Edouard Beaucourt, Tableau : « nous misons sur la multiplicité des sources de données »

Simplifier et ouvrir le décisionnel à tous. Fidèle à son crédo, Tableau Software poursuit sa progression ininterrompue depuis 10 ans grâce à son positionnement de spécialistes. Entretien avec Edouard Beaucourt, son directeur commercial.

La société Tableau, créée sur un projet initié à l’université de Stanford (Californie), a commencé ses activités en 2005, avec comme mission de « permettre aux utilisateurs de voir et comprendre leur donner, sans nécessiter l’assistance d’un informaticien ».
Avec le suédois Qlik ( notre article), Tableau forme le duo des trublions de l’exploration et de la visualisation de données ayant secoué la BI depuis une dizaine d’années. D’ailleurs son chiffre d’affaires 2014 de 413 millions de dollars n’est finalement pas très éloigné des 556,8 millions de dollars réalisés par Qlik.
Toutefois, comment tirer son épingle du jeu, face aux géants du marché ? Réponses avec Edouard Beaucourt, directeur commercial France et Suisse Romande chez Tableau.

Edouard Beaucourt - Tableau Software
Edouard Beaucourt – Tableau Software

Silicon.fr : Tableau propose cinq produits différents. Pouvez-vous nous expliquer ses produits et leur positionnement ?

Edouard Beaucourt: En fait, tous nos produits sont des déclinaisons différentes du même concept originel.
Tableau Desktop est un logiciel autonome sur PC ou Mac qui peut se connecter à toute source de données (un tableur Excel ou 60 bases de données ou applications -y compris Hadoop) avec plusieurs possibilités de publication. Soit le résultat est publié sur le portail Web communautaire Tableau Public au format HTML5, permettant une visualisation dynamique gratuite sur tout type de périphérique. Soit il est publié dans un format sécurisé, avec des règles d’accès et d’autorisation.

Pour cette seconde publication, s’agit-il d’une version entreprise sur site ? Existe-t-il aussi un service cloud?

Les deux possibilités sont disponibles. Tableau Server sous Windows Server est conçu sous le même principe que Tableau Public, avec en plus des règles de gouvernance pour les accès, le chiffrement, l’administration… et bien entendu l’intégration avec des annuaires du type LDAP, des politiques de sécurité existantes (y compris celle des bases de données), etc. Avec cette version sur site, le géant de la distribution Walmart a déployé plus de 80 000 utilisateurs.
Enfin, Tableau Online est la version en mode SaaS, avec exactement les mêmes fonctionnalités. Nous proposons également Tableau Reader, une version gratuite permettant de lire les documents Tableau en profitant des fonctions principales.

Souvent les solutions de BI et comportent des extensions selon les choix de l’utilisateur, ou les connecteurs. Qu’en est-il chez Tableau ?

Chez nous, les trois prix sont sans aucune option ni aucun coût caché. Desktop est proposé pour 1999 dollars, avec un renouvellement de 400 dollars par an (et une version Personal à 999 dollars + 200 dollars par an pour le support). Tableau Server est vendu à 1000 dollars par utilisateur. Et Online revient à 500 dollars par utilisateur et par an.

Concernant la version cloud, où est situé votre datacenter ?

Actuellement, nous proposons cette solution depuis notre datacenter aux États-Unis, mais cela ne semble poser aucun problème à nos clients. Néanmoins, nous étudions pour cette année la possibilité de déployer un datacenter européen en Irlande.

Aujourd’hui, les grands acteurs du marché de la BI proposent tous des fonctions d’exploration et de visualisation évoluées. Comment vous positionner face à eux ?

Mon parcours professionnel m’a amené à travailler chez IBM, Microsoft, Hyperion, Clarity… Effectivement, les géants du logiciel s’intéressent depuis longtemps à la Business Intelligence. Il y a 10 ans, estimant leurs propres développements pas assez efficaces, la plupart d’entre eux ont réalisé des achats, comme IBM, Oracle, SAP. Et finalement, il n’est pas facile pour eux de maintenir ses produits de BI en assurant la cohérence globale avec leurs différents logiciels. En outre, cela les oblige à se positionner comme généraliste (BI, reporting, analytique…). Or, les clients réclament plutôt des spécialistes.

Il suffit pour s’en convaincre de regarder les leviers de réussite de ces entreprises : Office, Windows et SQL pour Microsoft ; l’ERP et Hana pour SAP ; et les solutions clés en main logicielles et serveurs intégrés pour Oracle et IBM. En revanche, la clé du succès de Tableau repose sur le pari de simplifier la prolifération des données. En effet, il y a 15 ans la plupart des entreprises disposaient de quatre ou cinq sources de données : Excel, Oracle, DB2, SAP, Microsoft SQL… Aujourd’hui, elles doivent composer avec un environnement bien plus complexe : des datawarehouses, des datamarts, des données dans le cloud, des services cloud de type Salesforce, Hadoop, etc.

