La SNCF prend le train de l’IoT… à grande vitesse

La SNCF dévoile un plan ambitieux de déploiement de l’Internet des objets (IoT), dans ses trains, sur son réseau et dans ses gares. 300 millions d’euros seront consacrés au sujet.

Un peu plus d’un an après le lancement de son programme de transformation numérique, la SNCF avance ses pions, avec un programme ambitieux de déploiement de l’Internet des objets, annoncé ce matin depuis le campus de l’entreprise à Saint-Denis (regroupant 8 500 personnes). Au total, 300 millions d’euros sur 3 ans seront consacrés à ce que la SNCF appelle l’Internet industriel, parmi les 600 millions que la compagnie nationale dédie à son plan de transformation numérique.

Pour Guillaume Pépy, le président de la SNCF, l’objectif est double : « l’Internet industriel va améliorer le service client, en réduisant les pannes, les délais, les retards et les incidents de toute nature, tout en améliorant la compétitivité du train par rapport aux autres modes, car il réduit les coûts de maintenance du matériel et des voies de façon très importante. On parle d’économies de 10, 20 voire 30 % ». Pour ce faire, la SNCF s’est associé à Sigfox, opérateur d’un réseau pour l’IoT, à Ericsson, autour de technologies de type 2G et 4G/LTE Narrow Band, et à IBM, pour son Paas Bluemix. La start-up Intesens figure également parmi les partenaires de l’opération, cette dernière fournira de nouveaux types de capteurs, permettant par exemple de mesurer la température des rails. Ludovic Le Moan, le patron de Sigfox, imagine le déploiement de ce type de capteurs sur les voies, tous les kilomètres : « on pourra connaitre exactement la température des rails et ainsi adapter la vitesse du train. La température des rails représente un octet sur un réseau Internet à bas débit. La production de cette information ne coûte pas cher et consomme peu d’énergie ».

SNCF IoTL’IoT pour tous les métiers de la SNCF

Les noms des prestataires retenus illustrent bien les besoins de la SNCF, en termes de captation, de transmission, de stockage et de traitement de la donnée. Pour Yves Tyrode, le directeur du digital de la compagnie ferroviaire (en photo en haut de page), le programme a besoin de capteurs moins gourmands en énergie, de réseaux télécoms dédiés, proposant des débits limités mais à très faible coût et offrant une couverture globale du territoire, et du Cloud pour stocker les données. « Sur ce socle, avec des applications de Big Data, nous avons la capacité d’analyser toutes ces données, en particulier grâce aux capacités de traitements distribués du Cloud. Ces données vont ensuite être réinjectées dans les processus de maintenance et de supervision, pour améliorer l’efficacité et la qualité de service », explique le dirigeant. Selon ce dernier, le plan IoT s’étend donc à tous les métiers de la SNCF, et va du matériel roulant, à l’ensemble du réseau ferroviaire en passant par les bâtiments, en particulier les gares.

Côté matériel roulant, Xavier Ouin, le directeur général du matériel de la SNCF, met en avant tant la maintenance prédictive que la modernisation des technicentres, les centres de maintenance maison. « Avec la maintenance prédictive, ce qu’on cherche à faire, c’est à délivrer la maintenance juste nécessaire – ni trop, ni trop peu – avant que la panne n’arrive. Ce chantier est clairement associé à un objectif économique », explique-t-il. Les projets de trains connectés s’inscrivent dans cette optique, avec la volonté de suivre en temps réel l’état de santé d’un train afin de mettre en évidence des indicateurs précurseurs de pannes. « Potentiellement, tous les composants d’un train et tous les trains sont concernés », dit Xavier Ouin.

bombardier transilien
Une rame Bombardier du réseau Transilien.

Les trains nativement numériques… et les autres

Aujourd’hui, 184 rames du réseau Transilien, chacune équipées de 2 000 capteurs, servent d’avant-garde à ce programme de trains communicants. « Grâce à ces données, nos ingénieurs sont capables de superviser l’état technique des trains pour mieux prévoir et traiter les pannes », précise Cyril Verdun, le responsable du pôle ingénierie matériel de Saint-Pierre des Corps, chargé du télédiagnostic. Si cette ambition vaut pour les nouveaux équipements, comme les rames Bombardier du réseau Transilien qui émettent chacune 70 000 données par mois (atterrissant dans un datalake Hadoop), la SNCF ambitionne aussi d’équiper de capteurs des trains plus anciens. Par exemple, l’état de 2 300 rames est déjà surveillé à distance sur deux paramètres : les climatisations et le fonctionnement des portes voyageurs. « Notre ambition consiste à monter à 60 % du parc sous 2 ans et même à 75 % d’ici 2020 », assure Xavier Ouin.

