direction). La principale raison de cette grève est « le ras le bol des salariés face aux méthodes de la direction de Numericable », poursuit le responsable.

Il est vrai que ces méthodes ont touché tout le monde. « Ils ont fait un « reset » de l’entreprise en créant des ondes de choc dans tous les secteurs », souligne Thierry Serna, membre du syndicat central Unsa Telecom. Sur la partie entreprise, les activités de SFR Business Team ont été transférées à Completel, mais à niveau égal les salariés n’ont pas la même rémunération, ni la même classification. La mutuelle a ainsi augmenté de 900 euros pour les salariés de SFR. « Ils veulent une entreprise unifiée, mais avec des entités juridiquement différentes », constate Olivier Lelong. Pour les commerciaux, les missions sont réaffectées (passer de la vente directe à l’indirecte), certaines commissions sont rabotées de 50%, etc. Des méthodes qui ont pour effet de mettre sous tension les différentes branches de l’entreprise. Interrogés sur une recrudescence des arrêts maladies souvent révélateurs du malaise social, les syndicats avouent ne pas disposer de chiffres mais indiquent que la médecine du travail enquête.

Craintes sur l’emploi

Depuis novembre dernier, le solde net de personnes qui ont disparu de l’entreprise est de 250. Lors du rachat, Numericable a signé un accord qui garantit l’emploi pendant 36 mois. Mais les craintes se font déjà sentir. « On pousse les gens à partir au travers de ruptures conventionnelles et même on voit poindre des licenciements pour absence de résultats (objectifs commerciaux inatteignables, changement de périmètre de mission, etc.) », constate Thierry Serna.  Le sort des centres d’appels qui vivent principalement de contrats avec SFR (Sitel, Teleperfomance, etc.) inquiète.

Le rachat de Portugal Telecom par Altice prévoit la délocalisation des centres d’appel de France, Maroc et Italie au Portugal avec la création de 4000 postes. La notion de mobilité entre les différentes structures du groupe sonne également mal aux oreilles des syndicalistes qui ont encore le souvenir des épisodes de mobilité forcée au sein de France Télécom.

30% des activations fibres non valides

Les décisions prises par la direction d’arrêter de payer les prestataires et les sous-traitants (comme nous l’indiquions dans une enquête en février dernier) ont désorganisées l’activité. Sur la partie Système d’Information, cela pose des problèmes qui impactent le business. « On a des outils qui fonctionnent mal. Aujourd’hui, 30% des activations de la fibre ne se font pas dès le 1er rendez-vous chez l’abonné, car des informations erronées circulent entre les différentes entités de SFR et Numericable en charge de l’activation. Les équipes sont sous l’eau et les seconds rendez-vous peuvent prendre jusqu’à 1 mois », évoque Damien Bornerand, délégué syndical central CGT.

Sur le mobile, la situation n’est pas meilleure, « les bailleurs qui n’ont pas été payés pour la location de leur toit où des antennes relais sont installées ont bloqué les accès pour assurer la maintenance et il y a des risques de non reconduction du contrat. Les points hauts, c’est un élément stratégique pour un opérateur mobile », regrette Olivier Lelong. La stratégie mobile de Numéricable qui a vu lors des derniers résultats la perte de plus de 400 000 abonnés est soumise à critique. « Augmenter les forfaits de 2 euros en ne proposant pas de services supplémentaires. Nous sommes devenus le réservoir de clients pour nos concurrents », entonnent les syndicalistes. Les ultra-marins ne sont pas mieux lotis avec un directeur en arrêt maladie depuis 2 mois et demi chez SRR (filiale de SFR à la Réunion) et des tensions à Mayotte.

Appel au gouvernement pour faire pression

Les récriminations sont donc nombreuses. Les syndicats ont demandé à rencontrer rapidement la direction pour discuter des différents points de tensions et d’inquiétudes. La direction a renvoyé cette discussion à la semaine prochaine où une réunion était déjà prévue. Il n’y a pas de nouvelles mobilisations prévues, mais les syndicats n’ont pas écarté cette hypothèse.

Les syndicats appellent aujourd’hui le gouvernement à prendre position. « M. Macron a demandé et obtenu que Numericable reste à la Fédération Française des Télécoms. Il a des moyens de faire pression comme notamment sur la vente des licences 700 MHz », estime Olivier Lelong. Les syndicats suivent attentivement et avec quelques grincements de dents l’actualité d’Altice (maison-mère de Numericable) qui vient d’annoncer son intention d’acquérir l’opérateur Suddenlink aux Etats-Unis. Une opération qui vient alourdir la dette d’Altice. Pour conclure, les représentants du personnel assisteront demain à un CCE (Comité Central d’entreprise) de SFR où Eric Denoyer, le PDG de Numericable-SFR, doit intervenir sur un thème intitulé : « L’humain au cœur de l’entreprise »…

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