Et justement, Tableau mise sur la multiplicité de ces formats avec plus de 60 connecteurs. D’ailleurs, la version 9, qui sera proposée début avril, comprendra de nouveaux connecteurs dont celui vers le service RedShift d’Amazon Web Services. Aujourd’hui, nous disposons déjà de 500 développeurs travaillant uniquement sur tous ses aspects à Seattle, et nous en compterons plus de 700 d’ici à la fin de l’année. Un effectif conséquent sur les 2000 employés que compte la société, et les 3000 qu’elle totalisera fin 2015.

Que représente l’Europe pour une société comme Tableau ? Et comptez-vous recruter en France ?

La zone Europe est stratégique pour Tableau. D’ailleurs nous allons accentuer encore nos investissements, et plus particulièrement au Royaume-Uni, en France et en Allemagne. Trois pays qui représentent une croissance de chiffre d’affaires de 100 % depuis deux ans, et une augmentation de 60 % de notre portefeuille de clients. Ainsi en 2014, nous avons attiré 1000 nouveaux clients sur ces trois pays.

Effectivement, nous allons recruter en Europe et en France. Nous recherchons des commerciaux pour les grands comptes et le mid-market, mais aussi des avant-vente, des collaborateurs au marketing et à l’administration des ventes.

Quelle valeur différenciatrice apportent vos produits sur ce marché ?

Aujourd’hui 80 % des utilisateurs en entreprise ont une approche très limitée de la Business Intelligence. Soit ils bidouillent sous des tableurs de type Excel, soit ils ne disposent d’aucun outil. Nous souhaitons justement nous adresser en priorité à ses 80 % : services marketing, achats, ressources humaines…

Une approche qui fonctionne plutôt bien. En France, nous avons signé avec huit nouveaux clients sur des projets stratégiques d’entreprise qui intégraient également la gouvernance, la sécurité, et l’intégration l’informatique existante.

En effet, nous avons également une proposition de valeur intéressante pour l’informatique. Nos solutions reposant sur un package et un exécutable unique, l’installation et la maintenance sont simplifiées, ainsi que les mises à jour, les sauvegardes, et les restaurations.

Côté gouvernance nos outils permettent simplement de définir les bonnes données, et nomenclatures appropriées, les droits d’accès, et les politiques de sécurité adéquates. Nos clients apprécient également la facilité de mise en production. Ainsi, il est possible de superviser une application Tableau pour 5000 utilisateurs avec l’équivalent d’un demi-temps-plein, alors qu’il faut plus de 20 personnes pour 10 000 utilisateurs sous Oracle BI, par exemple. Ainsi les informaticiens peuvent se repositionner sur leur métier, et ne pas se contenter de prendre des appels pour répondre aux demandes incessantes de reporting des utilisateurs, devenus autonomes sur ces aspects. Ils peuvent ainsi consacrer plus de temps à l’infrastructure, les sauvegardes, l’architecture, et la sécurité des données, puisque l’utilisateur peut poser lui-même ses questions sur ces données.

Quels différenciateurs technologiques pouvez-vous mettre en avant ?

Tout d’abord, nous disposons d’une seule plate-forme simple et non de multiples produits.
Ensuite, notre approche des données s’effectue selon deux modèles. Tout d’abord, nous pouvons extraire des données et les montées en mémoire pour leur appliquer des traitements.

Par ailleurs, nous travaillons également en mode « In-Database ». Dans ce cas, les traitements se connectent directement à l’infrastructure de données de production. Ce qui représente un atout considérable lorsqu’il s’agit de grosses volumétries d’information. En outre, il est possible de travailler en mode hybride avec le mode In-Memory.

Ce type d’approche nous a permis de remporter de nombreuses affaires auprès de grandes entreprises. En effet, elle permet de tirer parti des performances de l’infrastructure déjà installée.

Comment est perçue une plate-forme simple à installer et à maintenir par des partenaires qui réalisent du chiffre d’affaires sur ce type d’opération ?

Aujourd’hui, nous collaborons avec plus de 20 partenaires en France. A une époque, il était courant de proposer 150 jours à 350 € (par jour homme) pour du déploiement. Aujourd’hui, nos partenaires se concentrent plutôt sur la qualité des données et les approches de type MDM (Master data management), pour des enveloppes de 50 jours à 1000 €. Cette différence est assez simple à comprendre et à apprécier, et fonctionne très bien sur le terrain.

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