En parallèle, la SNCF prévoit d’équiper ses technicentres de capteurs (sur les bâtiments et les outils), mais aussi d’y avoir recours à des assistants robotiques et à l’impression 3D. Un programme sur lequel la SNCF va investir 20 millions d’euros en technologies et 80 millions supplémentaires pour deux nouvelles usines de maintenance, appelées à supplanter deux centres d’ancienne génération (au total, la SNCF compte 10 technicentres dans l’Hexagone). « Toutes ces technologies et la rénovation de deux technicentres devrait permettre de nous faire gagner 10 points de productivité sur les 5 années à venir », pense Sébastien Laurent, directeur du technicentre d’Oullins (en banlieue de Lyon), un des deux centres appelés à déménager dans de nouveaux locaux.

Surveiller 50 000 km de voies

maintenance matériel SNCFEn parallèle, la SNCF équipe les techniciens de ces métiers de tablettes, afin de dématérialiser la documentation sur le matériel (aujourd’hui sur papier et très volumineuse) et assurer un meilleur suivi des opérations réalisées. 700 tablettes sont actuellement déployées ; l’entreprise prévoit de porter ce total à 8 000 d’ici à la fin 2016.

Pour la société nationale de chemins de fer, l’autre enjeu majeur réside dans la surveillance de son réseau, soit 50 000 km de voies dont l’entretien revient à environ 300 millions d’euros par an à l’entreprise. « L’Internet des objets est le premier levier de productivité et de relance technologique du réseau, assure Claude Solard, directeur général délégué de SNCF Réseau. Et contribue à la modernisation d’un réseau qui en a bien besoin ». Selon lui, l’enjeu est triple : renforcer la sécurité, un objectif central après la catastrophe de Brétigny-sur-Orge, tout en améliorant la performance économique et en intégrant de nouveaux modes de travail. Mais équiper de capteurs l’ensemble d’un réseau comptant plus de 5 millions de composants s’annonce pharaonique. « Notre réseau n’est que partiellement équipé, principalement sur la partie signalisation et les télécommunications. On peut estimer que 30 % du réseau est couvert. Nous continuons à déployer cette télésurveillance sur les aiguillages, les moteurs d’aiguillage, les passages à niveau, dit Olivier Bancel, directeur de la maintenance de SNCF Réseau. Mais, avec l’IoT, nous avons l’opportunité d’aller plus vite, de le faire à moindre coût et d’aller chercher des informations que nous n’avions pas auparavant. » Bref de doter de capteurs des équipements sans attendre leur remplacement.

Les pantographes filmés

C’est par exemple le cas des centres techniques, au nombre de 40 000 tout le long du réseau. A partir de 2017, ils seront progressivement dotés d’un capteur mesurant les fuites de courant. Idem avec la surveillance des pantographes, via des caméras connectées placées sur des portiques ou des ponts et observant le passage des trains. « Couplées à ces caméras, nous utilisons un système expert qui a appris à reconnaître un certain nombre de défauts des pantographes. L’objectif est d’éviter un incident grave, la rupture de caténaire provoquée par ces anomalies. Nous allons commencer à déployer cette technologie en Ile-de-France et sur la région lyonnaise », ajoute Olivier Bancel. Pour SNCF Réseau, l’équipement en technologies de ses infrastructures représente un investissement de 100 millions par an sur 5 ans, « la moitié en logiciels et services, la moitié en équipements », dit Claude Solard.

Ce programme comprend aussi l’installation de nouveaux types de signalisations, par exemple de matériels permettant de faire passer la cadence des trains roulant sur les lignes TGV de 12 à 16 par heure. Pour le directeur général délégué de SNCF Réseau, toutes les difficultés ne sont pas encore aplanies avant la généralisation de l’IoT : « il reste encore un peu de travail. Un capteur doit nous revenir à un ou deux euros par an, communications comprises. »

Enfin, signalons que la SNCF prévoit d’installer des capteurs dans ses gares afin de vérifier le bon fonctionnement de certains équipements, comme les ascenseurs, portiques de validation ou automates d’achat de titres de transport.

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