Stockage : la modélisation se compare à celle d’un écosystème

Quand la nature nous enseigne comment concevoir une stratégie de stockage des données… Entretien avec Steve Tongish, directeur marketing EMEA de Plasmon

Dieu sait si le monde du stockage de données peut s’avérer confondant. Non seulement on doit faire face à une multitude de technologies dotées de différents attributs, mais celles-ci peuvent s’implanter de maintes façons. Ce qui ne facilite pas vraiment le tri parmi la foule des acteurs afin de trouver des solutions correspondant parfaitement aux besoins particuliers de chaque entreprise. Le microcosme informatique nous rabache depuis peu ce terme « écosystème ». Pourquoi prendre la nature pour modèle? Pourquoi pas? Après tout, tout écosystème offre un cadre compréhensible par tous et peut constituer un moyen très utile pour examiner les technologies de stockage et leur architecture. Tout comme la nature nous donne des leçons sur les écosystèmes via la biodiversité, de même pouvons-nous tirer des conclusions intéressantes des écosystèmes de stockage et des avantages à pratiquer la « techno diversité ». Au fait, un écosystème, c’est quoi? Ses trois principaux constituants sont: – les espèces, – les populations, – les communautés. Ces éléments et leurs relations sont déterminants pour assurer la santé d’un écosystème. Espèces Dans la nature, une espèce se définit comme un « organisme se reproduisant et se croisant », ceci valant aussi bien pour les plantes que les animaux et constituant le point de départ de ces systèmes du vivant. Même si les technologies de stockage ne se « croisent » pas de la même manière, une espèce de ce « phylum » peut être comparée à une catégorie technologique (disque magnétique, optique, bande?). Tout écosystème naturel est constitué de nombreuses espèces, chacune ayant un rôle unique à jouer au sein de l’environnement global. Il en est de même dans le cadre de l’écosystème stockage. En tant qu’espèces, les disques magnétiques offrent de la performance, les bandes de la capacité à bas coût, tandis que la technologie optique fournit la longévité du support et garantit l’authenticité des données. Toutes les espèces connaissent des mutations génétiques modifiant légèrement différents attributs, tout en conservant le même rôle. Ainsi trouve-t-on différents types de fleurs et d’insectes tout comme il y a différentes gammes de technologies disque, bande et optique. Parmi les variations génétiques des espèces stockage, figurent les « sous-espèces » Fibre Channel, SCSI et SATA en matière de disque ; LTO, DLT et AIT pour les bandes, et CD, DVD et UDO pour l’optique. Tout comme dans la nature, il est difficile de dire qu’une espèce est « meilleure » ou « pire » qu’une autre. Ces variations servent un but et il est important de reconnaître ce but spécifique afin de tirer pleinement parti de ses atouts sur le plan technologique. Populations Le second composant d’un écosystème est sa population, à savoir un groupe d’individus appartenant à une espèce donnée. Les populations fournissent le premier niveau d’interaction tant au sein qu’à l’extérieur d’une espèce et elles s’avèrent essentielles pour la survie et l’évolution. On découvre mieux les populations « stockage » lorsque les « espèces technologiques » sont combinées les unes avec les autres afin d’étendre leur rôle. Deux bons exemples: d’une part, les systèmes RAID qui combinent la technologie disque afin de fournir une meilleure résilience système. D’autre part, la combinaison de bibliothèques bandes et disques optiques qui offrent une capacité système accrue et une gestion automatisée des supports. Les populations facilitent aussi les croisements, lesquels sont à l’origine de la diversité génétique entre espèces. Ceci est reflété au sein des technologies de stockage par des espèces hybrides développées pour des applications spécifiques. Celles-ci incluent les configurations « disk to disk » pour le stockage et la sauvegarde multiniveau, « disk to tape » pour une restauration programmée et « disk to optical » pour un archivage haute performance. Cet intercroisement des populations est d’ailleurs l’élément moteur de l’évolution des espèces. Plantes et animaux sont ainsi en mutation permanente, chaque nouvelle variation luttant pour survivre, les variations se suivant les unes après les autres au travers de l’exploitation d’une niche environnementale. Les technologies de stockage connaissent le même processus de développement résultant de l’interaction avec les autres technologies et l’identification des opportunités du marché. Tout comme les plantes et les animaux, la technologie de stockage est également sujette à un processus de sélection naturelle, la survie dépendant ici de la compétence technique et de l’acceptation du marché! Communautés La dernière marche dans cette hiérarchie d’un écosystème est occupée par une communauté, laquelle reflète l’interaction de toutes les populations du système. Le concept de communautés est extrêmement important puisqu’il illustre la force de la diversité des espèces et l’interdépendance des populations. Dans un écosystème naturel, les communautés décrivent des dépendances aussi bien subtiles qu’ouvertes. L’exemple le plus frappant de cette interaction étant celui du « Food Web » que l’on pourrait définir comme une chaîne alimentaire multidimensionnelle entre et parmi les diverses populations. Mis à part le fait de s’entredévorer, il existe d’autres relations tout aussi intéressantes, bien que plus subtiles, qui sont essentielles au maintien de la santé et de la survie des populations du système. Dans un écosystème stockage, le comportement communautaire peut s’observer via la connectivité réseau des différentes technologies de stockage et le degré d’efficacité de la gestion de cette infrastructure. C’est à ce niveau que l’on peut observer le développement d’architectures spécialisées comme le DAS (Direct Attached Storage), le NAS (Network Attached Storage) et le SAN (Storage Area Network), combinées à des applications SRM (Storage Ressource Management). Chaque architecture propose une manière différente de partager et de stocker les données, approche optimisée en fonction