SIRHEN : l’Education Nationale se lance dans l’opération sauvetage

Le ministère de l’Education Nationale se lance dans l’opération sauvetage de SIRHEN, son projet de SIRH qui accumule les surcoûts. Objectif : convaincre que la refondation du projet qu’il a lancée est la moins mauvaise des options encore disponibles.

Des difficultés sous-estimées au départ, mais un projet sous contrôle. C’est en somme le message, très politique, que Frédéric Guin, le secrétaire général du ministère de l’Education Nationale, et Matthieu Jeandron, le directeur du numérique, sont venus délivrer dans les colonnes d’Acteurs Publics. Objectif : sauver le soldat SIRHEN, le projet de système d’information des ressources humaines de l’Éducation nationale dont les dérives alarment jusqu’à la représentation nationale. Rappelons que les premières estimations prévoyaient que le projet coûterait 80 millions d’euros et allait se conclure en 2014. Or, on parle aujourd’hui d’une dépense de 321 millions qui commence à faire désordre alors que l’Etat affiche sa volonté de réduire ses dépenses IT et de maîtriser les dérives des grands projets, après les échecs de l’ONP et de Louvois.

Même si, comme le rappelle Matthieu Jeandron, le contexte est ici tout différent. Et paradoxal. Car, les systèmes en place seraient à la fois fonctionnellement performants – débouchant sur un ratio d’automatisation élevée, donc sur une bonne productivité de la gestion des RH au sein du ministère – et techniquement obsolètes. « Malgré l’abandon du projet ONP, nos SIRH restent un obstacle à d’autres développements, comme l’espace numérique sécurisé de l’agent public », assure Matthieu Jeandron.

Cahier des charges incomplet

D’où la volonté affichée du ministère de poursuivre le projet, sur une trajectoire repensée. En privilégiant une transition plus douce entre systèmes existants et SIRHEN. « L’architecture de SIRHEN n’a pas été conçue pour qu’elle puisse facilement récupérer les données des SIRH, ce qui rend très difficile la migration entre les systèmes, exigeant un temps de préparation important et un nombre considérable de tests à effectuer », explique Matthieu Jeandron, qui promet l’arrivée de « modules à cheval entre les deux systèmes pour pouvoir opérer une bascule progressive ».

Et le directeur du numérique d’ajouter : « Nous allons également revoir notre cahier des charges, qui n’englobe pas l’ensemble des fonctionnalités réellement couvertes par le système actuel ». Autrement dit, les fonctions attendues par les équipes RH, notamment pour la gestion des enseignants (le gros morceau avec 855 000 personnes) et la préparation de rentrée, ne sont pas toutes couvertes aujourd’hui. D’où la volonté de l’Éducation Nationale de reproduire dans SIRHEN les fonctions aujourd’hui présentes dans les outils en place.

Pour montrer sa confiance dans les actuels développements, l’Éducation Nationale a par ailleurs décidé de poursuivre les déploiements en intégrant les 16 000 personnels de direction d’ici la fin du mois de janvier 2016, comme l’indique Frédéric Guin.

Une trajectoire qui reste hypothétique

Reste que le plan de refondation de SIRHEN est, à ce jour, tout sauf validé. Dans un document issu du comité de pilotage stratégique du projet, que nous sommes procuré, le ministère prévoit une validation formelle de la nouvelle trajectoire en juin 2016. La ministre, Najat Vallaud-Belkacem (en photo), se prononcera donc directement sur la poursuite ou non du projet. Tout comme la Dinsic, la nouvelle direction interministérielle du numérique qui héberge en son sein la DSI de l’Etat. Depuis un arrêté de novembre 2014, cette direction doit donner son go formel à tout projet ministériel dépassant les 9 millions d’euros. Or, la Dinsic est désormais dirigée par Henri Verdier, auparavant directeur d’Etalab et administrateur général des données. Un chantre des démarches agiles et des projets menés en mode start-up. Or, comme l’explique Frédéric Guin, SIRHEN, même placé sur sa nouvelle trajectoire, ne devrait être achevé que d’ici sept ou huit ans. On est très très loin d’un sprint agile…

Dans les colonnes d’Acteurs Publics, Matthieu Jeandron a d’ailleurs tenté de déminer ce qui apparaît comme une potentielle pomme de discorde entre l’équipe en charge du projet et la Dinsic : « Dans un ministère qui emploie près de la moitié des fonctionnaires d’État en France, il est difficile de fonctionner par microprojets. On ne commence pas une autoroute en faisant un chemin de terre. Nous allons certes essayer de desserrer certaines contraintes qui pèsent sur la conduite du programme pour en faire un projet moins monolithique, avec des développements plus agiles, mais il faut avoir conscience que nous évoluons dans un contexte où la conformité réglementaire doit être extrêmement rigoureuse et qu’il s’agit de régler la paye et la gestion collective d’un million de personnes. Ce qui n’est pas forcément compatible avec des développements réalisés sur le mode de la ‘start-up d’État’. »

Lire notre enquête sur SIRHEN :

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