Steven Shaw (Kineto) : « Les opérateurs mobiles perdent du terrain sur la voix »

L’éditeur américain Kineto propose une solution de VoIP pour smartphone Android afin de permettre aux opérateurs de conserver le contrôle de leurs clients.

« Vous vous souvenez d’Unik par Orange ? C’était nous ! », nous lance Steven Shaw (notre photo), vice-président marketing de Kineto Wireless rencontré dans le cadre du Mobile World Congress de Barcelone (MWC 2012). Inauguré en 2006, le service de convergence fixe-mobile d’Orange permettait de téléphoner en Wifi depuis son mobile à proximité de sa Livebox et de passer, sans interruption de communication, sur le réseau GSM de l’opérateur. Une offre qui avait séduit plus de 800 000 personnes, mais qui n’avait pas convaincu le reste du marché, concurrents et utilisateurs.

Du coup, Kineto qui comptait sur Unik pour déployer durablement ses solutions de Voix sur IP (VoIP) sur le marché français, a dû revoir ses ambitions. Ce qui n’a pas empêché cette PME américaine d’une centaine de personnes (dont 50 externalisées en Inde pour l’intégration) de vendre ses services à SignalBoost au Royaume-Uni ou T-Mobile aux États-Unis, notamment.

Tirer parti des infrastructures mobiles avec la VoIP

« Notre vision est d’utiliser Internet et les technologies Wifi pour améliorer le réseau mobile, tant pour les entreprises que le grand public », résume Steven Shaw. Fort de cette vision, l’éditeur propose deux solutions : Smart Wifi et Smart VoIP. Le premier « est une sorte de femtocell, explique notre interlocuteur, cela élargit la couverture d’appel, et l’utilisateur final conserve le même téléphone et le même numéro ». Un marché qui peine à prendre en France malgré l’initiative de SFR de fournir désormais gratuitement ses « femto ».

Smart VoIP devrait en revanche intéresser plus d’un opérateur. La solution de voix sur IP entend permettre aux opérateurs de tirer parti de leurs infrastructures, mobiles et fixes, pour proposer un service voix OTT (over the top), autrement dit sans passer par un fournisseur ou service intermédiaire. « Les opérateurs mobiles réalisent qu’ils perdent du terrain sur la voix [et] ils voient assez de trafic Wifi leur échapper pour vouloir y participer », analyse Steven Shaw qui reconnaît que Smart VoIP se rapproche de Skype, notamment à travers la fourniture d’un deuxième numéro téléphone.

Économiser la batterie

La solution de Kineto autorise donc l’usage du même réseau mobile tout en assurant le contrôle de l’utilisateur par l’opérateur. De plus, l’activation du Wifi pour la voix coupe automatiquement le signal GSM et data « ce qui améliore l’ergonomie de la batterie ». La personnalisation de l’interface et du dialer permet de présenter le service aux couleurs de l’opérateur qui peut ainsi l’intégrer en standard dans ses terminaux. « Le client final utilise toujours la même application de l’opérateur quel que soit son réseau », explique le responsable marketing. Une façon d’éjecter ou d’empêcher l’arrivée des applications de VoIP propriétaires (Skype) ou ouvertes (type SIP phone).

Enfin, la présence de l’offre peut créer la différence avec la concurrence. À condition de la monétiser intelligemment. « Les opérateurs ne peuvent pas raisonnablement baisser les prix des communications pour répondre aux besoins de quelques utilisateurs. Et il est inutile de vouloir bloquer le service de VoIP. Concurrencer les services de VoIP est leur seule sortie », estime Steven Shaw. À défaut de convaincre les opérateurs de réseaux 3G, Steven Shaw pense que la VoIP décollera avec l’arrivée du très haut débit mobile et la voix sur LTE (VoLTE) dont Qualcomm a fait la démonstration technique sur un réseau d’Ericsson.

Une solution lancée en… 2009

Pour l’heure, Smart VoIP n’est disponible que pour la plate-forme Android, plus accessible que les autres de par la politique d’ouverture de l’environnement. Mais Kineto reste évidemment ouvert à tous les environnements. Pour la petite histoire, Steven Shaw nous a montré la date de publication du premier communiqué de presse de Smart VoIP : 2009 ! « C’était trop tôt, les opérateurs n’étaient pas prêts et personne n’en a parlé. » Le sujet est certes d’actualité désormais. Mais Kineto sera-t-il plus convainquant qu’en 2009 ?