de pré-requis spécifiques (par exemple, des bases de données versus données non structurées). La chaîne alimentaire globale de la nature a un excellent corollaire au niveau des données et des flux de documents. L’une comme l’autre ont d’ailleurs non seulement la même structure graphique, mais leurs relations sont tout aussi vitales pour la survie d’un écosystème. On peut aisément imaginer pourquoi tout écosystème naturel a besoin pour sa survie d’une chaîne étendue diversifiée et efficace, ce qui est tout aussi vrai en ce qui concerne les flux de documents dans un écosystème stockage. Or, dans l’univers informatique, on a trop souvent tendance à détacher les règles et procédures métier de l’infrastructure informatique elle-même, mais, comme la Nature le démontre clairement, les espèces sont intrinsèquement liées les unes aux autres par un tissu de relations. Ceci est essentiel pour comprendre les flux de données et de documents d’une entreprise afin de pouvoir créer une infrastructure de stockage qui marche. L’écosystème Si les espèces, les populations et les communautés constituent un écosystème, ce dernier possède également sa propre dynamique, laquelle ne doit pas être ignorée. Les écosystèmes ont besoin de biodiversité et sont en perpétuel changement. Ils sont constitués de communautés biotiques (plantes et animaux) et de facteurs abiotiques (influences externes), lesquelles peuvent provoquer des ruptures dramatiques de l’ensemble. Dans un écosystème stockage, les communautés biotiques sont constituées par des matériels, des logiciels et des hommes, tandis que les facteurs abiotiques comprennent les prérequis métier, les contraintes financières, la conformité réglementaire et les règles de l’entreprise. La communauté biotique étant en évolution permanente, les facteurs abiotiques sont eux aussi une cible en perpétuel mouvement. De plus, on doit prendre en compte des considérations de disruption externe comme les désastres naturels (incendie ou dégât des eaux) ou des changements corporate résultats d’acquisitions, de contrats remportés, de procès, etc. Les leçons des écosystèmes Pour peu que l’on pousse le trait de l’analogie, on s’aperçoit que les écosystèmes de la Nature offrent vraiment une perspective intéressante. Il y a ainsi quelques leçons significatives que l’on peut apprendre à leur contact, ce qui sera du plus grand bénéfice à toute saine stratégie de stockage. 1. Chaque espèce a un rôle à jouer Disque, bande ou stockage optique ont chacun été développés pour des raisons spécifiques qui expliquent leurs forces comme leurs faiblesses. On ne peut donc pas ignorer les attributs fondamentaux d’une technologie. Les stratégies les plus robustes en matière de stockage prennent justement appui sur les forces de différentes technologies pour répondre aux divers besoins de l’entreprise. 2. Les espèces évoluent et muent Aucune technologie n’est assurée de perdurer à tout jamais. Lorsqu’on conçoit un écosystème de stockage, le mieux que l’on puisse espérer c’est de réduire la fréquence à laquelle muent les espèces. Pour maximiser la longévité d’une technologie, il convient de rechercher des produits ayant fait leurs preuves et ayant une stratégie de développement. 3. Des relations complexes au sein des chaînes alimentaires sont garantes de « résilience » Il est vital de bien appréhender les flux de données et de documents et d’intégrer règles et procédures dans l’écosystème de stockage. Plus les processus de flux de travail seront intégrés dans la stratégie de stockage, moins il y aura de dépendance face à une technologie spécifique, ce qui contribuera d’autant à la « résilience » de l’ensemble du système. 4. Une forte biodiversité crée la stabilité du système La diversité technologique est un élément clé de la stabilité de l’écosystème. Tout comme un écosystème naturel ne peut pas exister doté d’une seule et unique espèce, de même un écosystème de stockage stable ne peut pas se définir à l’aide d’une seule technologie. Fuyez comme la peste les vendeurs proposant une solution panacée n’utilisant qu’une seule technologie. Si ces approches peuvent paraître séduisantes, elles contredisent la nature fondamentale de la technologie et limitent la diversité, ce qui affaiblit d’autant l’ensemble de l’écosystème. Une stratégie qui embrasse la diversité technologique répondra mieux aux besoins de l’entreprise car elle sera moins sensible à une rupture système importante. 5. Les écosystèmes sont en mutation perpétuelle Bref, il faut y croire et être prêt au changement. Celui-ci peut venir de l’évolution des espèces, de facteurs abiotiques ou d’une rupture de l’écosystème. Un système robuste doit en tenir compte. Le thème le plus important dans la modélisation d’un écosystème tient au bénéfice que la diversité apporte. Même si ceci peut sembler aller à contre-sens des intuitions puisque l’univers informatique est obsédé par la consolidation, il est essentiel d’établir un équilibre entre l’efficacité opérationnelle et une diversité de technologies intelligemment agencée. Simplifier une infrastructure au point d’en compromettre la biodiversité met en péril la viabilité à long terme de tout l’environnement. Un écosystème de stockage réussi intègre une gamme appropriée de technologies, d’applications et de processus. Par exemple, il utilisera la performance du RAID pour son stockage primaire et la longévité et l’authenticité des archives enregistrées en UDO, ce qui lui permettra de capitaliser sur les points forts de ces deux technologies. Aussi, définir des règles et des procédures répondant aux exigences réglementaires et à la politique de l’entreprise permet une saine gestion documentaire via des flux de travail structurés. Les espèces technologiques, les populations mixtes et les relations entretenues par la communauté, tout cela joue un rôle pour assurer la survie de l’ensemble. Alors que les entreprises se débattent pour développer des solutions de stockage répondant à leurs besoins métier, elles peuvent vite perdre de vue la vision globale qui cimente l’ensemble de leur stratégie. Un modèle d’écosystème naturel offre un moyen très tangible autant qu’intuitif de visualiser ces objectifs stratégiques.