Silicon Valley (2): la bataille du 'datacenter 10 gigas' virtualisé fait rage

Entre San Francisco et San Jose, autour d’Arista, Blade Network (BNT), Coraid se joue la bataille des futurs datacenters « convergés » à 10 gigabits/sec. Un thriller?

Parmi les points forts que l’on redécouvre ici dans la Silicon Valley, c’est que tout le monde se connaît. Même si tous disent en être, ils n’ont pas attendu FaceBook [qui a décliné notre viste au dernier moment!] pour se mettre en réseau social et très capital…

Une anecdote au passage. Lors d’une pause (quelques-unes des start-ups visitées ont poussé l’élégance -calculée?- de dégustations de grands crus français!), un collègue correspondant de presse est arrivé accompagné d’un « ami ». Tollé général chez nos amphitryons: « l’ami » du journaliste est reconnu à l’instant ici à Santa Clara , où comme ailleurs ici, les portes sont généralement ouvertes. Il sera immédiatement éconduit. Tout le monde savait ici qu’il était dirigeant d’une obscure société traînant moultes casseroles et autres affaires malhonnêtes. Tel un espion, il est expulsé, séance tenante !…

Nos visites -chez Arista, Blade Network, Coraid, Fusion IO, Nexenta… ciblent un enjeu qui soulèvent passion et millions de dollars ici. Celui des futurs datacenters « convergés » et « virtualisés » qui doivent unifier serveurs informatiques, réseaux de données et unités de stockage -le tout grâce au standard montant du très haut débit -le 10 Gigabits Ethernet. Un compétiteur géant -et un seul – fait toujours référence parmi ces starts-ups (plus ou moins jeunes pousses, du reste): Cisco, bien évidemment. Or, leur chiffre d’affaires, jamais « public » (« we are a private company« …) fait quelques pourcents du géant des réseaux. Mais ici, nul n’a trop d’ambitions -puisqu’il a le financement et une vision « globale » du marché!

Blade Network Technologies (ou BNT) n’est précisément plus vraiment une start-up. Pour comprendre sa philosophie et sa stratégie, il faut en retracer l’histoire. Elle commence chez Nortel, lorsque le géant canadien, au délà des mobiles, investit en 2000 dans une start-up, Alteon, créée quatre ans plus tôt autour d’une expertise en ‘load balancing’ (équilibrage de charge). En 2002, intervient IBM qui pose une sorte de défi à la communauté des développeurs: est-il possible de faire tenir un ‘load balancer’ complet (couches 2 à 7) dans l’encombrement d’un module mini-rack? La nouvelle équipe Alteon-Nortel relève le challenge et, avec l’aide d’experts (comme Dan Tuchler, ancien pilier de Proteon) obtient pour ce marché d’IBM, de créer une BU (business unit), baptisée Blade Server Switch. Le premier produit verra le jour dès 2003.

Puis, en 2006, parallèlement aux aléas de Nortel Networks (qui aura été progressivement démantelé), la BU est devenue une société à part entière, alliée d’IBM bien sûr, mais également de Juniper -donc un parfait positionnement comme « seconde source » et challenger de… Cisco.

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Blade Network, financé par Garnett & Helfrich Capital, compte 170 personnes seulement, et est dirigé par un CEO énergique – « indien d’Inde » (de souche; expression discutable, mais signifiant d’Inde par opposition aux indiens d’Amérique, donc « a true citizen« , vrai américain », comme il se doit souvent ici dans la Silicon Valley). Son nom: Vikram Mehta. Son arme de guerre aujourd’hui: un commutateur, le RackSwitch G8124, « le premier qui rompt la barrière des 500 dollars par port Ethernet 10 gigas« .

Et sa technologie de bientôt 40 (et même 100 Gigabits-Ethernet demain..) lui permet de renforcer son offre « VMready, un réseau assurant la convergence du ‘datacenter’ constitué de centaines de machines virtuelles, d’un réseau système à très haut débit gérant des milliers de ports, et connectant vers des unités de stockage, sur le site local ou vers des sites distants pour la continuité de service…

Blade Networks, fort de ‘benchmarks‘ signés Tolly group et de plusieurs « awards », n’hésite pas à afficher ses performances face à Cisco, et à des start-ups fort ambitieuses comme Arista – ou encore face à Dell pour sa faible consommation d’énergie. La société a pour client témoin le centre hospitalier d’Avignon (cf. notre reportage SiliconDSI).

Arista, le « meilleur »?…

A quelques kilomètres de là, Arista nous a également ouvert ses portes quelques heures auparavant. Le patron ici est une femme, Jayshree Ullal (également de souche indienne/hindoue), president & CEO, ex – co-fondatrice de feu Crescendo, champion des switchs dans les années 90, racheté par… Cisco -où elle néanmoins restée 15 ans.

Arista, explique-t-elle avec un débit soutenu, signifie en grec le meilleur. Cette start-up a été créée en octobre 2008 et compte déjà une centaine d’employés. Sa cible: le ‘cloud networking‘, les nouveaux environnements HPC (High performance computing) et le 10 GigabitsEthernet au sein des datacenters virtualisés, bien sûr.

Après 4 ans de mise en route (y compris un changement de nom) et de développement, Arista a tout misé, là encore, sur un système d’exploitation‘EOS’ (Extensive OS) au même titre que Cisco (IOS et Nexus OS) ou Juniper (Junos).

Elle revendique déjà 340 clients à travers le monde, des « awards » là aussi dans la presse spécialisée ou les labos.

« Notre force c’est un ‘full software switch’, sous Linux, supportant tous types d’instances virtuelles« , explique-t-elle avec fougue, secondée par un vice-président, lui aussi de souche indienne/hindoue, Anshul Sadana.

Leur botte secrète? C’est, entre autres, une architecture autour d’une database système qui concentre toutes les « variables » utilisées pour le fonctionnement des switches: en vrac, cette base recense automatiquement (comme le ferait un compilateur, sans saisie manuelle pour éviter toute erreur) les commandes CLI, les données des protocoles SNMP, OSPF, STP, LAG, LED – le tout avec des « embeded services » de supervision management: VPX.

« Notre noyau Linux est très protégé« , affirment les deux dirigeants. Et leurs ambitions sont impressionnantes face à Cisco, BNT, HP Procurve..

( A suivre )